Le prix à payer ?
Tous les cancers pelviens sont à risque de provoquer des lésions sur des organes qui touchent, de manière mécanique ou symbolique, à la sexualité. L’exérèse de la tumeur (ou sa destruction par radiothérapie) peut ainsi entraîner des altérations de l’innervation, de la vascularisation voire de l’organe lui-même. D’autres cancers affectant la sphère digestive, urogénitale ou gynécologique, sont également grands pourvoyeurs de troubles de la sexualité en raison des conséquences qu’ils ont sur le schéma corporel du patient. « Pendant longtemps, on a considéré que la perte de la fonction sexuelle était le prix à payer pour guérir ou pour gagner quelques années de survie », rappelle le Pr Droupy. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Une chirurgie de plus en plus économe
Dans les années 80, dans toutes les spécialités chirurgicales, le mot d’ordre est à la prudence. Les chirurgies sont radicales, on enlève tout, on coupe large afin d’accroître les chances de guérison du patient. Qu’importe si parmi les structures réséquées, se trouvent les nerfs permettant l’érection pénienne ou celle du clitoris…
Au fil des ans, la cancérologie a évolué vers une chirurgie plus économe, préservant mieux les différentes structures. Les radiothérapies et chimiothérapies néo-adjuvantes ont également été utilisées pour faire régresser la tumeur avant l’interventionafin que le geste chirurgical soit le moins délabrant possible. Même en cas de chirurgie radicale, les praticiens sont attentifs à préserver les bandelettes vasculo-nerveuses qui se trouvent de part et d'autre de la prostate et de la vessie.
Ultime étape : l’apparition de traitements focaux permet de limiter l’exérèse, voire d’éviter toute chirurgie. « Ces traitements innovants sont très recherchés par les patients en raison de leurs moindres effets secondaires », précise le Pr Droupy qui rappelle toutefois que beaucoup d’entre eux sont encore expérimentaux, et n’ont pas été évalués en matière de survie sans récidive.
En parallèle de cette évolution des prises en charge, est apparue au décours des années 2000 la notion de soins de support. L’oncosexologie est le dernier-né de ces soins de supports qui englobent la prise en charge de la douleur, de la fatigue, les conseils nutritionnels, la lutte contre les effets secondaires des thérapeutiques anticancéreuses (nausées, troubles digestifs, troubles cutanés…).
Informer avant toute chose
Beaucoup de traitements généraux du cancer induisent de la fatigue et une kyrielle d’effets secondaires qui entraînent une inappétence pour les relations amoureuses. Les castrations chimiques nécessaires pour traiter certains cancers du sein ou de la prostate anéantissent la libido ; elles sont en outre responsables de sécheresses vaginales chez la femme et de modifications des réactions sexuelles chez l’homme. Il convient d’informer les patient(e)s afin qu’ils déterminent la prise en charge thérapeutique la plus adaptée à leurs attentes. Certains peuvent choisir de vivre autrement, d’opter pour une certaine forme de qualité de vie, au détriment de la quantité de vie.
Parler de sexualité aux patients souffrant d’un cancer uro-génital est essentiel. Dix à 20 % des hommes touchés par une absence de libido consécutive à leur traitement conservent une « envie d’avoir envie ». En particulier ceux dont la perte de sexualité entraîne des dysfonctionnements au sein du couple. Il existe peu de solutions pour les patients castrés chimiquement, dont la libido est en panne. Néanmoins, des aides et un accompagnement sont possibles. Sur le plan technique, les thérapeutiques orales, locales, les injections intra-caverneuses de prostaglandines ou les implantssont des moyens efficaces pour restaurer une érection. Une sexothérapie bien conduite amène en parallèle ces hommes à considérer la sexualité différemment, à ne plus la vivre en fonction de leurs performances antérieures, à faire le deuil de ce qu’ils furent, à inventer de nouvelles formes de relation amoureuse.
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