Archives - Le CFES ancêtre de l'Inpes qui est aujourd'hui Santé Publique France, portrait de l'organisme en 2002

CFES, la promotion de la santé institutionnalisée

Par Jacques Busseau -  Journaliste

Théragora - www.theragora.fr - Année 2002 - Visite Actuelle N° 78 - Page 23

Le Comité Français d’Education pour la Santé (CFES) quittera bientôt son statut d’association pour adopter celui d’institut. L’INPPS (Institut national de prévention et de promotion de la santé), doté de nouvelles prérogatives et de missions élargies, entend devenir un centre référent.

 

L’éducation pour la santé trouve son origine lointaine dans la “volonté hygiéniste” apparue au milieu du 19e siècle, avec les premières lois de salubrité publique, qui entraînera au siècle suivant -très précisément en 1930- la création d’un ministère de la Santé publique. C’est dans cette mouvance que le CFES trouve ses propres racines en 1952 sous la forme, à l’époque, d’un Centre d’éducation sanitaire et sociale voué à l’éducation pour la santé dans un cadre régional. Transformé plus tard en Comité d’éducation sanitaire et sociale il sera dynamisé en 1972 par Simone Veil qui en fera un organisme centralisé, proche du ministère de la Santé, sous le nom de Comité Français d’Education pour la Santé. Sa première mission, les plus anciens s’en souviennent, concernera la lutte contre le tabac. A travers elle, la ministre de la Santé brise le tabou selon lequel “on n’utilise pas les techniques publicitaires pour une cause sanitaire”. On charge ce Comité de réaliser des campagnes de communication que le gouvernement ne peut entreprendre directement à cause de multiples contraintes administratives.

 

Mission d’intérêt général

Placé sous la tutelle du ministère, qui assure un contrôle financier permanent et approuve les décisions de son Conseil d’administration, le CFES n’est pas pour autant un organisme ministériel et ses collaborateurs ne sont pas des fonctionnaires. Son financement provient d’ailleurs avant tout de la Caisse d’assurance maladie qui, bien que possédant un Fond national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire (230 millions d’euros, consacrés aux centres d’examens de santé et au dépistage), sous traite au Comité l’essentiel de la communication de ses campagnes. Le ministère prend en charge l’essentiel des frais de fonctionnement, soit 15% d’un budget qui frôle aujourd’hui les 50 millions d’euros.

Ses statuts lui confèrent une “mission d’intérêt général”, à savoir “développer l’éducation pour la santé en France”, “réaliser les grandes campagnes de communication nationale” et “représenter la France à l’étranger”.

La partie la plus spectaculaire, “socle” de cette triple mission d’éducation est bien évidemment constituée par la “dimension communication”, à travers spots TV, radio, affichage, presse, cinéma, mais aussi affiches et brochures hors médias ainsi que réalisation de documents pédagogiques à destination du milieu scolaire ou médical.

En 2000, à titre d’exemple, le Comité aura mené 9 grandes campagnes nationales (aux thèmes permanents du début, comme le tabac et l’alcool, sont venus s’ajouter des thèmes nouveaux tels le Sida, la drogue et l’hépatite C), certaines pour le compte de l’assurance maladie (comme le tabac et l’alcool), d’autres pour le compte de l’Etat (comme le Sida et les toxicomanies) : la part la plus importante concerne la campagne tabac (10,6 millions d’euros), suivie de la campagne Sida (8,1 millions d’euros), puis les campagnes alcool, drogues et accidents de la vie courante (4 millions environ chacune), enfin les vaccinations (3,3 millions), l’hépatite C (1,8 million), le mal de dos ( 200 000 euros) et le suicide (150 000).

 

Changement quantitatif et qualitatif

En sept ans, le CFES aura vu tripler son budget et doubler ses effectifs. Il regroupe aujourd’hui 85 permanents : outre l’administratif, on y trouve 4 médecins, un pharmacien, mais en majorité des professionnels de la communication, des professionnels des sciences de l’éducation, des démographes, des statisticiens, des économistes et même des logisticiens pour une activité de diffusion, notamment de documents, en réponse aux (nombreuses) demandes du public : il faut savoir que le Comité envoie… entre 40 et 50 millions de documents chaque année ! “L’éducation pour la santé est une interdiscipline qui fait intervenir science sociale, science de la santé, de la communication, etc”, insiste à cet égard Bernadette Roussille, déléguée générale du CFES.

Ce changement quantitatif recouvre aussi un changement qualitatif, dans les faits, non pas dans les textes. Certes, pour s’adresser au grand public et tenter de “modifier en profondeur les représentations sociales”, le recours aux médias reste une “nécessité”. Mais progressivement, les campagnes avant tout publicitaires et basées sur des slogans chocs –certains sont encore dans toutes les mémoires comme “un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts !”, ou “un médicament, ça ne se prend pas à la légère !”-  ont dépassé ce premier palier pour constituer de véritables programmes, pédagogiquement renforcés et installés dans la durée.

 

Neutralité vis-à-vis des laboratoires

Cela est notamment passé par l’apport de rédactionnel, à travers des reportages, ou encore par l’utilisation accrue du support papier, à travers notamment le “hors médias” que constituent les brochures et les dépliants. Des outils “de dialogue” d’abord destinés aux professionnels de santé : de plus en plus souvent appelés à jouer un rôle de pédagogue de santé auprès du public, ils sont par exemple prévenus avant tout le monde des programmes à venir afin de ne pas être surpris par les questions des patients ; mais leur engagement va jusqu’à utiliser en consultation des coffrets pédagogiques et à distribuer en salle d’attente ou à l’officine des documents destinés au grand public (affiches et fiches). Ce dernier peut encore être touché par la présentation de dépliants dans certaines grandes surfaces comme GO Sport ou Carrefour.

Les programmes concernent très rarement le médicament et son bon usage. Ceux consacrés aux vaccinations, aux drogues (Métadone®) et à la lutte contre le tabac sont en rapport avec l’industrie mais le CFES, précise Bernadette Roussille, “garde une certaine neutralité vis-à-vis des laboratoires comme Pasteur-Mérieux. Nous assurons la promotion de la vaccination et non d’un produit de traitement thérapeutique, même si nos actions éducatives ont des répercussions sur les ventes. Il en va de même, autre exemple, dans le domaine du tabac. Nous savons que les patchs enregistrent des pics de ventes durant nos campagnes. En fait, nous nous situons en amont des produits pharmaceutiques. Nous ne recherchons donc pas de partenariat. Cela étant, lorsqu’une nouvelle spécialité vient faciliter un traitement ou réduire les risques, notre communication s’en trouve modifiée, même si nous ne faisons jamais référence à son nom. Nous sommes dans le domaine de l’éducation et non de l’information produit”.

 

L’esprit d’Ottawa

Cela étant, si les missions ont changé, le mode de financement n’a pas évolué et apparaît aujourd’hui totalement inadapté, affectant le fonctionnement même de l’organisme. Négocié programme par programme avec la caisse d’assurance maladie et l’Etat, il fait souvent l’objet de versements tardifs, ce qui ne posait pas trop de problème lorsque les actions se limitaient à des campagnes de communication dans les médias ; on trouvait toujours des arrangements avec les supports (principalement les chaînes de télévision) en reportant les créances. Mais l’affaire devient réellement “acrobatique” lorsqu’on va au-delà des campagnes médiatiques pour investir dans le “travail de terrain” en soutenant les comités départementaux et régionaux dans leur mission de développement d’outils pédagogiques et de formation des relais (médecins, enseignants). “On ne peut travailler dans la continuité avec les gens de terrain lorsqu’on dispose de financements en pointillé ; le statut associatif a atteint ses limites”, résume judicieusement Brigitte Sandrin-Berthon, chargée au sein du CFES de la mise en œuvre du volet formation du Plan national d’éducation pour la santé.

D’où l’intérêt de transformer l’organisme en établissement public. On s’y prépare depuis plus d’un an et dans quelques semaines, le CFES deviendra INPPS, pour Institut National de Prévention et de promotion de la Santé, avec des missions élargies. L’éducation pour la santé ne se limite plus à la prévention primaire (dissuader de fumer ou encourager le sevrage tabagique) mais se trouve réintégrée dans la relation de soins (aider également les patients atteints de maladies chroniques à se prendre en charge). Quant à la notion de promotion de la santé, elle ne consiste plus seulement à placer les individus devant leurs responsabilités individuelles mais d’interpeller les décideurs sur les conséquences de leurs actes au regard de la santé des populations.

Tout cela rejoint en fait l’esprit de la Charte d’Ottawa. Le texte agréé par l’OMS dans la ville canadienne en 1986 définit les 5 domaines où intervenir pour améliorer la santé d’une population :  les décisions politiques (d’ordre fiscal ou social), l’environnement (conditions de vie), la participation des citoyens aux décisions des politiques (à l’exemple des Etats généraux de la santé), l’éducation pour la santé (développer les compétences des individus pour protéger ou améliorer leur propre santé), la réorientation des systèmes de soins (pour qu’ils deviennent davantage des systèmes de santé) et la valorisation des soins de première intention par rapport aux spécialisations.

La plupart des pays européens ont réformé leurs systèmes de santé dans ce sens.

 

Un centre de ressources

Lorsque les responsables politiques français prennent conscience que l’évolution du Comité pose le problème des statuts c’est en fonction de ce texte qu’ils entreprennent sa transformation. Dominique Gillot, ministre de la Santé jusqu’au début 2001, constitue à l’automne 2000 un groupe de travail avec des gens de terrain –français, mais également belges et suisses- et des représentants de l’Administration pour mettre au point des recommandations pour le développement de l’éducation pour la santé en France. Un rapport est remis il y a à peu près un an, époque où est présenté en conseil des ministres un Plan national d’éducation pour la santé composé de trois volets : développement de la formation et de la recherche en éducation pour la santé, financement de l’éducation des patients (par les médecins), organisation de l’éducation pour la santé comme un service public. C’est dans cette mouvance que sera créé l’INPPS, inscrit dans la très prochaine loi sur le droit des malades et la modernisation du système de santé votée à l’Assemblée nationale en octobre et en cours de discussion au Sénat actuellement.

Le nouvel organisme deviendra un établissement public administratif, contrôlé par l’Etat et soumis au code des marchés publics, ce qui risque d’alourdir son fonctionnement. Fonctionnement qui se rapprochera cependant de celui d’une administration et gagnera en sérénité financière dans la mesure où l’on parlera de “dotation globale” et non plus de financements programme par programme.

L’élargissement, entrevu précédemment, du domaine de ses missions à la prévention médicalisée, à la promotion de la santé auprès des décideurs et au travail de formation, de recherche et d’évaluation sur le terrain, fait passer l’Institut d’un rôle d’opérateur à celui d’expert. Dans le cadre de l’éducation pour la santé, la communication médiatique constitue l’un des outils possibles mais ne représente pas une fin en soi. Ce qui suppose un renforcement quantitatif (triplement prévu du nombre de collaborateurs) et qualitatif à travers un renforcement de la formation des personnels. Ce double changement avait été amorcé depuis quelques années de l’intérieur, avec une idée forte, “renforcer l’expertise”.

“L’INPPS sera en quelque sorte l’équivalent d’Agences comme l’Afssaps et l’Anaes”, conclut Brigitte Sandrin-Berthon. Un passionnant défi.

 

A l’international aussi

Le réseau du CFES comprend une centaine de comités régionaux et départementaux d’éducation pour la santé sur l’ensemble du territoire, organisées autour de 3 pôles : conseil méthodologique, formation et documentation. Les actions en milieu scolaire représentent la moitié de l’activité des 400 personnes qui composent ces comités, mais elles interviennent aussi dans les entreprises, les quartiers sensibles et auprès des publics les plus en difficulté.

A l’international, le CFES est centre collaborateur de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), pour le tabac et l’alcool, et participe à plusieurs réseaux internationaux francophones ainsi qu’à des programmes de l’Union européenne. En 2001, il y a organisé une conférence mondiale de promotion et d’éducation pour la santé qui a réuni près de 2000 participants de près de 100 pays.
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