Ce ne sont pas seulement les urgences qui inquiètent, notamment les patients, mais l’ensemble du fonctionnement de l’hôpital public : fermetures de lits, baisse des dotations, salaires insuffisants, départ de médecins vers le privé, difficultés de recrutement de personnels soignants, surtout infirmiers, et toujours la pression sur le volet dépenses, avec un taux de croissance annuel qui ne doit pas dépasser 2,1% en 2020.
La description est terrible ? D’autant que coté recettes c’est le calme plat. Mieux. Ou plus grave. « Dans la situation économique actuelle, on ne peut se permettre de reprendre la dette colossale de l’hôpital ni même d’accorder des crédits trop conséquents aux hôpitaux », dit-on du côté du ministère de l’économie qui ne voit d’évidemment pas d’un très bon œil la ministre de la santé faire le forcing pour obtenir des subsides supplémentaires et conséquents. « La facture actuelle est déjà très lourde » insiste Bercy.
Un discours que ne pourront comprendre les milliers de manifestants à Paris et dans les régions françaises qui ont crié mercredi leur colère et leur désarroi. Car la situation des établissements et des services est de plus en plus précaire, et parfois même catastrophique.
« Le système craque de partout », disent de plus ne plus de praticiens hospitaliers. A cet égard, la Tribune libre publiée dans « Le Monde » et signée par soixante dix directeurs médicaux de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, résonne comme un signal d’alarme que devra entendre le pouvoir exécutif. « Des centaines de lits d’hospitalisation, de médecine et de chirurgie, des dizaines de salles d’opérations à l’hôpital public ferment, er chaque semaine des nouvelles unités de soins ferment » écrivent-ils, dénonçant aussi des conditions d'accès aux soins dégradées et la sécurité des soins menacés. En clair, la catastrophe est proche.
Le message sera-t-il entendu ? Il doit l’être car l’hôpital, soutient le système de santé et si l’hôpital sombre, c’est tout l’ensemble le système qui est menacé à terme; à court terme, la société tout entière en subira les conséquences. La République sociale est en danger.
Certes le pouvoir n’est pas seul responsable de la situation actuelle. Depuis des décennies la seule politique admise par les économistes - et leur responsabilité est immense - tourne autour de la maitrise des dépenses, donc de la réduction des dépenses. On en paie la facture aujourd’hui et elle est lourde. Certes, il ne s'agît pas de faire n’importe quoi et de d’ouvrir grands les robinets des crédits sans cohérence. Il n'empêche, on ne mettra jamais suffisamment en avant les oeillères des économistes.
Agnès Buzyn plaide depuis des semaines, voire des mois auprès du Président de la République, et des ministres en charge de l économie, pour que des mesures d’envergures soient annoncées rapidement. Mais à l’évidence , les arbitrages sont difficiles entre ceux qui voudraient que l’on desserre les cordons de bourse pour éviter que les hospitaliers ne rejoignent les cheminots le 5 décembre, et ceux qui craignent des mesures qui ne feraient qu’accroitre le déficit public sans améliorer nécessairement la situation du secteur hospitalier. Emmanuel Macron sait bien le danger de la convergence des luttes et des manifestations. Le 5 décembre est partout dans les esprits. « « J'ai demandé au gouvernement, a dit le Président, de travailler avec vigueur pour un plan d'actions renforcé, et des décisions fortes, qui seront annoncées mercredi prochain. Ces décisions redonneront plus de moyens, mais pas seulement, c'est un plan beaucoup plus large. Nous devons assumer d'investir. La situation est encore plus grave que celle que nous avions analysée ». L’hôpital a déjà subi tant de plans et de réformes qu’il est prêt à en accepter un nouveau. A condition qu’il lui permettre de revivre et pas simplement de survivre. Et surtout d’éviter de mourir.