Sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019

PLFSS 2019 : Réaction de l'Académie nationale de médecine

- Théragora le 30 octobre 2018/FL N° 14 - Page 0

 

L'Académie nationale de médecine a pris connaissance avec la plus grande attention du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 présenté au conseil des ministres du 10 octobre 2018.
 

Après avoir analysé les prévisions gouvernementales relatives à la situation financière de l'assurance maladie pour les années 2018, 2019 et suivantes, elle prend acte de ce que l'assurance maladie devrait progressivement renouer avec un équilibre qu'elle n'a plus connu depuis 1991 : son déficit annuel, d'un niveau toujours très élevé en 2017 où il avait même encore légèrement augmenté (-4,9 Md€), serait ramené à - 900 M€ en 2018, puis à - 500 M€ en 2019 et ferait place à l‘équilibre en 2020 puis à un excédent croissant toutes choses égales par ailleurs.

Elle souligne que cette embellie, beaucoup plus lente et tardive que pour les autres branches de la sécurité sociale, est cependant marquée de très nombreuses fragilités. Le redressement observé est pour une part en faux semblant dès lors qu'il s'accompagne en particulier par un jeu de vases communicants du creusement des déficits hospitaliers qui ont pratiquement doublé d'une année sur l'autre. Le retour progressif à l'équilibre est par ailleurs essentiellement attribuable aux effets positifs de la conjoncture économique sur les recettes et non à des efforts de réforme structurelle. Dans ces conditions, si l'activité économique se révélait dans les années à venir moins forte que prévu, le risque de constitution d'une nouvelle dette sociale apparaît majeur.

A cet égard, l'Académie relève avec inquiétude que la dette sociale portée par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à court terme - et exposée de ce fait au risque d'une remontée des taux d'intérêt -, dont une grande partie résulte des déficits accumulés de l'assurance maladie, ne fait l'objet que d'un transfert partiel à la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).
La fragilité de la situation financière de l'assurance maladie constitue ainsi pour l'Académie un sujet de très vive préoccupation dans un contexte marqué par une hausse tendancielle des dépenses de santé du fait notamment du vieillissement de la population et de l'arrivée de bio-médicaments particulièrement coûteux [1].

Assurer la soutenabilité sur le long terme de notre système de santé exige la mise en œuvre d'un ensemble de mesures coordonnées pour améliorer la pertinence des dépenses. Cet effort indispensable est possible sans porter atteinte à la qualité des soins et dans le respect des principes d'humanisme, de liberté, de responsabilité et de solidarité qui sont au fondement de notre médecine. Les leviers en ont été proposés de manière récurrente par l'Académie, qu'il s'agisse de la priorité à donner à la prévention et à l'éducation sanitaire [2] de la recomposition nécessaire du système de soins pour favoriser chaque fois la prise en charge la mieux adaptée, du renforcement des complémentarités entre médecine hospitalière et médecine de ville pour permettre des parcours de soins plus efficients, ou encore de la réorganisation de l'hôpital (allègement des procédures permettant une diminution des personnels administratifs, évaluation du rôle et de l'utilité des pôles, mise en place d'un contrôle du bien-fondé des prescriptions et de la pertinence des actes médicaux en renforçant le corps des médecins-conseils par des chefs de service venant de partir en retraite…) [3,4].

A cet égard, l'Académie constate avec intérêt que différentes pistes de travail annoncées récemment par les pouvoirs publics dans le cadre du plan « Ma santé 2022 » et portées déjà pour certaines par le PLFSS pour 2019 rejoignent plusieurs des préconisations qu'elle a pu faire : organiser la prévention et intensifier la lutte contre les produits addictifs (tabac, alcool, drogues illégales…) [5], faciliter l'accès à l'innovation thérapeutique, expérimenter en substitution d'une tarification à l'activité inflationniste de nouveaux modes de financement pour les maladies chroniques encourageant la prévention et reposant sur la pertinence des soins, aider à l'émergence de nouvelles formes de coopération entre professionnels libéraux et avec l'hôpital, libérer du temps médical en confiant les tâches administratives que les médecins doivent aujourd'hui assumer à des personnels dédiés… Elle sera particulièrement attentive aux modalités de mise en œuvre effective des mesures prévues à cet égard et à l'évaluation de leurs résultats, qui ne seront toutefois constatés qu'à moyen terme.

Elle déplore vivement que dans ces conditions l'effort d'économies très important demandé au système de santé en 2019, à hauteur de 3,8 Md€ en dépit du relèvement du taux de progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de + 2,3 % à +2,5 %, continue à reposer une nouvelle fois sur des mesures de court terme, pesant très largement sur l'hôpital plus que sur les soins de ville au risque de fragiliser encore davantage sa situation financière et de le contraindre à des suppressions d'emplois de soignants aggravant encore les tensions que connaissent les services hospitaliers et leurs équipes.  
 

RÉFÉRENCES
 [1] Huguier M. Les dépenses de santé. Bull Acad Natle Med, 2012, 196 : 1443-9.  
[2] Dreux C.La prévention en santé chez les adolescents. Rapport. Bull Acad Natle Med, 2014, 198 : 1197-241.
[3] Huguier M, Lagrave M, Rossignol C, Tillement JP. Assurance maladie. Etat des lieux. Bull Acad Natle Med, 2010, 194 : 1095-1103.
[4] Milhaud G, Huguier M, Lagrave M, Rossignol C, Tillement JP. Propositions pour une réforme de l'assurance maladie. Rapport. Bull Acad Natle Med, 2011, 195 : 1121-32.  [5] Dubois G. Maladies chroniques non transmissibles : prévention internationale. Communiqué. Bull Acad Natle Med, 2018, 202 : sous presse. 

 

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