La dernière étude annuelle de Santé Publique France montre une légère baisse de la prescription d’antibiotiques

Une nouvelle campagne pour faire baisser la consommation d’antibiotiques

Par Stéphane de Vendeuvre -  Co-fondateur de Théragora

Théragora - www.theragora.fr

Dans sa dernière étude sur la « consommation d’antibiotiques en France en secteur de ville », Santé Publique France (SPF) pointe du doigt une stabilisation des prescriptions d’antibiotiques et une baisse de la consommation de ces médicaments. Les Français n’en restent pas moins les principaux consommateurs de cette classe thérapeutique. D’où l’idée de relancer une campagne de communication.

 

 

Les antibiotiques ne seraient réellement plus automatiques. Vingt-deux ans après, le slogan de l’Assurance maladie semble être devenu réalité. C’est en tout cas ce que pourrait laisser penser la dernière enquête de Santé Publique France (SPF) sur la « consommation d’antibiotiques en France en secteur de ville » qui mesure, depuis 2018, l’évolution de cette consommation.

Selon l’agence nationale de santé publique, « en 2023, les prescriptions d’antibiotiques en médecine de ville se seraient ainsi stabilisées (-0,2% par rapport à 2022) ». SPF considère même qu’en prenant en compte « un indicateur exprimé en doses définies journalières (DDJ) d’antibiotiques (pour 1000 habitants), la consommation aurait baissé de 3,3% par rapport à 2022 ».

 

 

Baisse après deux années de hausse

Ces deux indicateurs -le nombre de prescriptions par an pour mille habitants (presc/1 000 hab/an) et la DDJ pour mille habitants et par jour (DDJ/1 000 hab/j)- montrent qu’« après deux années consécutives marquées par une augmentation du recours aux antibiotiques, les chiffres de 2023 s’inscrivent dans la tendance de baisse modérée mais constante observée avant la pandémie de Covid-19, depuis 2013 ». Une involution non négligeable dans la mesure où 90% de ces médicaments seraient consommés en ville.

Pas de quoi fanfaronner pour autant. Cette tendance baissière, observée avant l’épidémie de Covid-19,  intervient en effet après deux années de hausse : en 2021 et en 2022. En outre, elle serait dû, au moins en partie, à « une moindre incidence des infections hivernales ». D’ailleurs, l’analyse des prescriptions, à raison de 820,6 presc/1 000 hab/an en 2023, montre plutôt une tendance à la stabilisation ( -0,2 % par rapport à 2022).

 

Différences selon les territoires, l’âge et le sexe des patients

Et SPF ne s’y trompe pas en rappelant qu’avec 26,8 millions de patients ayant eu au moins une prescription d'antibiotiques au cours de l'année, soit 39,4 % de la population totale, « la France demeure le cinquième pays le plus consommateur d’antibiotiques en Europe ». D’où la nécessité de poursuivre les efforts de pédagogie auprès des professionnels de santé et des patients pour encourager le bon usage des antibiotiques et ainsi ralentir le développement de bactéries résistantes.

D’autant que les prescriptions et l’usage des antibiotiques diffèrent de manière notable en fonction de l’âge et du sexe des patients, mais aussi des territoires. Alors que les prescriptions destinées aux enfants âgés de moins de 5 ans, diminuent avec un nombre désormais légèrement inférieur à celui de 2019 ; celles chez les personnes âgées de plus de 65 ans augmentent. Et bien que le niveau des prescriptions soit stable, les auteurs* de l’étude note que la diminution de la DDJ pourrait s’expliquer par des durées de prescription plus courtes, une diminution des posologies et/ou l’accroissement des prescriptions destinées aux enfants âgés de 5 à 14 ans.

 

L’exemple des médecins généralistes

De même la consommation serait globalement plus importante chez les femmes (56,2% de la consommation d’antibiotiques en DDJ et 59,1% des prescriptions en 2023) que chez les hommes ;alors que la part des femmes dans la population était de 51,7%. SPF note enfin une consommation et des prescriptions plus importantes dans les régions Corse et PACA.

Quant aux professionnels de santé, ils n’appréhendent pas non plus la prescription d’antibiotiques de la même manière. Celles des médecins généralistes a ainsi diminué de -1,3%; alors que celles des médecins spécialistes progressaient de +4,6%. Et pour les chirurgiens-dentistes la progression n’est certes que de +1,4%, mais la progression constante de leurs prescription depuis 2013 (+0,7 % par an en moyenne) fait qu’elles ont dépassé, en 2023, le niveau atteint en 2019.

 

« Les antibiotiques, bien se soigner, c’est d’abord bien les utiliser »

Autant de raisons qui, selon le Dr Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France, doit inciter à « mieux sensibiliser les prescripteurs et les patients pour atteindre les objectifs retenus par la Stratégie nationale 2022-2025 de prévention des infections et de l’antibiorésistance : moins de 650 prescriptions pour 1 000 habitants par an ».

Comment ? En rediffusant, à partir du 18 novembre 2024, la campagne « Les antibiotiques, bien se soigner, c’est d’abord bien les utiliser ». Initiée par SPF, en collaboration avec l’Assurance maladie, dans le cadre de la stratégie nationale 2022-2025 de prévention des infections et de l’antibiorésistance, cette troisième campagne visait d’abord à rappeler qu’on ne consomme les antibiotiques qu’à bon escient, après un diagnostic et la prescription d’un médecin.

 

Sensibiliser au bon usage des antibiotiques

Elle venait ainsi compléter les deux premières campagnes : « Les antibiotiques c’est pas automatique », lancée en 2002, et « Les antibiotiques : ils sont précieux, utilisons les mieux » (2018). Des campagnes à l’origine de baisses notables, en particulier des prescriptions des médecins de ville ( -2,4 % chaque année) jusqu’en 2021.

Visible à la télévision, en vidéos en ligne ou encore à la radio ou sous forme d’affiche dans les salles d’attente des professionnels de santé, les messages de cette campagne « Les antibiotiques, bien se soigner, c’est d’abord bien les utiliser » ont pour objectif de sensibiliser au bon usage des antibiotiques. Ils rappelle donc que les antibiotiques ne sont efficaces qu’en cas d’infections bactériennes et qu’ils doivent être pris uniquement sur avis médical (lire l’encadré ci-dessous). Comme chaque année, les personnes âgées de plus de 65 ans et les parents sont plus spécifiquement ciblés.

Autant de messages qui trouveront tout leur sens à l’heure où de la Journée Européenne d'Information sur les Antibiotiques, prévue le 18 novembre, et la semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens -du 18 au 24 novembre- vont tenter de sensibiliser les patients au bon usage des antibiotiques.

* Les auteurs de l’étude : Philippe Cavalié, Ghaya Ben Hmidene, Laetitia Gambott, Sylvie Maugat et Marion Opatowski.


 Quelques conseils pour bien utiliser les antibiotiques

La prise d’antibiotiques n’est jamais anodine. Ceux-ci ne sont efficaces que sur les infections bactériennes et n’ont aucun effet sur des infections provoquées par un virus.
Il est donc essentiel de respecter ces conseils pour bien les utiliser :
    • La prise d’antibiotique doit être précédée d’une prescription médicale. Depuis le 19 juin 2024, les pharmaciens peuvent délivrer des antibiotiques sans ordonnance, sous certaines conditions (résultat d’un test rapide d’orientation diagnostique –TROD- positif, limitation aux angines et cystites)**
    • La durée du traitement antibiotique doit toujours être strictement respectée
    • Les éventuels antibiotiques restants doivent être rapportés en pharmacie
    • Ne jamais réutiliser les antibiotiques pour soi ou pour ses proches, même si les symptômes sont identiques

Trois substances en tête

Selon Santé Publique France (SPF), les trois substances actives les plus utilisées (amoxicilline, amoxicilline + acide clavulanique et macrolides) représentaient en 2023 plus des deux tiers de la consommation totale (68 %) et les dix premières substances actives 87,5 %.
« Ceci doit susciter une attention particulière car ces familles d’antibiotiques sont fortement génératrices de résistances et leur prescription est à restreindre », insistent les auteurs du rapport. Et de pointer par ailleurs du doigt les surprescriptions en période hivernale chez les enfants, alors même que les infections sont le plus souvent le fait de virus et ne nécessitent pas d’antibiotiques.
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