Si le diagnostic est porté à l’interrogatoire par une seule question relative à un problème d’érection ou de rigidité pénienne, ses caractéristiques la cataloguent en situation simple ou complexe. Le généraliste sans formation sexologique adresse au spécialiste les situations complexes.
En dehors des traumatismes pelvi-périnéaux, le trouble primaire (dès le début de la sexualité) témoigne d’un problème complexe, organique et/ou psycho-social, motivant un avis spécialisé psychiatrique ou psychosexologique. La DE est-elle inaugurale ou réactionnelle à un autre trouble sexuel ? Brutale (circonstance déclenchante) en faveur d’une cause psychologique dominante ? progressive orientant vers une cause organique ? Permanente, ou situationnelle (selon la partenaire) ? Y a-t-il des érections nocturnes et/ou matinales spontanées évoquant une origine psychologique ?
Y a-t-il capacité érectile résiduelle, suffisante pour une pénétration ? Persiste-t-il des érections provoquées (masturbation) et/ou spontanées (nocturnes et/ou matinales) ? La capacité érectile résiduelle permet de rassurer le patient. Une DE réactionnelle, situationnelle, avec conservation d’érections spontanées ou provoquées de bonne qualité est probablement d’origine psychologique. Quelle importance le patient accorde-t-il à son trouble, sachant qu’elle n’est pas obligatoirement proportionnelle à sa sévérité... Quelles raisons l’ont poussé à consulter ? Quel est le contexte affectif et sexuel du patient et de son couple ? Y a-t-il un retentissement familial ou professionnel ?
Le syndrome dépressif se répère par une réponse positive à 2 questions simples :“Au cours du dernier mois, vous êtes-vous souvent senti abattu, déprimé, désespéré ?”“Au cours du dernier mois, avez-vous souvent ressenti une baisse d’intérêt ou de plaisir dans votre vie de tous les jours ?”
Une anxiété de performance sexuelle, très fréquente, particulièrement en cas de personnalité anxieuse, maintenant le cercle vicieux de “l’échec érectile”.
Il est fortement recommandé de se renseigner sur le ou la partenaire (motivation sexuelle, importance du désir, dyspareunie, anorgasmie), sur sa santé générale et son état gynécologique (ménopause, contraception).
L’examen clinique comporte toujours un examen uro-génital : caractères sexuels secondaires et anomalies morphologiques (testicules, pénis, seins), toucher rectal (après 50 ans sans antécédents familiaux de cancer prostatique). Un examen cardio-vasculaire : PA, recherche des pouls périphériques et d’un souffle artériel, périmètre abdominal. Un examen neurologique orienté : réflexes ostéo-tendineux et cutanés plantaires, sensibilité des membres inférieurs, recherche d’une anesthésie en selle (lors du toucher rectal).
Il est recommandé de faire participer de façon active le patient et son couple au choix du traitement oral de première intention : bénéfices, risques, coût selon le besoin. Sauf exception, les traitements locaux ne font pas partie de la prise en charge de première intention.
Les traitements oraux en trois catégories :
La yohimbine
La yohimbine n’a pas fait la preuve de son efficacité en dehors d’une DE légère à prédominance psychologique. Ce traitement n’est pas recommandé en dehors d’un choix éclairé du patient.
L’apomorphine sublinguale
L’apomorphine n’est pas contre-indiquée avec les dérivés nitrés, elle est prescrite avec précaution avec les dopaminergiques (Parkinson). D’efficacité modeste, elle n’est recommandée en première intention que dans les DE légères.
Les inhibiteurs de la PDE5
Ils facilitent la myorelaxation intra-caverneuse (médiateur NO) donc l’afflux sanguin nécessaire à l’érection. Ils sont le traitement de première intention de référence. Trois molécules, non remboursées par la sécurité sociale, sont disponibles : sildénafil (Viagra®) à 25, 50 et 100 mg ; tadalafil (Cialis®), à 10 et 20 mg ; vardénafil (Lévitra®), à 5, 10 et 20 mg. Les effets secondaires sont minimes à modérés (bouffées vasomotrices, céphalées, dyspepsie, rhinite...). Le respect strict des contre-indications (prise de dérivés nitrés ou de donneurs de NO) et des précautions d’emploi (interactions médicamenteuses) est indispensable.
Avant d’instaurer un traitement oral par les inhibiteurs de la PDE5, il est recommandé de vérifier l’aptitude à l’exercice physique : montée de deux étages (un étage pour une partenaire habituelle) ; 20 minutes de marche par jour. Si le patient est “inapte” à l’activité sexuelle, on programme des exercices gradués après contrôle cardio-vasculaire pour atteindre une aptitude ultérieure en vue d’un traitement. Chez un patient actif sans antécédent coronarien, asymptomatique à l’effort régulier, avec peu ou pas de facteurs de risque cardiovasculaire, les inhibiteurs de la PDE5 sont autorisés sans exploration cardiologique préalable. Chez un patient sans antécédent coronarien, sédentaire et/ou présentant plus de 3 facteurs de risque, les inhibiteurs de la PDE5 nécessitent un avis cardiologique préalable. Chez un coronarien connu, l’avis cardiologique est nécessaire avant traitement.
Hormis cas particuliers, les différences intrinsèques entre les trois molécules ne permettent pas de préconiser un inhibiteur de la PDE5 plutôt qu’un autre. Le choix sera celui du patient, après information sur les trois molécules (délai, durée d’action). Attention : une cause fréquente d’échec est l’absence d’explications (prescription “sèche”). Bien expliquer qu’il s’agit d’un traitement facilitateur de l’érection, à la demande, nécessitant une stimulation sexuelle, dont l’effet peut être visible à la première prise mais dont les résultats peuvent s’améliorer au fil du temps (minimum de 4 à 6 essais). Le patient n’est pas obligé à un rapport sexuel immédiat parce qu’il a pris un comprimé : la plage d’efficacité est d’au moins 4 à 5 heures, donc sans précipitation.
La prescription isolée d’un inhibiteur de la PDE5 sans prise en charge d’un trouble de l’humeur, d’un trouble anxieux, d’un trouble de la personnalité ou d’un problème relationnel de couple risque l’échec. Et l’arrêt fréquent du traitement. La combinaison du traitement de la DE à une prise en charge en psycho-sexologie est donc recommandée.
DE et anxiété
Un haut niveau d’anxiété avec angoisse de performance au premier plan joue sur l’efficacité des traitements. Distinguez personnalité anxieuse (anxiété de fond) et anxiété situationnelle (performance sexuelle). En cas d’anxiété de fond, sont envisageables : le psychotrope le moins délétère sur la fonction sexuelle, une psychothérapie, un traitement de la DE. En cas d’anxiété de performance, il faut expliquer, rassurer, proposer une prise en charge spécifique de la DE.
Dysfonction érectile et dépression
Syndrome dépressif et DE sont souvent associés. Le risque de DE augmente avec l’ancienneté dépressive et sa récurrence. Si le patient est traité, il faut faire la part entre DE symptôme dépressif, DE cause de la dépression, DE induite par le traitement. Cela avec le psychiatre qui suit le patient. Si le diagnostic de dépression est fait lors de la consultation, il est recommandé d’évaluer la chronologie par rapport à la DE ainsi que l’intensité du syndrome dépressif. Si la dépression préexiste, il faut la traiter d’abord. Si elle est légère on peut y associer un traitement de la DE. Si la DE précède le syndrome dépressif, ce peut être un facteur déclenchant chez une personnalité vulnérable. On traite la DE avec éventuellement une prise en charge psycho-sexologique.
Dysfonction érectile et problèmes de couple
La dysfonction sexuelle traduit souvent un problème relationnel dans le couple. Elle peut aussi le générer. L’oublier voue le traitement, notamment oral, à l’échec. Il est recommandé de revoir le patient, avec sa partenaire, pour évaluer leur relation. Une sexothérapie est recommandée si ce problème est au premier plan. Elle n’est pas nécessaire pour les couples “positifs”, sans barrières au traitement, avec des attentes sexuelles synchrones et une sexualité antérieure satisfaisante.
Pourquoi avoir fait des recommandations sur la dysfonction érectile (DE) à destination des généralistes?
Nous sommes partis des résultats d’une étude de 2003: en France, 78% des hommes ayant une DE n’osent pas en parler à leur généraliste. Sur les 22% qui ont évoqué le sujet, seul un tiers a été traité et parmi ceux là, 50% on reçu…des vitamines. Un manque de formation évident qui génère d’ailleurs des inquiétudes et freine le médecin à parler spontanément de la DE avec ses patients. C’est pourtant une nécessité, d’où ces recommandations.
Pourtant, le texte ne parle pas de dépistage mais s’appuie sur une plainte du patient. A la lumière des chiffres que vous avez donné, n’est-ce pas utopique ?
Nous avons travaillé selon la méthodologie Anaes. C’est pourquoi inciter explicitement au dépistage alors qu’il n’y a pas de preuves scientifiques de son intérêt nous était impossible. Pourtant, nous sommes persuadés qu’il est efficace. L’idée sous-jacente du texte est donc de dépister au moins les sujets à risques (diabétiques, hypertendus…). Dans le meilleur des cas, chaque patient devrait être interrogé à un moment. Mais là on est dans la médecine de demain où la sexualité est intégrée comme critère de bonne santé.
La DE n’est pas le seul sujet où l’on invite le généraliste à dépister. Vues les conditions actuelles d’exercice, est-ce vraiment réaliste ?
Oui à condition de ne pas demander l’impossible au médecin. Les deux généralistes présents dans le groupe de travail nous ont aidé en ce sens. C’est pourquoi nous avons établi cinq critères pour une prise en charge en médecine générale. Le but n’est évidemment pas de faire des sexologues en cinq minutes.