L’appendicite

Par Dr Sophie Duméry -  Journaliste médecin

Théragora - www.theragora.fr - Votre pharmacien vous conseille N° 167 - Page 0

L’opération de l’appendicite a diminué au point qu’on la croirait disparue. Mais non, l’opération est encore la référence du traitement de cette infection digestive, toujours à l’affût.

 

Qu’est-ce qu’une appendicite ?

C’est l’inflammation par une infection plus ou moins importante d’un diverticule pendu à la partie droite du côlon, l’appendice. Il peut s’agir d’un gonflement (œdème) douloureux et suintant. Au pire sa destruction (nécrose) avec perforation laisse s’écouler du pus dans le ventre provoquant une péritonite, mortelle en l’absence du traitement adéquat.

Les œdèmes sont des appendicites non compliquées. Les nécroses et perforations sont des appendicites compliquées, toujours urgentes (environ 20% du total des cas). L’appendicite est la première urgence abdominale et pose toujours des problèmes diagnostics, surtout chez les très jeunes et les très âgés dont les signes sont trompeurs.

 

Quelle fréquence de l’appendicite ?

Les appendicites concernaient environ 12 personnes pour 10.000 habitants en 2015.1 Ce chiffre semble stable depuis quelques années, après avoir nettement décru grâce à l’imagerie abdominale (échographie et scanner) qui a limité l’errance diagnostique. En fait, seules les appendicites non compliquées sont moins nombreuses. Les appendicites compliquées persistent chez 4,5 personnes pour 10.000 et prédominent aux âges extrêmes (entre 4 et 30 ans, après 90 ans), chez les hommes et les personnes d’ascendance africaine. Cette différence d’évolution fait penser que les formes compliquées ne sont pas que des formes simples qui auraient mal tourné. Les formes sévères le seraient à cause d’une fragilité/prédisposition du patient : donc d’emblée graves.1

 

Quelles en sont les causes ?

On ne les connaît pas vraiment. L’appendice peut se boucher à cause d’un petit caillou de selle dure, un stercolithe, parfois à cause un parasite voire un corps étranger (fausse route, ingestion chez les petits enfants ou les personnes souffrant de trouble mental). Ce peut être à la suite d’une infection virale. Il faut aussi se méfier d’une tumeur, situation rare mais qui justifie que tout appendice retiré soit analysé soigneusement.

 

Comment fait-on le diagnostic ?

Il repose sur les signes cliniques, les examens sanguins et l’imagerie abdominale.

Les signes cliniques habituels sont une fébricule (38*-38°5C) plutôt qu’une grosse fièvre. La douleur pas toujours franche se situe en bas du ventre à droite au point dit de Mac Burney ; mais seulement quand l’appendice est à sa place « réglementaire », ce qui n’est pas toujours le cas ! La réaction digestive à l’inflammation peut être une diarrhée ou une constipation, des nausées et vomissements sans spécificité.

L’irritation musculaire locale peut entraîner une boiterie, qui attire l’attention chez des enfants qui continuent de jouer malgré une petite fièvre à 38°C-38°5C.

À un stade avancé (appendicite compliquée/perforée) la douleur est forte, le ventre se défend avec une crispation musculaire qui s’étend comme un mur de béton, qui signe la péritonite et l’urgence d’intervenir dans les heures suivantes.

Le bilan sanguin confirme une infection bactérienne (numération formule sanguine, CRP). L’imagerie est indispensable. Chez les personnes jeunes et les femmes enceintes, on préfère l’échographie, sans effet indésirable, mais moins parlante que le scanner (tomodensitométrie) qui irradie le patient (réservé aux adultes sans risque malformatif). Enfin, l’IRM n’est pas toujours disponible en urgence, ce qui limite son emploi.

 

Y a-t-il des erreurs de diagnostic ?

Oui. Il ne faut pas confondre avec une gastro-entérite, une infection génitale féminine (infection des trompes ou salpyngite), une infection urinaire/rénale (pyélonéphrite). Et l’imagerie ne résout pas tout !

Dans une étude américaine, les appendicites mal diagnostiquées sont la troisième cause de conflit entre médecins et patients : 80% sont évitables et la moitié porte préjudice aux patients. Les 5,7% de litiges de l’étude font émerger des contextes favorables à l’erreur : patients de plus de 50 ans, femmes, afro-américains, une ou plusieurs maladies chroniques (comorbidité). Ces deux dernières situations se retrouvent chez les enfants.2 L’absence de douleur franche, une constipation douloureuse ont égaré les médecins. Il y a aussi moins de scanners et plus d’échographies dans les diagnostics manqués.2

 

Quel traitement est le plus approprié ?

Pendant 20 ans le traitement antibiotique des « syndromes appendiculaires » a prévalu, en réaction à l’abus d’ablation d’appendices sains. Mais, avec le recul, la nuance s’impose.

La décision facile est une appendicite compliquée : elle relève toujours du chirurgien qui opère le plus souvent par cœlioscopie, avec des instruments insérés à travers la paroi abdominale. En cas de nécessité on ouvre le ventre (laparotomie) pour faire un nettoyage complet plus aisément.

Des travaux scientifiques suggèrent que retirer l’appendice avant 20 ans pour cause d’appendicite protègerait contre une inflammation chronique du côlon/rectum (rectocolite hémorragique).3 L’inflammation de l’appendice serait en somme un signe avant-coureur d’une inflammation auto-immune « à l’affût ».

 

Que vaut le traitement antibiotique seul ?

Les appendicites simples sont ordinairement traitées par un traitement antibiotique, bien qu’un rapport de l’Haute Autorité de Santé ne la considère pas comme valide en 2012.4 Très pratiquée car on évite une intervention chirurgicale dont on redoute toujours les complications (il n’y a pas de risque zéro), elle se fait par perfusion relayée par la bouche ou carrément à domicile par la bouche sous surveillance des proches.

Mais un consensus se fait pour opérer plus souvent car les récidives et complications sont fréquentes avec le seul traitement antibiotique. Des auteurs américains dénombrent un stercolithe enclavé dans l’appendice dans 27% des cas sous antibiotique, nécessitant la chirurgie dans 41% des cas. 5 Les complications ont été moindre chez les opérés, surtout en cas de stercolithe. Bref, à trois mois d’une crise traitée par antibiotiques, 29% des patients ont fini quand même entre les mains du chirurgien. S’il y a eu moins d’absence au travail sous antibiotique, les retours aux urgences et les hospitalisations ont été plus nombreux, ce qui n’est pas exactement un succès médico-économique ! 5 Dans une précédente étude, les recours à la chirurgie avaient été de 27% à un an et de 37% à 5 ans.6 De quoi préférer une appendicectomie dans les règles sous couverture antibiotique…

 

À quoi sert l’appendice ?

Pendant des siècles les anatomistes se sont perdus en conjecture sur ce bout de chair creux, apparemment plus problématique qu’indispensable. Puis son rôle dans l’immunité digestive est apparu ; il produit des lymphocytes contre les infections. L’enlever n’a toutefois pas paru néfaste jusque récemment. Dans une étude française récente, l’appendice est associé à une plus grande longévité de l’espèce qui le possède : humains, orang-outangs, koalas ou ornithorynques.3 Mais comment ? L’appendice stocke des bactéries comme « vaccin » permanent contre les diarrhées infectieuses, source multimillénaire de décès rapides et précoces. Il agirait en réduisant cette mortalité. Les chercheurs n’en déduisent pas qu’il ne faut pas retirer un appendice mettant la vie en danger. Ils concluent seulement qu’il ne faut pas le retirer sans bonne raison. 3

 



Références

1- Corinne VONS, Michèle BRAMI. Bull. Acad. Natle Méd. 2017 ; 201, n°2.

2- Prashant Mahajan et coll. JAMA Network Open. 2020;3(3):e200612.

3- Maxime Collard et coll. Journal of anatomy, juillet 2021. Communiqué Inserm du 3 août 2021.

4- HAS. Appendicectomie, novembre 2012.

5- The CODA Collaborative. N Engl J Med 2020; 383:1907-1919.

6- Salminen P et coll. JAMA 2015; 313: 2340-8.

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