En s’opposant à l’accès direct aux infirmières en pratique avancées (IPA) le SML défend une médecine d’un autre âge

Le droit des IPA à prescrire participe de l’offre de soins de premier recours

Par Stéphane de Vendeuvre -  Co-fondateur de Théragora

Théragora - www.theragora.fr

En publiant le décret 2025-55 qui élargit le champ de prescription des infirmiers en pratique avancée (IPA), le ministre de la Santé donne un nouvel élan aux coopérations interprofessionnelles. Avec l’inclusion en primo-prescription, des dispositifs médicaux et des médicaments soumis à prescription médicale obligatoire, Yannick Neuder renforce l’offre de soins dans le premier recours. L’opposition du syndicat des médecins libéraux (SML) à ce texte apparaît dès lors comme la manifestation d’une médecine d’un autre temps et comme la traduction d’un corporatisme qui ne sert pas les intérêts des patients. Quant au collectif « Pour un Grenelle de la santé », il dénonce cette vision passéiste qui ne sert pas les intérêts des patients.

La santé serait-elle une propriété privée ? Certaines professions devraient-elle bénéficier d’une rente de situation ? Les médecins doivent-ils régner sur l’ensemble des autres professionnels de santé tels des monarques de droits divins ? Loin d’être saugrenues, ces questions méritent d’être posées à la lecture du dernier communiqué du Syndicat des médecins libéraux (SML). En qualifiant le décret 2025-55 du 20 janvier 2025, qui élargit le champ de prescription accordé aux infirmiers en pratique avancée (IPA), de « régression inquiétante pour nos concitoyens et pour la médecine française », le SML fait en effet preuve d’une vision corporatiste de notre système de santé, selon le collectif « Pour un Grenelle de la santé ».

Vingt-cinq ans après la reconnaissance accordée aux pharmaciens de substituer un médicament par « un équivalent thérapeutique de composition et de dosage en principe actif identique à la spécialité princeps » cette réaction de quelques praticiens, qui peinent à regarder vers l’avenir, ressemble en effet à un combat d’arrière-garde mené contre l’interprofessionnalité, explique le président du collectif, Olivier Rozaire. L’association qui promeut un dialogue citoyen entre soignants, patients et aidants dénonce ce corporatisme d’un autre âge que d’aucun aurait cru révolu depuis que l’apposition de la mention « non substituable » a été strictement encadrée.

 

Une avancée très attendue par les patients…

Car l’approche du SML ne va pas dans l’intérêt de patients, de plus en plus souvent, confrontés à une pénurie de soignants. D’autant qu’à la fin 2023, près de 800 000 personnes en affections longue durée (ALD) étaient sans médecin traitant dont plus de 710 000 pour le seul régime général. Et aujourd'hui 30,2% de la population française vit dans un désert médical. Or, selon la tendance observée ces dernières années, « sans action volontariste ce chiffre continuera d’augmenter de manière exponentielle, et le manque de suivi mettra tous ces patients dans une précarité médicale pénalisante voire dangereuse » dénonce l’Association des maires ruraux de France (AMRF).

Les patients d’ailleurs comprennent d’autant moins cette position, qu’ils sont de plus en plus nombreux à ne plus avoir de médecin traitant. « Nous voulons nous sentir en sécurité et pouvoir bénéficier, pour le premier recours, d’une prise en charge par des professionnels de santé capables de travailler ensemble » s’exclame Virginie Vepierre mère de trois jeunes enfants souffrant d’asthme sévère. Et le vice-président du collectif, Alain Olympie, d’ajouter : « pendant la Covid, les patients ont déjà été étonnés de la réaction des médecins face à l'ouverture de la vaccination aux autres professionnels de santé ; on aurait pu penser que cela aurait servi de leçon... ».

 

… et par les professionnels face à l’urgence sanitaire

Il s’agit d’un combat rétrograde d’autant plus incompréhensible que la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 sur la modernisation de notre système de santé et créant les IPA date de plus de neuf ans maintenant et visait à répondre aux nouveaux enjeux d’un système de santé en mutation. C’était toute la raison d’être de son article 119 traduit dans l’article L.4301-1 du code de la santé publique (CSP) qui a introduit le principe de la pratique avancée des auxiliaires médicaux.

« Il était donc temps que le ministre de la Santé signe un décret à même de mettre en application cet article et son corolaire le L.4301-2 du CSP issu de la loi 2023-379 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist, qui a introduit un accès direct aux IPA », se félicite Vanessa Ralli secrétaire générale du collectif et aidante confrontée à la désertification médicale. Il était dès lors logique que Yannick Neuder se réjouisse « de cette avancée, très attendue par la profession, qui vient concrètement renforcer l’accès aux soins de nos concitoyens ! ». D’autant que le ministre sait « pouvoir compter sur les IPA et sur leur capacité à s’inscrire dans une dynamique collective où l’équilibre entre les compétences de chacun sert la santé de tous », comme l'avait démontré la DGOS (direction générale de l'offre de soins).

 

Accès aux soins facilité

A l’inverse, le SML affiche une position passéiste en considérant que les IPA ne bénéficieraient que de « quelques mois de formation » après lesquels elles « seraient autorisés désormais à pratiquer les mêmes actes médicaux » que des praticiens qui ont suivi « dix années d’études difficiles pour apprendre la médecine en France dont quatre années de formation pratique encadrée par des médecins seniors ». Pire ! En dévalorisant des professionnels qui, en réalité, ont suivi une formation complémentaire de deux années, ce syndicat s’oppose au principe même des coopérations interprofessionnelles de qualité et donc à un accès aux soins facilité pour les patients.

Une réaction qui n’est pas sans rappeler celle de la vice-présidente de l’URPS médecin du Centre Val de Loire, lorsqu’elle avait exprimé son opposition à l'arrêté du 14 septembre 2023 qui étendait le projet OSYS (Orientation dans le système de soins) à trois nouvelles régions: Centre Val de Loire, Occitanie et Corse. Alors même que cette expérimentation coconstruite avec les URPS médecins et pharmaciens de Bretagne avait démontré son efficacité dans les quatre départements bretons (Côte d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine et Morbihan), cette praticienne avait contesté la légitimité des officinaux à prendre en charge, au comptoir, les patients souffrant de l’un des « six petits maux » concernés par cette expérimentation article 51 : plaie simple, brûlure du premier degré, douleur pharyngée, conjonctivite, douleur mictionnelle, piqûre de tiques.

 

Travailler en coordination au sein des territoires

Une vision court-termiste qui revenait à dénier aux pharmaciens le droit de participer à l’offre de soins et de prendre en charge les pathologies de premier recours, dans le cadre du parcours de soins et à l’aide d’arbres décisionnels validés. Une approche corporatiste de la santé qui, au final, revenait à sacrifier l’intérêt du patient au nom de la défense d’intérêts strictement catégoriels. Une volonté clairement affichée de s’opposer aux souhaits des patients de pouvoir accéder, dans leur intérêt, à des professionnels de santé enclins à travailler en coordination au sein des territoires. A l’heure où la pénurie de médecins, en France, menace l'accès aux soins pour les patients et les conditions de travail pour les professionnels de santé, l’opposition du syndicat des médecins libéraux (SML) à ce texte apparaît dès lors comme la manifestation d’une médecine qui n’a pas pris la mesure de l’urgence sanitaire et sociale.

Les oppositions de certains médecins à une prise en charge partagée et coordonnée des patients avec d’autres professionnels de santé sont d’autant plus mal venues, qu’elles traduisent, en réalité, des préoccupations purement financières. Pour preuve, l’argumentaire du SML qui déplore que le tarif de la consultation d’un médecin spécialiste en pédiatrie pour un adolescent de plus de 16 ans en souffrance soit de 23€ » alors que pour prendre en charge un malade chronique, les IPA bénéficient de 60 € pour la première consultation et de 50 € tous les trois mois pour les suivantes ». Qu’il faille revaloriser la consultation médicale à hauteur de 50€ a du sens. Mais encore faudrait-il que les praticiens acceptent de ne plus être les supérieurs hiérarchiques des autres professionnels de santé et qu’ils s’inscrivent dans une logique de prise en charge coordonnée des patients. C’était le sens du programme politique publié par le SML… en 2014. Qu’en reste-t-il dix ans plus tard ?

 

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