L'Académie Nationale de Médecine prend position sur les pictogrammes « Grossesse » sur les conditionnements de médicaments : une intention louable, des conséquences incertaines

Pictogrammes grossesse une mise en œuvre qui nécessite plus ample réflexion

- 16 février 2018 N°

L'Académie nationale de médecine considère que la mise en œœuvre de cette mesure qui résulte de la juste nécessité de mieux alerter prescripteurs et patientes sur les médicaments dangereux en cours de grossesse, nécessite plus ample réflexion

 

Un décret complété par deux arrêtés impose aux titulaires d'autorisations de mise sur le marché (AMM) d'apposer un pictogramme spécifique sur le conditionnement extérieur des médicaments tératogènes ou foetotoxiques. Deux modèles sont prévus : un modèle « Médicament + Grossesse = Danger. À ne pas utiliser sauf en l'absence d'alternative thérapeutique » et un modèle « Médicament + Grossesse = Interdit » pour les médicaments « formellement contre-indiqués en cas de grossesse, même s'il n'existe pas d'alternative thérapeutique ».

L'Académie nationale de médecine considère que la mise en œuvre de cette mesure qui résulte de la juste nécessité de mieux alerter prescripteurs et patientes sur les médicaments dangereux en cours de grossesse, nécessite plus ample réflexion.
En effet, alors qu'une quinzaine seulement de substances sont connues comme tératogènes chez l'humain (en dehors des antimitotiques) et une quarantaine comme foetotoxiques, 60 à 70 % des spécialités pharmaceutiques pourraient, dans les faits, se voir apposer un pictogramme « Interdit » ou « Danger ». Une telle discordance pose problème.

L'absence de précision, dans ces textes, sur un certain nombre de points cruciaux introduit une difficulté d'interprétation et une confusion qui inciteront les firmes à élargir le champ de l'apposition des pictogrammes dans une optique de protection médico-légale :

  • en premier lieu, il n'est pas spécifié si la notion de tératogénicité ou de foetotoxicité doit être fondée sur des données humaines ou seulement de toxicité chez l'animal, distinction pourtant cruciale en matière de réalité des risques pour l'humain.
  • ensuite, aucune indication n'est fournie sur une ligne de partage entre les médicaments dont la toxicité est avérée et ceux où ces effets sont seulement évoqués sans être confirmés, ni sur la gravité de ces risques.
  • enfin, si le texte incite à fonder le choix des pictogrammes sur la présence ou non d'alternatives thérapeutiques, aucune recommandation n'accompagne cette disposition : en d'autres termes, la décision du pictogramme à apposer est laissée à l'appréciation des firmes, que des stratégies thérapeutiques aient déjà été produites ou non par les professionnels de santé.

 

L'Académie nationale de médecine considère donc qu'en l'état ces dispositions sont susceptibles d'avoir des effets préjudiciables et contreproductifs :

  • une vague d'inquiétude infondée, puisque ce sont 60 à 70 % des spécialités qui pourraient être concernées au lieu de 10 %;
  • un bruit de fond qui ne permettra pas de claire distinction entre les niveaux de risque des substances et diluera l'objectif initial ;
  • une perte de chances pour les patientes qui pourraient préférer s'abstenir de tout traitement, même indispensable;
  • une situation difficile à gérer pour les professionnels de santé, dans l'obligation d'expliquer aux patientes les motifs des pictogrammes, sans concertation préalable avec les sociétés savantes et professionnelles et sans communication sur le fond ;
  • une source inutile de répercussions médico-légales;
  • la libre décision laissée aux firmes pharmaceutiques d'apposer le pictogramme de leur choix, quelle que soit la nature des éléments présents dans le RCP, leur gravité, leur extrapolabilité à l'humain et les alternatives disponibles;
  • in fine, un report de la responsabilité du choix thérapeutique sur les patientes à partir des pictogrammes apposés.

 

À la lumière de ces éléments, il semble justifié de redéfinir le périmètre du décret afin d'en conserver l'intention initiale :

  • seules les substances ayant fait la preuve de leur effet délétère pour la grossesse humaine devraient être visées par une action de communication de cette nature, avec apposition d'un pictogramme « Interdit »
  • pour les autres substances, aucun pictogramme ne devrait être apposé : des échanges entre prescripteurs, pharmaciens et patientes sur la base des informations médicales disponibles et de la notice des conditionnements devraient suffire, évitant de surcroît des effets d'alerte inutiles et contre-productifs.

 

Source Académie Nationale de Médecine

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