Les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny publient un rapport d'information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales du Sénat

Déserts médicaux : les mesures pour développer l’offre de soins primaires

Par Rédaction -  Théragora

Théragora - www.theragora.fr - Année 2017 - Rapport du Sénat 686 N° 8 - Page 0 - crédits iconographique Frantz Lecarpentier

Quelles solutions proposer à la problématique des déserts médicaux ? Comment développer l'offre de soins primaires dans les zones sous dotées ? Quelle place accorder à la télémédecine? Quel rôle pour les maisons de santé pluriprofessionnelles ? Comment favoriser l'interprofessionalité ? Autant de questions auxquelles les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny ont tenté de répondre dans le rapport réalisé au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (1) de la commission des affaires sociales (2) du sénat, sur les mesures incitatives au développement de l’offre de soins primaires dans les zones sous dotées.

 

 

 

 

Cristallisée autour de la formule choc des « déserts médicaux », la question de l’accès géographique aux soins est devenue, au cours des dix dernières années, de plus en plus prégnante dans le débat public.

Elle est l’un des symptômes d’une « fracture territoriale » qui conduit, comme l’a relevé le Président du Sénat en ouvrant la conférence nationale des territoires réunie le 17 juillet 2017, à ce que les habitants de certaines parties du territoire national « se sentent aujourd’hui oubliés ».

Nombre d’élus locaux, confrontés à l’inquiétude voire au désarroi que suscite le départ à la retraite non remplacé du médecin de famille, ont depuis longtemps tiré la sonnette d’alarme.

 

Mêmes constats mais solutions différentes

 

Les constats ne sont pas nouveaux. En 2007, dans un rapport présenté au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, le sénateur Jean-Marc Juilhard attirait l’attention sur les perspectives de la démographie médicale : « Le nombre de médecins en exercice n’a jamais été aussi élevé et pourtant, les disparités entre régions deviennent trop importantes pour assurer un accès à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire (…). Cette situation s’aggravera dans les années à venir. »(3)

Les rapports, les initiatives nationales ou locales, les propositions de loi se sont depuis succédé, sans infléchir cette tendance. En 2013, le sénateur Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, soulignait l’urgence d’« agir vraiment » face à un « problème majeur d’égalité des territoires»(4)..

Si les constats sont globalement partages, les conclusions divergent.

Certains souhaiteraient dépasser l’approche incitative, aujourd’hui privilégiée dans l’organisation des soins primaires du fait du principe de libre installation des professionnels libéraux, pour engager des mesures de régulation géographique plus coercitives qui sont rejetées par les médecins.

 

Approche pragmatique

 

Au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, le Sénat a ainsi été saisi de plusieurs amendements visant à réguler par la loi les installations de médecins dans les zones où est constaté un fort excédent en matière d’offre de soins, auxquels la commission des affaires sociales, comme le gouvernement, ont donné un avis défavorable. A l’occasion de ces débats, Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, a suggéré qu’une mission soit conduite par la Mecss afin d’évaluer l’efficacité des dispositifs incitatifs mis en place pour attirer les professionnels de santé dans les zones sous dotées.

Les rapporteurs ont procédé, au cours des derniers mois, dans une approche concrète et pragmatique, à plusieurs auditions et à deux déplacements sur le terrain, pour identifier les initiatives - foisonnantes - engagées par les différents acteurs (État, collectivités territoriales, assurance maladie, professionnels de santé), évaluer leur portée et leurs limites.

Leur réflexion s’est centrée, d’une part, sur les soins primaires, ou de premier recours, et donc essentiellement les soins de ville au sein desquels l’enjeu de la présence médicale, singulièrement celle du médecin généraliste, occupe une place centrale. D’autre part, la situation générale des zones rurales est principalement abordée, à l’exclusion de celle plus spécifique de l’outre-mer, des quartiers prioritaires de la ville ou de zones isolées.

La principale conclusion tirée de ces travaux est qu’il ne semble pas exister, malheureusement, de ≪ solution miracle ≫ au problème des zones sous dotées en offre de soins. Néanmoins, cela ne signifie pas qu’il faille céder à la fatalité et renoncer à toute action : mobiliser une palette d’outils dans un cadre territorial cohérent et concerté, faire confiance aux acteurs de terrain et accompagner les bonnes pratiques, innover pour faire évoluer l’organisation de notre système de santé vers plus de fluidité et d’efficience, seraient de nature à lever des freins et des rigidités qui pèsent sur les acteurs du système de santé et les empêchent de répondre au mieux aux défis d’aujourd’hui et de demain.

Tel est le sens des propositions formulées. Celles-ci se veulent opérationnelles, alors que le Sénat aura très probablement à débattre de nouveau de ces sujets dans les mois à venir. En effet, le Président de la République a annoncé, lors de la conférence nationale des territoires, sa volonté de voir bâtir une « stratégie territoriale d’accès aux soins » afin de remédier aux inégalités constatées. Les mesures envisagées, qui portent sur le développement des maisons de santé, le déploiement de la télémédecine et un assouplissement du numerus clausus, devraient être précisées et déclinées par la ministre des solidarités et de la santé en septembre prochain. La commission du sénat y sera particulièrement attentive.

Téléchargez le rapport au format PDF N° 686/Sénat du 27 juillet 2017, 129 pages, 1,8 Mo

 

1) Cette mission d’évaluation est composée de : M. Jean-Noël Cardoux, Président ; MM. Jérôme Durain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Vice-Présidents ; Mme Annie David, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud, Secrétaires ; Mmes Agnès Canayer, Caroline Cayeux, MM. Yves Daudigny, Gérard Dériot, Mmes Catherine Deroche, Anne Émery-Dumas, Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Milon, Philippe Mouiller, Gérard Roche, René-Paul Savary.


(2) Cette commission est composée de : M. Alain Milon, président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud, vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Élisabeth Doineau, secrétaires ; M. Michel Amiel, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Olivier Cigolotti, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, M. Jérôme Durain, Mmes Anne Émery-Dumas, Corinne Féret, MM. Michel Forissier, Jean-Marc Gabouty, Mmes Françoise Gatel, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean- Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Catherine Procaccia, Stéphanie Riocreux, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin, Mme Évelyne Yonnet.

(3) « Offre de soins : comment réduire la fracture territoriale ? », rapport d’information n° 14 (2007-2008), présenté au nom de la commission des affaires sociales par M. Jean-Marc Juilhard, Sénat, 3 octobre 2007.


(4) « Déserts médicaux : agir vraiment », rapport d’information n° 335 (2012-2013), présenté au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, par M. Hervé Maurey, Sénat, 5 février 2013.

 

 

SYNTHESE DES PROPOSITIONS

• Construire une approche concertée au niveau des territoires de proximité avec les professionnels et les élus.


Proposition n° 1 : Confier aux ARS la mission de recenser l’ensemble des dispositifs existants au niveau des territoires de proximité, pour examiner la manière dont ils s’articulent, identifier les besoins insuffisamment pris en compte et favoriser les complémentarités. Associer les professionnels de santé et les élus locaux au suivi régulier et à l’évaluation des initiatives mises en place.

Proposition n° 2 : Renforcer les moyens d’action des ARS par une plus forte modulation des crédits du fonds d’intervention régional (FIR), en tenant compte des besoins des territoires déficitaires en offre de soins.
• Bâtir une démarche d’accompagnement personnalisé des professionnels de santé.

Proposition n° 3 : Généraliser de véritables « guichets uniques » auprès des ARS, pour informer et accompagner les professionnels de santé s’installant dans les zones sous dotées ou envisageant de le faire (appui dans l’ensemble des démarches administratives liées à l’installation et au projet de vie, information sur les aides de toutes natures, y compris celles des collectivités territoriales et les mesures fiscales).
• Rendre l’accès à l’exercice libéral plus attractif, en favorisant les modes d’exercice souples et diversifiés.

Proposition n° 4 : Simplifier et valoriser le recours aux statuts intermédiaires comme celui d’adjoint ou de collaborateur, susceptibles de favoriser l’accès progressif à l’installation libérale des praticiens.

Proposition n° 5 : Donner une reconnaissance conventionnelle au statut de médecin remplaçant.

Proposition n° 6 : Développer l’exercice mixte en allégeant les charges sociales sur l’activité libérale des médecins salariés.

Proposition n° 7 : Rendre plus attractif le cumul emploi-retraite dans les zones sous dotées par la suppression de la cotisation de retraite.

Proposition n° 8 : Poursuivre les réflexions sur l’amélioration de la protection sociale des professionnels libéraux, notamment pour abaisser le délai de carence en cas de maladie.
• Soutenir la création des maisons de sante pluri-professionnelles et leur fonctionnement.

Proposition n° 9 : Créer des « cellules d’appui à l’ingénierie de projet » au sein des ARS pour assister les porteurs de projet en vue de réduire sensiblement les délais de réalisation.

Proposition n° 10 : Accompagner la structuration des maisons de santé encore non éligibles aux financements de l’assurance maladie (appui juridique pour la transformation en société interprofessionnelle de soins ambulatoires-SISA, soutien à l’acquisition d’un système d’information partagé, aide à la coordination du travail en équipe…).
• Accompagner les mutations de l’exercice libéral.

Proposition n° 11 : Aider à la structuration de réseaux de professionnels de santé et accompagner toute initiative - alternative aux maisons de santé – offrant des réponses plus adaptées aux besoins de certains territoires (permanence dans des cabinets distincts, exercice multi-sites…).

Proposition n° 12 : Favoriser le développement des coopérations entre professionnels de santé (délégations d’actes, pratiques avancées) par la définition, dans un cadre conventionnel interprofessionnel, d’un régime de financement incitatif.
• Exploiter le potentiel offert par la télémédecine.

Proposition n° 13 : Inscrire le financement des actes de télémédecine  (téléconsultation, télé-expertise) dans le cadre tarifaire de droit commun de l’assurance maladie.

Proposition n° 14 : Évaluer l’impact économique et thérapeutique du recours à la télémédecine dans les parcours de soins, notamment en termes d’amélioration de l’accès à des soins de qualité dans les zones sous dotées.

Proposition n° 15 : Former les professionnels de santé à l’usage de la télémédecine et les accompagner dans l’équipement en matériel et logiciels adaptés.
• Développer les stages ambulatoires dans les zones sous dotées, pour créer l’ancrage géographique des futurs praticiens dès le stade décisif de la formation.

Proposition n° 16 : Engager une campagne de recrutement de maîtres de stage dans les zones sous dotées et revaloriser le montant de l’indemnité compensatrice.

Proposition n° 17 : Généraliser le stage de médecine générale de ville au cours de l’externat et en allonger la durée.

Proposition n° 18 : Introduire dans la formation initiale une préparation concrète aux différents modes d’exercice de la médecine de ville (gestion administrative et financière du cabinet, animation d’équipe, relations avec les interlocuteurs…).

Proposition n° 19 : Assouplir les conditions d’agrément des lieux de stage hors de la subdivision de rattachement, pour répondre aux besoins des territoires situés dans des zones « frontières ».

 

 

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