Les risques du principe de précaution

Par Jacques Busseau -  Journaliste

Théragora - www.theragora.fr - Année 2000 - Visite Actuelle N° 65 - Page 0

Un rapport, élaboré à la demande du gouvernement par deux professeurs de droit, fait le point sur le principe de précaution et l’organisation de l’expertise scientifique. Une bonne occasion pour faire le point sur un thème propulsé sur le “devant de la scène” -par les affaires du sang contaminé, de la “vache folle”, voire de la marée noire- mais encore relativement peu cerné.

 

De façon très générale, le principe de précaution définit “l’attitude que doit observer toute personne qui prend une décision concernant une activité dont on peut raisonnablement supposer qu’elle présente un danger grave pour la santé ou la sécurité des personnes ou de l’environnement. […] Il commande de prendre toutes des dispositions permettant de détecter  et d’évaluer le risque, de le réduire à un niveau acceptable et, si possible,  de l’éliminer, d’en informer les personnes concernées et de recueillir leurs suggestions sur les mesures envisagées pour le traiter”…

Depuis toujours, le devoir de traçabilité et de pharmacovigilance imposé aux laboratoires et à la distribution semble donner en la matière une longueur d’avance à l’industrie du médicament. Celle-ci peut d’ailleurs se prévaloir d’une ancienneté et d’une expérience certaines à travers la création dès les années 70 de la Direction de la pharmacie et du médicament, devenue Agence du médicament et, très récemment, Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Laquelle est notamment soumise à un devoir d’alerte sur l’ensemble des produits de santé (l’Agence n’était précédemment concernée que par le seul médicament) qui s’est en fait traduit par un “renforcement de la gestion des accidents et incidents pharmaceutiques”, ainsi que par le souci de faire retirer les produits susceptibles de mettre en danger la santé publique. L’Agence européenne du médicament étant soumise à la même obligation à l’échelle des Etats membres.

 

La précaution pour pallier la prévention

Pour autant, le devoir de précaution s’annonce autrement plus complexe. Car il ne s’agit nullement de prévention. Si cette dernière est relative à des risques avérés, la précaution s’applique à des risques potentiels. Dans le premier cas, la dangerosité est établie et il s’agit d’éviter l’accident. Dans le second, cette dangerosité est incertaine, ce qui amène à prendre des mesures proportionnées à la gravité d’éléments qui ne sont que potentiels. “Dans la pratique, énoncent d’ailleurs de façon très synthétique les auteurs du rapport, la précaution peut être comprise comme le prolongement des méthodes de prévention appliquées aux risques incertains”. 

Dans ce contexte, le “devoir d’alerte” considéré précédemment au sujet de l’industrie pharmaceutique est assimilable à la notion de “prévention”.
“Au total, poursuit le rapport, il n’est pas abusif d’affirmer que le principe de précaution doit gouverner la mise en œuvre de la précaution. Laquelle est fille de la prudence. Ce qui implique de réfléchir à la portée et aux conséquences de ses actes et de prendre ses dispositions pour éviter de causer des dommages à autrui”. 

D’un point de vue social, et au regard de certains accidents intervenus dernièrement (“vache folle”, poulet à la dioxine…), l’invocation du principe de précaution “s’explique autant par les défaillances de la prévention que par l’émergence de nouveaux risques potentiels […] que l’opinion veut voir évités très en amont”. 

 

Possibles effets pervers


Une certaine méfiance s’est peu à peu installée dans l’esprit du grand public à l’encontre des institutions en charge de la prévention. Il est même arrivé qu’on invoque à tort le principe de précaution pour des questions qui relevaient de la prévention. 
En tout état de cause, les citoyens manifestent le désir d’être “informés” et “associés à certains mécanismes de décision”. 
Une Agence d’expertise scientifique et technique (AEST) est donc créée pour produire, comme son nom l’indique, “une expertise scientifique et technique [qui devra en outre être rendue publique] indispensable à la demande des pouvoirs public” mais aussi “apporter des conseils pratiques aux citoyens lorsque cela est possible”.
C’est un fait, la mise en œuvre du principe de précaution s’impose désormais, entre autre lors de décisions à caractère scientifique.
Mais en matière de santé cette notion semble avoir des limites. Vouloir imposer le risque zéro dans un domaine où toute avancée suppose toujours une prise de risque ne peut avoir qu’un effet stérilisant dont le patient serait la première victime. Il en va ainsi pour l’industrie pharmaceutique, notamment avec les nouvelles molécules issues de la thérapie génique ou cellulaire.
Le débat ne fait que commencer…

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