Le coronavirus chinois peut-il conquérir la planète?

Par Alain Perez -  Journaliste

Théragora - www.theragora.fr - Théragora le 1er février 2020 N° 30 - Page 0

Le virus apparu à la fin de l’année dernière dans la région de Wuhan en Chine commence à livrer ses secrets. Mais selon les chercheurs français, les données actuellement disponibles manquent de fiabilité pour prévoir l’évolution de l’épidémie.

 

«Jusqu'en 2002, les coronavirus n'étaient vus comme un problème que pour les personnes immunodéprimées et les nourrissons, susceptibles de développer des complications respiratoires de type pneumonie en cas d'infection. Pour les autres, au pire des cas, c'était paracétamol et mouchoirs ! Et puis il y a eu le SRAS-CoV, un nouveau coronavirus apparu en Chine, qui a non seulement acquis le super pouvoir de se transmettre de l'animal à l'homme puis d'homme à homme, mais aussi celui de déclencher une détresse respiratoire aigüe, voire le décès des personnes infectées. En 2012, rebelote avec MERS-CoV, apparu cette fois-ci en Arabie Saoudite». Dans ce récent commentaire, les chercheurs de l’Inserm résument le problème qui passionne désormais les épidémiologistes du monde entier: le coronavirus chinois apparu à la fin de 2019 est-il un super virus armé pour conquérir la planète ou un simple épisode de l’évolution darwinienne du vivant qui produit en permanence et de façon aléatoire de la diversité?

Du point de vue de la santé publique, deux paramètres principaux caractérisent un virus. D’abord sa contagiosité, c’est-à-dire sa capacité à infecter un organisme humain qui passe à sa portée. Ensuite sa virulence, c’est-à-dire son habileté à contourner le système immunitaire de son hôte pour le tuer.

En règle générale, plus un virus est contagieux et moins il est dangereux. Au sommet de l’échelle de la contagiosité trône la rougeole. Ce virus à ARN dont l'unique réservoir naturel est l'homme est une sorte de champion de la conquête de nouveaux territoires. Un porteur de la maladie peut contaminer une quinzaine de personnes autour de lui. En revanche, ce morbillivirus est peu dangereux avec un taux de létalité (mortalité) relativement faible : moins de 1% de décès chez la population atteinte. Le virus de la rougeole est donc un conquérant rapide et efficace, mais il provoque assez peu de dégâts.

A l’opposé, le virus Ebola est mortel chez près de 90% des malades. Mais il se propage lentement, ses victimes décédant le plus souvent avant même de pouvoir contaminer un voisin. Avec un taux de propagation de l’ordre d’une personne contaminée par malade, l’épidémie finit par s’éteindre d’elle même «faute de combattants».

Entre ces deux extrêmes, les virus de la grippe, de la poliomyélite et les coronavirus (CoV) occupent des positions intermédiaires (voir tableau). «Du point de vue de sa contagiosité le coronavirus chinois semble être proche de la grippe saisonnière et du SRAS, avec un taux de propagation compris entre 2 et 3 contagions par personne infectée. En ce qui concerne sa virulence, les données sont encore insuffisantes » précise Arnaud Fontanet, responsable de l’unité des maladies émergentes de l’Institut Pasteur à Paris. La mortalité du virus de Wuhan serait actuellement de l’ordre de 3 à 4%, contre 10% pour le SRAS et 0,1% pour la grippe saisonnière.

 

Tableau 1 source New York Times

 

 

 

La terreur de Wuhan

Depuis le début janvier de nombreuses équipes de chercheurs se mobilisent dans le monde pour comprendre la pathogenèse de ce nouveau tueur, modéliser sa propagation et mettre au point des traitements ou des candidats vaccins. Grâce au séquençage complet de son génome, 2019-nCoV est désormais bien identifié et tous ses variants (actuels et futurs) pourront être suivis à la trace par les biologistes en possession de sa carte d’identité génétique initiale. «Nous pensons que c’est un virus qui mute assez peu » assure Arnaud Fontanet.

Dans la grande famille des coronavirus, pour la plupart bénins chez l’homme, «la terreur de Wuhan», est un cousin assez proche du SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) avec lequel il partage environ 70% de son génome et un parent un peu plus éloigné du MERS (Middle East respiratory syndrome) de triste mémoire. Les réservoirs naturels de ces tueurs sont des animaux sauvages et surtout des chauve-souris qui les héberge sans développer la maladie. Le passage chez l’humain se fait par le biais d’un hôte intermédiaire plus appétissant. En général, il s’agit un autre animal consommé par les humains.

Pour le SRAS, ce rôle de passeur a été joué par la civette masquée, un petit mammifère très prisé en Chine où il est couramment vendu sur les marchés. Dans le cas du MERS, l’hôte intermédiaire était le dromadaire. «Nous avons mis en culture en laboratoire le 2019-nCoV, tout comme nous l’avons fait pour le SRAS-CoV ou le MERS-CoV. Cela nous permet d’observer comment ce virus se réplique dans la cellule et comment il attaque les tissus. Bientôt, nous pourrons également tester des antiviraux potentiels» précise Sylvie van der Werf responsable des infections respiratoires à l’institut Pasteur.

Au premier février 2020, près de 12 000 cas de coronavirus de Wuhan ont été recensés dans le monde (dont 22 en Europe) et la transmission homme à homme est démontrée. Au 1er février on comptait 259 morts (tous en Chine), mais selon de nombreux experts, la fiabilité des données publiés par Pékin n’est pas garantie. Le taux de létalité devrait probablement se situer entre le SRAS et la grippe saisonnière mais on ne connaît pas encore le nombre de personnes infectées qui n’ont pas développé la maladie ou qui ont guérit spontanément.

 

 

 

Tableau 2 source ECDC

 

En attendant des données plus précises, l’institut Pasteur a constitué une «Task Force » comprenant une dizaine de chercheurs chargés de suivre l’évolution de l’épidémie et de découvrir des traitements spécifiques. Dans un premier temps ce seront des antiviraux et ultérieurement des candidats vaccins.  Le suivi des malades soignés en France va permettre de mettre au point un test sérologique (par analyse des sérums sanguins) destiné à constater la présence du virus dans la population par détection des anticorps.

Il est donc sans doute prématuré de parler de pandémie, d’autant que des mesures barrière relativement simples et peu couteuses (port de masque et lavage fréquent des mains) semblent efficaces pour couper la chaîne de transmission du virus. Pour sa part, le centre européen pour le suivi des maladies basé à Stockholm (European Centre for Disease Prevention and Control www.ecdc.europa.eu) estime que l’impact potentiel du virus de Wuhan reste élevé mais que le risque de transmission entre humain demeure faible sur le continent européen.

 

Alain Perez

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