Les pharmaciens peuvent substituer un générique à un médicament princeps depuis 1999. Soit deux après la naissance d’un symbole de ce marché : Bayer Classics. En 1997, un poids lourd de la pharmacie mondiale – Bayer – a en effet décidé d’ouvrir en France une filiale consacrée aux médicaments génériques. Et pour être sûr de capitaliser sur la marque, il l’avait appelé Bayer Classics.
Cette possibilité donnée aux pharmaciens de remplacer un princeps par un générique pourrait sembler aujourd’hui naturelle. Mais elle est le fruit d’un long combat. Une première étape vers la mutation du métier et donc le fondement de la pharmacie de demain.
Rien d’étonnant dès lors, qu’au moment de son ouverture, la filiale générique de Bayer se soit lancée sur le marché français avec seulement huit molécules vendues sous 19 présentations. Selon le président du groupe Bayer France à l’époque, ce lancement se voulait les prémices d’une longue liste.
Miguel Siegler, estimait en effet que « le développement des génériques était inéluctable en France et que ce marché représenterait quelque 10 % du marché hexagonal du médicament à l’horizon 2000 ». Soit un potentiel de 10 milliards de Francs : un peu plus d’1,5 milliard d’euros.
Pour Bayer Classics l’objectif affiché était de 15 % de parts de marché. Une ambition raisonnable qui reflétait la bonne connaissance de ce marché par le directeur de Bayer Classics : Stéphane Joly. Et pour cause ! Ce pharmacien diplômé de l’Institut supérieur de gestion (l’ISG) avait préalablement dirigé la filiale générique de Sanofi : Dakota Pharm. Il y avait installé une structure de soixante visiteurs médicaux qui réalisaient quelque 50 millions de francs de chiffre d’affaires. Stéphane Joly avait donc de bonne raisons de croire en l’avenir de Bayer Classics.
Il était convaincu que Bayer pourrait jouer un rôle de premier plan sur le marché du générique, dès lors qu’il y rentrerait au démarrage. Pour les génériqueurs, à l’époque, la règle était simple : « premier arrivé, premier servi ». Il était donc essentiel de ne pas perdre de temps et de s’implanter avant que d’autres acteurs majeurs n’arrivent.
A l’époque, Stéphane Joly répétait à qui voulait l’entendre que cette stratégie était logique pour une entreprise comme Bayer qui était convaincue du développement du générique en France, à l’instar de ce qui s’était passé en Allemagne, en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis. Il avait donc décidé d’ajouter deux molécules tous les trois ou quatre mois afin de disposer d’un portefeuille de trente à quarante principes actifs dans les trois ans.
Ce pharmacien était convaincu et se voulait donc convaincant. Mais il avait sous-estimé la résistance du corps médical. Les médecins se sont en effet révélés peu sensibles à l’intérêt des génériques et n’y ont aucunement vus la contrepartie logique de l’innovation thérapeutique. Il faudra donc attendre que les pharmaciens puissent substituer pour que les génériques se développent.
Mais l’histoire lui donnera raison, puisque Bayer jouera alors les premiers rôles sur ce marché jusqu’à sa vente à Téva en 2003 pour 97 millions d’euros. Et quelque vingt années plus tard le même Stéphane Joly vient de prendre la présidence de l’association Génériques même médicament : le GEMME. Preuve s’il en est besoin que le générique est bel et bien une passion pour les pharmaciens…
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