Le projet de l’Union des consommateurs (UFC que Choisir) est il vraiment réaliste ? Sa suggestion de créer une « Grande Sécu » qui permettrait de prendre en charge à 100% de l’ensemble des soins de tous les assurés sociaux, laisse dubitative bien des experts et des économistes. Fini donc pour les patients, selon ce texte, le recours aux assurances complémentaires et aux mutuelles, dont les tarifs, dénonce l’UFC, ont augmenté en moyenne de 40% depuis 2018.
Ce projet a ainsi l’ambition de mettre fin aux inégalités sociales entre ceux qui peuvent se payer une assurance complémentaire, et ceux qui ne le peuvent pas. Ou qui n’y ont pas recours ; ils sont plus de 2,5 millions dans ce cas. Soit 4% de la population Ce qui n’est pas rien, on en conviendra. Il s’agit aussi dans l’esprit de ces réformateurs de mettre sur un pied d’égalité ceux qui peuvent souscrire une assurance très protectrice qui rembourse très bien leurs assurés, et ceux qui ne peuvent que « se payer » une assurance «a minima ».
Si ces principes généreux peuvent se comprendre, une lutte contre les inégalités est toujours intéressante, dans une société pluraliste, il reste que l’on a quelque difficulté à percevoir le réalisme d’une telle réforme, alors que la sécurité sociale se trouve dans une position économique pour le moins précaire. Attention à ce que le remède ne soit pire que le mal.
« Le système qu'on propose, c'est un modèle où l'ensemble des soins essentiels serait pris en charge à 100% par la Sécurité sociale », expliquait au micro de France Inter, Théau Brigand, l’un des responsables économiques de L’UFC, qui est à l’initiative de cette proposition. « On supprime l'intermédiaire des complémentaires santé, on supprime tout ce qui est à la charge des patients à l'image des franchises médicales. On prend à 100% les soins dentaires, l'audition, la vue. On crée un modèle véritablement accessible à tous et qui ne peut pas mettre en place de barrières financières à l'accès aux soins, puisque tout est pris en charge par l'assurance maladie ».
Quid du financement ? Théau Brigand, explique qu'il se ferait par un déplacement des cotisations que versent aujourd’hui les sociétaires aux complémentaires, qui sont donc des cotisations privées, vers les cotisations publiques de l'assurance maladie. « C'est juste un déplacement de charges et à la fin pour les ménages français, l'opération serait relativement neutre » assure-t-il sans se troubler. Pour le responsable de l’UFC, l’assuré serait même gagnant, car les frais de gestion des mutuelles représentent 20% de la cotisation contre 4% pour l’assurance maladie. On est là dans des raisonnements qui frôlent l’irresponsabilité.
Reste plusieurs inconnues . La « Grande Sécu » prendrait-t- elle en charge les dépassements d’honoraires comme le font les complémentaires aujourd’hui .On se souvient que lors de la première ébauche du PLFSS 2025, le gouvernement Barnier souhaitait baisser de 10% supplémentaires le taux de remboursement des consultations par l’assurance maladie (soit moins 30% au total) pour soulager les finances de l’assurance maladie. Or, la réforme proposée par l’UFC dit l’inverse. Il est indéniable qu’on assisterait, avec ce projet, à une augmentations dans des proportions non négligeables de ces dépenses.
Des lors. Quel avenir de cette « Grande Sécu » ? D’autant que le gouvernement dans son Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS) dont la discussion s’éternise au Parlement, ( et qui devra faire face à une motion de censure à l’Assemblée nationale cette semaine) prévoit un déficit 2025 supérieur à 18 milliards d’euros, alors que certains n’hésitent pas à avancer le chiffre de 25 milliards. Sans doute autour de 23 milliards a tenu à préciser au « Parisien » la ministre du Travail et la Santé, Catherine Vautrin.
Autre question et ce n’est pas la dernière, la « Grande Sécu » prendrait-elle en charge les frais d’optique, des prothèses auditives, dentaires que l’assurance maladie rembourse aujourd’hui très peu, voire pas du tout, laissant aux mutuelles et aux assurances complémentaires, le soin d’aider les patients dans ces domaines ?
En fait l’idée d’un bouleversement de ce type, d’un système qui garantirait aux malades et aux patients une protection sociale universelle, qui financerait seule les soins et hospitalisations, la prévention et la maladie, reste du domaine du rêve. Sans soute de l’utopie. Mais au delà de ce jugement, ces propositions ont le mérite, et il n’est pas moindre, de poser réellement la question de l’avenir du système de protection sociale, tel qu’il existe.. Il est évident que les déficits s’amoncellent, que l’assurance maladie est incapable d’assumer la mission que ses concepteurs lui ont assignée au sortir de la guerre et que les assurances complémentaires et mutuelles pour faire face à cette délégation de remboursement, ne cessent de relever leurs tarifs chaque année. Tarifs qui découragent nombre de français, à souscrire à ces assurances; voire à se soigner. Les inégalités, si rien n’est entrepris dans les prochaines années, seront criantes.