Archives, histoire des laboratoires, portrait de Chiesi en 2002

Chiesi SA, la stratégie régionale

Par Jacques Busseau -  Journaliste

Théragora - www.theragora.fr - Année 2002 - Visite Actuelle N° 78 - Page 17 - crédits iconographique DR

Chiesi SA c’est l’histoire d’une implantation réussie sur le sol français à partir de la fusion exemplaire de 3 laboratoires –Promedica, Jacques Logeais, Roques- et d’une stratégie d’entreprise basée sur la transparence, la déontologie et la délégation. Stratégie destinée à placer le laboratoire italien parmi les tout premiers groupes régionaux européens.

 

Entreprise familiale s’il en est, Chiesi est aujourd’hui dirigée par les deux frères pharmaciens, Paulo et Alberto Chiesi, respectivement responsable de la R&D et responsable de la stratégie du groupe, fils du fondateur parmesan (en 1935). Ces pères de 3 enfants, déjà intégrés à l’entreprise et… prêts à prendre la relève pour maintenir la tradition, apparaissent comme de véritables entrepreneurs qui, notamment, réinvestissent dans la société, parfois au détriment de leurs dividendes.

Fort d’un savoir-faire certain, le laboratoire s’est d’abord développé en Italie dans le traitement des maladies respiratoires, un domaine où il est même devenu leader, y compris devant les grands groupes internationaux, avant de décider, il y a 4 ans environ, de constituer un groupe régional européen important. Cela passe par une politique d’expansion qui le mène à s’installer en Grande-Bretagne, en Espagne, récemment en Autriche (bientôt en Allemagne) et… en France. D’abord timidement, à travers Promedica au début des années 90, ensuite de manière plus décisive avec l’acquisition des laboratoires Jacques Logeais et Roques, en 1999, qui permet à Chiesi de s’implanter solidement et durablement dans l’Hexagone. Reste à réussir la fusion de ces trois entités pour ne plus faire qu’une seule entreprise. La “famille” décide alors de faire appel à Thierry Plouvier, qu’un parcours industriel international (voir encadré) a doté d’une solide expérience à la fois états-unienne (Lilly et Genentech), anglo-saxonne (SB) et française (Fournier-Debat).

 

Une forte réactivité

“Le premier axe de travail, reconnaît ce dernier, devait être les forces de vente dotées chacune d’un historique différent”. Le réseau Promedica était géré, à l’image de tout laboratoire de petite taille, d’une façon “paternaliste” ; celui de Logeais l’était pour sa part à l’image d’un laboratoire de taille moyenne. Il fallait que les deux ne fassent plus qu’un et que les délégués apprennent à travailler ensemble en fonction de la nouvelle organisation du groupe.

Au dire de son premier responsable, la filiale française jouit d’une grande autonomie. Ce qui suppose en contrepartie une grande transparence qui permet notamment de conserver la confiance de la maison mère. “Au-delà du plaisir qu’elle apporte à travailler, cette importante délégation nous a donné non seulement une grande flexibilité mais encore une forte réactivité face aux opportunités du marché, rend hommage Thierry Plouvier. Ce que nous avons réalisé à cette occasion aurait été très difficile dans un autre groupe”.

 

Hiérarchie minimale

Flexibilité, réactivité, deux mots forts, deux notions essentielles lorsqu’on doit gérer une fusion. Le siège francilien de Chiesi, installé à Courbevoie, en proche banlieue parisienne, dispose de tous les départements d’un laboratoire “classique” : finances, juridique, marketing et ventes, affaires réglementaires, médical… On y recense même un groupe de développement clinique (phases I, II et III). Mais, à la base de toute la philosophie “présidentielle”, une hiérarchie la plus réduite possible : de par le choix “horizontal”, les deux délégués (réseau Logeais et réseau Promedica) dépendent du même DR (auquel rapportent en moyenne 9 VM), lui-même dépendant d’un directeur de zone placé sous la responsabilité du directeur des opérations, Eric Fatallot. “J’ai été formé dans une société où tout nouveau collaborateur commençait par le terrain, explique Thierry Plouvier. Ce qui apporte beaucoup. Un pdg a besoin de savoir comment fonctionne le terrain. Comprendre ce qu’on lui dit, mais surtout sentir ce qu’on ne lui dit pas. Or, plus la hiérarchie est importante plus ce qu’un président entend est éloigné de la réalité. Il ne sait par exemple que très difficilement ce qui ne va pas alors, on le sait bien, que rien n’est jamais parfait et qu’il faut justement pouvoir réagir vite pour pallier au mieux un dysfonctionnement”.

Preuve de ces propos, quelques jours après sa nomination, en décembre 1999, le nouveau pdg se rend sur le terrain pour voir travailler les délégués mais surtout pour leur déclarer, “vous êtes à l’origine du contact établi avec le médecin ; le rôle de chaque collaborateur attaché au siège ne doit viser qu’à apporter une valeur ajoutée à ce contact”. Pour lui, l’organisation d’un laboratoire est comme une pyramide inversée : “ce qui remonte du terrain apporte un avantage décisive concurrentiellement”.

 

La formation en tête

Dans le cadre d’une fusion, qui suppose une réorganisation rapide (“plus on va vite, plus on a de chance de réussir”), cette “descente” sur le terrain, poursuit Thierry Plouvier, permet en outre de déterminer où se tiennent les résistances : “il faut très vite reconnaître ceux qui veulent l’évolution et son prêts à agir, ceux qui disent vouloir évoluer mais font tout pour que rien ne change, enfin ceux qui, en roue libre, attendent pour voir… Seuls les premiers vont faire passer le nouveau message et aider au changement ; les autres doivent partir”.

Gérer une fusion suppose donc prendre des décisions impopulaires, parfois trancher dans le vif, renouveler, “mais en général à un niveau élevé de la hiérarchie, souligne le pdg. Ceux qui misent sur le changement sont surtout les délégués parce qu’ils veulent si possible un laboratoire à l’avant-garde qui leur permette par exemple de disposer d’outils et d’une formation de qualité face aux médecins et à la concurrence”.

Au cours des 30 derniers mois l’évolution a été très nette en la matière : formation aux produits, aux techniques de vente, au DMOS et en informatique parallèlement au passage sur le PALM et la version 6 de Teams… “Les nombreux changements ont pu être perturbants, souligne Thierry Plouvier, mais en apportant outils et formation – ce qui se poursuivra encore à l’avenir- nous avons voulu que chacun sente la volonté directoriale d’évoluer dans le bon sens. En tout état de cause, je suis reconnaissant aux VM de m’avoir suivi. Sans eux nul doute que la fusion aurait été bien plus difficile”.

Message bien reçu : le terrain réagit positivement. “L’individu a une place importante chez Chiesi, reconnaissent volontiers plusieurs DR et VM. On est beaucoup responsabilisé, ce qui crée une certaine synergie d’autant plus importante que nous devons beaucoup travailler pour faire oublier Logeais et Promedica et imposer progressivement le nom de Chiesi encore relativement peu connu chez les médecins, même si le laboratoire a une image jeune, latine, chaleureuse, et si le délégué Chiesi est perçu comme quelqu’un d’autonome et de bien dans ses baskets”…

Une autre chose est sûre : au siège l’ambition est là. En 2002, le groupe doit lancer deux produits importants -un antidépresseur et un interféron contre l’hépatite C- puis quelques innovations dans les domaines de l’arthrose et de la dépression, afin de doubler d’ici 5 ans la part de marché qui est la sienne aujourd’hui et devenir un des “premiers laboratoires régionaux”, selon le vœux parmesan.

 

 

 

 

 

Thierry Plouvier, la stratégie du terrain
Médecin de formation, le pdg de Chiesi SA quitte la France une fois son diplôme obtenu pour rejoindre le monde des biotechnologies dans la baie de San Francisco, puis l’équipe de Lilly à Indianapolis où il débute comme délégué médical pour lancer Prozac®. “Ce que la vente m’apprit alors, rappelle toujours Thierry Plouvier, m’a servi dans le management des hommes et des femmes, y compris en tant que président”. S’ensuit un long périple : retour en France pour prendre en charge les études de marché avant de devenir chef des ventes pour l’hôpital, passage à Londres comme chef de produits internationaux, puis comme directeur du marketing Europe de Genentech, nouveau retour à Garches et à Dijon pour prendre la direction de Debat puis de Fournier-Debat… avant un nouveau départ dans les biotechnologies, à Bruxelles, chez SmithKline Beecham Biologicals –pour diriger le développement de vaccins thérapeutiques- et un ultime retour sur le sol français pour mener à bien la fusion Chiesi-Promedica-Logeais, “une aventure passionnante”, qui lui a notamment permis de “retravailler très étroitement avec le terrain”, reconnaît-il.
 

 

 

Encadré

 

Produits, la stratégie tous terrains

 

 

 

Ambulatoire, hospitalier, générique, orphelin… Chiesi est sur tous les terrains et ce dans quelques secteurs de prédilection : le traitement de l’asthme, avec Beclojet® ; les anti-inflammatoires avec Cycladol®, en co-marketing avec Pierre-Fabre ; la dénutrition avec Cetornan® et, grâce à un accord de commercialisation exclusive avec Abbott, la gamme des produits Ross, compléments nutritionnels à visées ambulatoire et hospitalière ; le cardio-vasculaire avec Vasobral®, mais aussi le traitement de la surcharge en fer secondaire aux thalassémies avec Ferriprox, un médicament orphelin. Le groupe transalpin, qui a par ailleurs acquis il y a deux ans une société britannique spécialisée dans les médicaments génériques, réalise ainsi un chiffre d’affaires de près de 351 millions d’euros. La filiale française a atteint l’an passé les 90 millions d’euros, dont près de 14 millions à l’export, un secteur encore “à développer”, avec un effectif de 400 personnes, dont 220 en forces de ventes (2 réseaux de ville et un réseau hospitalier). La recherche du groupe est désormais concentrée à Parme, mais Chiesi a par ailleurs établi un réseau de collaborations avec des institutions scientifiques -universitaires ou autres- en Suède, en Angleterre, aux Etats-Unis, etc. “Avec un sens certain du pragmatisme, souligne Thierry Plouvier, Chiesi prend le savoir-faire là où il est plutôt que de chercher à le recréer dans son propre centre de R&D, convaincu que la taille ne fait rien à l’innovation. La taille n’apporte qu’une rapidité de développement”.

Quant à la production –exceptée la gamme respiratoire réalisée en Italie- elle est issue en partie de l’usine française de La Chaussée-St-Victor (banlieue de Blois) où sont employées 45 personnes.

 

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