« Malgré les centaines de restitutions de licence intervenues ces dernières années, les fermetures d’officines ne posent jusqu’à présent pas de difficulté globale d’accès au médicament pour la population dans la mesure où la quasi-totalité des fermetures surviennent dans des territoires au préalable en surdensité officinale ». Selon les quatre membres de l’IGF (Inspection générale des finances) et de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales)*, à l’origine du rapport « la régulation du réseau des pharmacies d’officine » : le nombre de pharmacie est trop important. Pire ! La répartition des officines serait toujours en inadéquation avec les besoins de la population. Quelque « 91 % des officines seraient ainsi implantées dans des territoires en surdensité officinale », expliquent les auteurs.
La raison ? « La structuration actuelle du réseau officinal est plus le produit de l’histoire que de la réglementation actuelle ». Selon les données de la Drees et du Cnop (Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, 8 380 communes de France métropolitaine avaient au 1er janvier 2016 une ou plusieurs officines sur leur territoire pour un total de 21 663 officines sur l’ensemble du territoire national. La France se situerait ainsi dans une situation médiane en Europe, tant du point de vue du nombre moyen d’habitants par officine que du point de vue du nombre moyen de kilomètres carrés par officines, avec 29 km2 en moyenne.
Par rapport à ces critères, plus de neuf officines sur dix (91 %) seraient dans des communes sur-denses. En clair, 81 % des communes ayant des officines seraient en surdensité officinale. Conséquence : quelque dizaines de communes françaises seulement auraient une taille et un nombre d’officines qui autoriseraient l’installation de nouvelles pharmacies. D’autant que 97 % des Français vivraient aujourd’hui à moins de dix minutes en voiture d’une officine et 99,5 % à moins de quinze minutes, malgré de fortes disparités territoriales. Des chiffres logiques, puisqu’avec les médecins généralistes la pharmacie reste en tête des services de santé au regard de l’indicateur « accessibilité potentielle localisée » (APL).
Le problème résiderait dans la taille des officines. « Le maillage de petites officines en forte concurrence les unes avec les autres ne favorise pas le développement de nouveaux services qui exigent de disposer d’espaces et d’effectifs de pharmacies en quantité suffisante », expliquent les auteurs du rapport. Une situation due à la complexité des règles d’installation et en particulier pour les regroupements et les rachats-fermetures. D’où la nécessité d’imaginer des outils à même d’inciter des professionnels par nature individualistes à travailler ensemble, à l’instar d’une incitation fiscale permettant d’amortir la licence rachetée ; voire d’une suppression des droits de mutation dans le cadre d’un rachat fermeture. Deux mesures qui sembleraient séduire les syndicats…
Car l’évolution même du modèle économique des officines ne sauraient suffire à motiver les pharmaciens. Selon les auteurs du rapport, « le faible nombre de rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) mises en œuvre, la complexité des entretiens asthme, ajoutée à leur rétribution insuffisante et trop tardive par rapport aux coûts associés » ne sont pas des ressorts suffisants pour convaincre les officinaux de franchir le pas ; quand bien même ils déclareraient « être très attachés à la qualité de professionnels de santé ».
Et ce ne sont pas non plus les difficultés économiques régulièrement mises en avant par les représentants de la profession qui devraient être davantage moteurs, dans la mesure où elles seraient « en grande partie surévaluées ». Regrettant l’absence de diagnostic objectif sur le secteur officinal, les auteurs de l’étude rappellent ainsi que sur les 85 suppressions de licence intervenues lors du second semestre 2015, « seules 9 concernaient des liquidations judiciaires, dont certaines seraient liées à une mauvaise gestion ». Soit, au final, moins de 10 %.
Les auteurs du rapport n’en préconisent pas moins la nécessité de faire évoluer la situation actuelle afin d’anticiper l’éloignement à plus de 15/20 minutes d’une officine de certaines populations. Une perspective particulièrement réaliste dans deux régions qui concentraient plus de la moitié des situations critiques : Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées et Auvergne-Rhône-Alpes. Face aux limites apparentes de la politique d’aménagement du territoire, ils envisagent donc d’accorder « une plus large autonomie aux agences régionales de santé (ARS) dans la stratégie à adopter pour réguler le réseau officinal ».
Concrètement, celles-ci pourraient désormais être dotées d’une boîte à outils qui seraient issu du logiciel Metric et leur permettrait d’analyser les situations afin de « mieux structurer le réseau officinal et de prévenir d’éventuelles difficultés localement identifiées ». L’objectif ? Améliorer à la fois l’articulation entre les professionnels de santé dans les territoires et le suivi d’officines considérées comme d’attention particulière ou encore de zones où le maillage officinal doit être restructuré. Des succursales pourraient ainsi être créées, des Pharmabus mis en place ou encore des livraisons/dispensations longue distance autorisées à partir de pharmacies proches de zones sous-denses, telles que la Lozère ou les Alpes-Maritimes. Reste à savoir si les syndicats adhèreront…
* Marie Magnien, Olivier Le Gall ; Vincent Jaouen, Bruno Vincent