Rapport annuel de la CNAM « Charges et Produits 2024 ». :30 nouvelles propositionspour améliorer le système de santé et maîtriser les dépenses

CNAM. Charges et Produits 2024 

Par Rédaction -  Théragora

Théragora - www.theragora.fr - Théragora le 7 juiullet 2023 N°

 

 

Le Conseil de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (Cnam) a approuvé le 6 juillet 2023 le rapport annuel sur l’évolution des Charges et Produits de l’Assurance Maladie au titre de 2024 1.
S’inscrivant dans une stratégie pluriannuelle, celui-ci présente 30 nouvelles propositions pour améliorer la qualité et l’efficience du système de santé dans un contexte de sortie de crise sanitaire où l’équilibre financier s’améliore : le déficit de la branche Maladie devrait ainsi être divisé par 3 en un an, passant de 21 Md€ en 2022 à 7 Md€ pour 2023.
Le rapport pour 2024 plaide notamment pour renforcer la prévention face à certaines pathologies, propose des mesures incitatives pour encourager les bonnes pratiques et, en parallèle, un renforcement des contrôles pour lutter contre les fraudes ou les mésusages.

Deux nouveaux enjeux clés sont abordés : la financiarisation du secteur de la santé et son empreinte carbone.
Les mesures proposées pour l’année 2024 doivent permettre de générer 1,3 milliard d’euros d’économies en 2024 dans une logique réaffirmée de maîtrise médicalisée des dépenses et de lutte contre les fraudes. Ces propositions seront remises prochainement au ministre en charge de la Santé et de la prévention, ainsi qu’au Parlement, avec l’ambition d’éclairer les débats du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) et les politiques de santé.

 

« Notre système de santé doit relever quatre défis dans un contexte où les conséquences de la crise sanitaire continuent de se faire sentir : améliorer la santé des populations, garantir l’accès à des soins de qualité, être soutenable économiquement, mais aussi et c’est un nouveau sujet que nous prenons à bras le corps cette année, engager sa transition écologique. Ces quatre défis résument la philosophie du rapport Charges et Produits pour 2024 et ont été nos boussoles dans ce travail collectif d’analyse et d’élaboration de propositions, mené par l’Assurance Maladie » explique Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie.

 

Une vision pluriannuelle qui s’appuie sur un panorama global du système de santé

 

Pour formuler ses propositions, la Cnam s’appuie sur un ensemble d’analyses formant un panorama global du système de santé. Ainsi, la cartographie médicalisée des dépenses révèle, à partir des données de 2021, une hausse des dépenses totales liées à la prise en charge des personnes (185 Md€ vs 168 Md€ en 2020), mais aussi une augmentation du nombre d’assurés ayant bénéficié de remboursements : +2,6 millions de personnes, du fait de la crise sanitaire (remboursement de tests et vaccins). La place toujours prépondérante des maladies chroniques se confirme : elles représentent 2/3 des dépenses pour 1/3 des assurés. La cartographie des professionnels de santé libéraux constitue depuis 2023 un nouveau jeu de données, permettant de comprendre les grandes tendances de l’offre de soins de ville pour construire une organisation efficiente. Rappelons que les données de ces deux cartographies sont accessibles à tous sur la plateforme Data ameli.

 

Enfin, depuis l’an dernier, le tableau de bord de 17 indicateurs de santé publique constitue un point de repère pour permettre à l’Assurance Maladie de renforcer son action en matière de prévention et d’accompagnement des maladies chroniques. En 2022, on observe notamment +1,3 point sur la participation au dépistage du cancer du sein, une amélioration de la couverture vaccinale HPV (+4,1 points) ou encore une baisse de 0,7 point du nombre de fumeurs quotidiens (de plus de 15 ans) qui s’établit à 24,8%.

 

30 propositions pour améliorer la prévention, l’organisation et l’efficience des soins

 

Sur la base de cette analyse de fond, le rapport Charges et Produits de l’Assurance Maladie formule 30 propositions d’amélioration à apporter au système de santé, au sein de sept grands chapitres. Le rapport peut être consulté en ligne sur le site ameli.fr dans son intégralité.

 

1.   L’approche par pathologie présente un premier ensemble de cinq propositions visant à renforcer la prévention et la prise en charge précoce des maladies chroniques pour éviter ou retarder les complications. Face au diabète, pathologie marquée par un fort gradient social et dont les effectifs sont amenés à progresser du fait du vieillissement de la population (+520 000 malades estimés à horizon 2027), le rapport propose d’instaurer une campagne organisée de dépistage du diabète de type 2 ciblant les 45-50 ans à risque.

Autre proposition marquante : l’ouverture du remboursement de l’activité physique adaptée à certaines catégories de patients atteints de maladies chroniques. L’activité physique est une thérapeutique non médicamenteuse dont l’efficacité a été cliniquement démontrée. Cette prise en charge constituerait une réelle innovation et une 1ère étape pour le remboursement de ces nouvelles pratiques conjointement avec les complémentaires santé qui travaillent également sur ce sujet.

 

2.   L’approche populationnelle se concentre cette année sur les jeunes et les personnes âgées. Pour les premiers, la santé bucco-dentaire a été identifiée comme un enjeu clé sur lequel il est essentiel de changer de focale pour passer du curatif au préventif et encourager les soins conservateurs. L’Assurance Maladie propose d’investir massivement pour rattraper le retard de la France par rapport à ses voisins européens (56% des Français n’ont jamais eu de carie à douze ans, contre 81% des jeunes Allemands) et faire ainsi émerger une « génération sans carie ».

S’agissant des personnes âgées, particulièrement exposées à des risques de fragilité, de dépendance et de maladies chroniques, le rapport propose de déployer auprès des médecins un outil pour réduire la iatrogénie médicamenteuse pour leurs patients polymédiqués. Une sensibilisation des patients sur ce thème est aussi prévue.

 

3.   L’organisation des soins est l’un des volets majeurs du rapport, avec une 1ère proposition clé visant à renforcer l’accès territorial aux soins : étendre les zones régulées où s’applique la règle du « un départ pour une installation », mais aussi le nombre de professions concernées. Ce dispositif déjà mis en place avec les masseurs-kinésithérapeutes montre des résultats encourageants, avec une hausse de +6% des effectifs dans les zones très sous-dotées, pour une augmentation de +3% au total. Point d’attention : ce cadre devra aussi s’appliquer aux professionnels salariés par des libéraux ou exerçant dans des centres de santé pour éviter toute concurrence déloyale.

Autre proposition clé soutenue par l’Assurance Maladie, la régulation du recours aux urgences par le développement des modèles de « SAS intégré », fonctionnant en collaboration avec l’hôpital, réorientant prioritairement les patients vers leur médecin traitant et s’appuyant sur les CPTS pour trouver un rendez-vous en ville. L’organisation du parcours de soins se révèle en effet essentielle pour limiter le recours aux urgences : si les données disponibles ne montrent pas de corrélation entre le recours aux urgences et la densité de médecins généralistes sur un territoire donné, on observe en revanche que disposer d’un médecin traitant diminue d’un tiers le recours aux urgences. Dans cette logique, l’Assurance Maladie propose de limiter la création de centres de soins non programmés en dehors des maisons médicales de garde interfacées avec des établissements de santé et de celles faisant notamment de la traumatologie, organisées par ou en accord avec les acteurs du territoire (CPTS). 

Enfin, l’Assurance Maladie plaide pour soutenir les modèles de coopération au sein du binôme médecins-infirmiers, essentiel à la prise en charge des patients à domicile : délégation d’actes, téléconsultations assistées, infirmier référent, etc.

 

4.   Dans l’approche sectorielle du rapport, l’Assurance Maladie appelle tout d’abord à une réflexion de fond sur la financiarisation du système de santé, un phénomène complexe, sur lequel peu de données ou d’analyses existent à ce stade et qu’il faut pourtant objectiver afin de permettre aux pouvoirs publics de le suivre et le réguler. L’enjeu apparaît grandissant puisque ce transfert de la propriété de l’offre de soins privée des professionnels de santé libéraux vers des acteurs financiers progresse dans l’ensemble du système de santé. L’Assurance Maladie propose dans ce cadre la mise en place d’un observatoire de la financiarisation du système de santé pour suivre les opérations financières, analyser leurs conséquences, identifier les dérives spéculatives, et faire des recommandations en matière de régulation. Elle propose également de créer une mission interministérielle de contrôle, afin de renforcer la capacité des pouvoirs publics à faire respecter le cadre juridique qui s’applique aux offreurs de soins de droit privé.

L’approche sectorielle propose par ailleurs un focus sur les pharmacies d’officine, une profession en forte évolution qui s’est pleinement saisie de ses nouvelles missions (rappels vaccinaux, dépistage du cancer colorectal, TROD angine) : la 1ère proposition est d’autoriser la délivrance, par des pharmaciens dûment formés, d’antibiotiques, suite à un test de dépistage positif, aux femmes souffrant d’une infection urinaire ou pour les personnes souffrant d’angines bactériennes. La seconde est de renforcer le positionnement du pharmacien comme acteur de santé de proximité et l’expert du médicament, responsable de la pertinence des délivrances, et poursuivre en conséquence l’évolution du modèle économique des officines, dont la rémunération connaît un dynamisme historique.

 

5.   Un focus sur les médicaments est également proposé dans le rapport. Les résultats du 2ème observatoire international des délais d’accès aux médicaments, réalisé en collaboration avec la Haute Autorité de Santé², montrent l’efficacité des dispositifs actuels pour raccourcir l’accès aux médicaments innovants. L’accès précoce qui a bénéficié à 17 sur les 30 médicaments observés a permis de mettre à disposition ces produits en moyenne 37 jours avant leur AMM. Par ailleurs, le délai d’évaluation clinique pour les médicaments innovants (ASMR I et II) est le plus court parmi les pays étudiés (respectivement 34 et 54 jours de moins qu’en Allemagne et en Espagne).

Autre enjeu actuel majeur de ce secteur, les ruptures de stock ont été multipliées par cinq entre 2014 et 2022. Les propositions du rapport visent ainsi à assurer un accès rapide et sans rupture aux médicaments en France et de poursuivre l’excellence française en termes d’accès à l’innovation, d’une part en encourageant la production des médicaments matures pour éviter les pénuries, et d’autre part en adaptant les prix des produits de santé sans amélioration du service médical rendu ou présentant une amélioration mineure (ASMR IV/V).

Enfin, le rapport vise à limiter l’impact environnemental des produits de santé, à l’origine de la moitié des émissions de gaz à effet de serre de notre système de santé :  en intégrant à leur tarification l’évaluation de leur « coût carbone » (système de bonus/malus) et en réduisant prioritairement le mésusage des médicaments et dispositifs médicaux ayant un impact carbone important.

 

6.   La santé numérique présente quant à elle de nouvelles perspectives, mais aussi des usages à encadrer. En pleine expansion, l’écosystème français de l’e-santé est aussi très hétérogène et souffre d’un manque d’évaluation, d’une adéquation encore limitée de l’innovation aux besoins réels et d’une faible appropriation par les professionnels de santé et les usagers. L’Assurance Maladie préconise en premier lieu de stabiliser le cadre de régulation de la téléconsultation, outil dont la pratique est la plus répandue et qui génère également des dérives et dépenses injustifiées. Afin de garantir aux patients une pratique médicale éthique et pertinente, l’activité commerciale des plateformes de téléconsultation doit être mieux encadrée. L’installation de cabines de téléconsultation dans des lieux de consommation comme les supermarchés pose notamment question. L’Assurance Maladie propose en outre de limiter à 3 jours la durée des arrêts de travail prescrits dans le cadre d’une téléconsultation (hors prescription par le médecin traitant).

En parallèle, il faut accompagner l’émergence d’innovations numériques dans deux secteurs spécifiques : les thérapies digitales dans le champ de la santé mentale et les innovations d’aide au diagnostic mobilisant l’IA.

 

7.   Au total, le programme de gestion du risque porté par L’Assurance Maladie pour 2024 devrait générer environ 1,3 Md€ d’économies, autour de 4 principales approches :

-        une approche structurelle axée sur la prise en charge des maladies chroniques dont l’impact est estimé à 205 M€ pour 2024

-        une approche populationnelle (enfants, personnes âgées…) : 25 M€ en 2024

-        l’amélioration de l’efficience et de la pertinence des soins, volet-clé générant 700 M€ d’économies sur 2024, soit plus de la moitié des économies globales

-        enfin, la lutte contre les fraudes et abus devrait contribuer à hauteur de 345 M€, soit 27% de l’objectif global : des montants en hausse, en lien avec les objectifs ambitieux de l’Assurance Maladie en la matière.

 

Dernier volet majeur du rapport, la question de l’efficience et de la pertinence des soins concentre ainsi 8 propositions pour veiller au bon usage du système de santé et réduire les dépenses.

Parmi les leviers identifiés dans ce domaine, on peut citer l’évolution des indemnités journalières analysées de manière très approfondie sur une période de dix ans, avec des dépenses en forte hausse (+ 8,2% entre 2021 et 2022). L’Assurance Maladie propose sur ce volet un plan d’action pluriannuel de maîtrise des dépenses, gradué entre information, accompagnement et contrôle de chaque acteur (assurés, prescripteurs, employeurs).

Deuxième volet, les transports sanitaires font également l’objet de dépenses qui progressent significativement (+7,1% entre 2021 et 2022). La proposition de l’Assurance Maladie vise à développer massivement le « transport partagé » avec la mise en œuvre d’un dispositif incitatif de « transport partagé contre tiers-payant ».

Enfin, trois propositions sont spécifiques aux médicaments, avec en premier lieu la mise en place d’un dispositif de « tiers-payant contre biosimilaires » afin d’atteindre l’objectif de 80% de taux de pénétration des médicaments biosimilaires (42% aujourd’hui, alors que les prix sont 15 à 30% inférieurs). En second lieu, la lutte contre le mésusage des médicaments est visée par deux propositions, d’une part pour assurer un meilleur usage des nouveaux médicaments permettant de perdre du poids, indiqués dans le diabète notamment, d’autre part pour lutter contre la surprescription de certains médicaments (inhibiteurs de la pompe à protons, antibiotiques) pour les nourrissons et enfants.

 

« Si notre déficit historique lié à la crise Covid s’est résorbé fortement et rapidement cette année, nous devons poursuivre les efforts et continuer à faire évoluer notre action. Grâce au volume unique de données dont nous disposons et à notre démarche pionnière sur l’open data, notre rôle est plus que jamais d’analyser les dynamiques et d’éclairer le débat public. Nous devons également continuer à améliorer les parcours de soins pour les pathologies les plus fréquentes et les plus graves, renforcer la prévention pour qu’elle prenne toute sa place, et ainsi être pleinement acteur des transformations et de l’innovation dans l’organisation des soins » conclut Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie.

1 Le rapport « Charges et Produits » publié chaque année permet à la Cnam de formuler des propositions concrètes d’économies pour respecter les objectifs de dépenses d’assurance maladie et garantir ainsi le maintien d’un système de santé solidaire, performant et soutenable. Elle y énonce également des propositions complémentaires destinées à améliorer la qualité et l’efficience du système de santé.

 

² Le deuxième Observatoire des délais d’accès aux médicaments en France : réalisé en collaboration avec la Haute Autorité de Santé, comparaison avec 3 autres pays européens (Allemagne, Espagne, Angleterre).

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