Parmi les innovations médicales récentes, les CAR-T cells représentent une nouvelle option thérapeutique porteuse d'espoir pour lutter contre certains cancers du sang. Deux d'entre eux, Yescarta et Kymriah, ont obtenu en 2018 une autorisation de mise sur le marché. La HAS a rendu un avis favorable à leur remboursement, souligne l'incertitude quant à l'efficience de ces produits, et reste attentive aux données en vie réelle. En effet, il n'existe pas à ce jour de données d'efficacité et de sécurité à moyen et long terme.
Les CAR-T cells (pour cellules T porteuses d'un récepteur chimérique) sont des thérapies géniques. Ces nouveaux traitements Â? utilisés pour le moment en onco-hématologie Â? sont fabriqués à partir des lymphocytes T du patient qui, une fois modifiés génétiquement et réinjectés, sont capables de reconnaitre et de détruire spécifiquement les cellules cancéreuses. Ils sont administrés en une injection unique.
Deux médicaments CAR-T cells ont obtenu à l'été 2018 une autorisation de mise sur le marché en Europe dans le traitement de cancers rares du sang : Kymriah (tisagenlecleucel, laboratoire Novartis) et Yescarta (axicabtagene ciloleucel, laboratoire Gilead) dans le traitement de la leucémie aigüe lymphoblastique à cellules B ou du lymphome diffus à grandes cellules B.
Pour la HAS, il est important que les patients, dont la maladie est grave et chez qui les autres traitements ne fonctionnent pas ou plus, aient accès dans les meilleurs délais à ces thérapies innovantes hors du cadre dérogatoire des ATU (autorisation temporaire d'utilisation). La HAS a ainsi rendu un avis favorable pour l'inscription au remboursement de ces médicaments dès le mois de décembre dernier, dans un délai inférieur à 80 jours. Elle a également rendu des avis d'efficience afin d'estimer le rapport coût/efficacité et l'impact budgétaire de ces traitements Enfin, elle a évalué les deux actes médicaux nécessaires au traitement : le prélèvement des lymphocytes T et la perfusion des cellules génétiquement modifiées.
Les CAR-T cells représentent aujourd'hui un espoir dans le traitement de certains cancers du sang réfractaires ou en rechute. D'après les études cliniques, le taux de survie estimé à 12 mois des patients atteints de lymphome diffus à grandes cellules B au pronostic vital engagé à très court terme est de 40 % pour Kymriah et de 60 % pour Yescarta. Ces données sont encourageantes dans la mesure où la population concernée était en échec thérapeutique. Toutefois, il existe des incertitudes sur l'identification des patients chez qui le traitement fonctionnera, sur le maintien de la réponse au traitement et sur la tolérance de ces CAR-T cells à moyen et long termes. Les résultats sont disponibles uniquement avec une période de suivi courte (12 mois environ).
Ces traitements sont aujourd'hui validés avec une injection unique mais le manque de recul Â? notamment sur la persistance des cellules modifiées génétiquement Â? et les connaissances actuelles sont insuffisantes pour dire s'il y aura besoin d'une seconde injection. Tous ces éléments ont mené à une ASMR (amélioration du service médical rendu) de niveau III pour Yescarta et IV pour Kymriah dans l'indication lymphome diffus à grandes cellules B, et à une ASMR III pour Kymriah dans l'indication leucémie aigüe lymphoblastique à cellules B de l'enfant et du jeune adulte.
La Commission d'évaluation économique et de santé publique a, quant à elle, exprimé de nombreuses réserves concernant l'efficience de ces spécialités : le coût est très élevé, et les incertitudes sur le prix à payer pour obtenir un bénéfice clinique sont nombreuses. L'efficience de Kymriah n'est pas démontrée et le ratio différentiel coût-résultat de Yescarta est estimé à 114 000 Â? par année de vie ajustée sur la qualité de vie, comparativement à la prise en charge actuelle. Par ailleurs, le traitement par des CAR-T cells engendre un coût très important qui dépasse celui des seuls médicaments. En effet, ils ont également un impact organisationnel conséquent dont il faut tenir compte : la prise en charge implique des déplacements, un hébergement du patient à proximité de l'établissement de santé pendant plusieurs semaines.
Les pouvoirs publics ont prévu un encadrement des pratiques car tous les hôpitaux ne sont pas en capacité de proposer cette prise en charge. Les établissements de santé doivent en effet être habilités à stocker et manipuler des cellules génétiquement modifiées, mais aussi à prendre en charge des patients ayant reçu des traitements engendrant parfois des effets indésirables graves dans les jours suivant leur administration.
De son côté, et afin de lever les incertitudes entourant ces thérapies, la HAS a annoncé qu'elle réévaluerait les cellules CAR-T. Pour cela, elle demande que des données complémentaires lui soient fournies annuellement. Ces données en vie réelle issues d'un registre commun aux CAR-T cells permettront de vérifier l'efficacité, la tolérance et la qualité de vie à moyen puis à long terme de ces traitements. Ces données permettront également d'évaluer l'efficience et l'impact organisationnel dans les conditions réelles d'utilisation de ces deux traitements, enjeu majeur pour la fixation ou la réévaluation du prix.
Par ailleurs, du fait de la complexité de la prise en charge et des événements indésirables graves connus, la HAS souligne l'intérêt pour les patients, et leurs aidants le cas échéant, de disposer d'une information adaptée à la complexité de la procédure CAR-T cells et aux risques encourus.
L'accès rapide, sécurisé et financièrement soutenable aux thérapies innovantes est un enjeu identifié par la HAS comme une de ses priorités dans un contexte de développement important de nouvelles thérapies géniques dans d'autres cancers (myélome notamment) mais également pour le traitement de maladies chroniques telles que l'hémophilie et la β-thalassémie.
HAS le 27/05/2019