La lecture est une invention récente, 5000 ans environ, qui joue un ro?le central dans tous les aspects de notre culture, mais pour laquelle nous ne disposons pas de mécanismes cérébraux innés. L'apprentissage de la lecture pendant l'enfance s'accompagne donc de modifications anatomiques et fonctionnelles dans diverses régions cérébrales. Par exemple, une zone spécialisée dans la reconnaissance visuelle des lettres apparait dans la région occipito-temporal gauche, et cette région établit des liens privilégiés avec les régions du langage, ou? les lettres, une fois reconnues, peuvent e?tre transformées en sons et en significations.
Les mécanismes cérébraux de la lecture peuvent e?tre étudiés par toutes les méthodes d'imagerie cérébrale, toutes disponibles a? l'Institut de la moelle épinière et du cerveau (ICM) : l'IRM fonctionnelle, qui permet d'observer l'activation des différentes zones du cerveau, l'IRM anatomique, qui permet d'étudier de subtiles modifications dans la structure de la matie?re blanche et de la matie?re grise, mais aussi l'électro- et la magnéto-encéphalographie, qui permettent d'analyser au cours du temps la circulation de l'information dans le cerveau.
Nous avons cherché a? comprendre comment, au sein du syste?me visuel cérébral, peuvent cohabiter deux compétences expertes distinctes : la lecture des mots et la lecture de la musique. Pour cela, nous avons présenté a? des musiciens professionnels ou a? des sujets musicalement nai?fs, d'une part des mots écrits et d'autre part des extraits musicaux, eux aussi sous forme écrite, tout en recueillant des images d'IRM fonctionnelle.
Nous avons ainsi montré que la musique et les mots activent des régions tre?s voisines, mais distinctes, au sein du syste?me visuel. De plus, chez les musiciens, la zone activée par la musique est plus étendue que chez les sujets nai?fs, ce qui s'accompagne d'un petit déplacement de la zone des mots. Enfin, chez les musiciens seulement, les régions visuelles qui analysent l'image des partitions établissent des communications nouvelles avec les vastes réseaux cérébraux impliqués dans tous les aspects de la musique.
La lecture, que ce soit celle des mots ou de la musique, sont des compétences nouvelles pour lesquelles notre cerveau n'est pas équipé de façon innée. La grande plasticité de cet organe lui permet toutefois de se modifier pour héberger ces nouvelles capacités : certaines régions acquie?rent des fonctions nouvelles, et a? plus grande échelle, des réseaux de collaboration se développent entre régions distantes.