A l’occasion des IIe Trophées de la pharmacie un don de 5 000€ crée la polémique

Lutter contre la précarité étudiante sans renoncer aux valeurs officinales

Par Stéphane de Vendeuvre -  Co-fondateur de Théragora

Théragora - www.theragora.fr

A l’occasion de la IIe édition des Trophées de la pharmacie, organisée dans le cadre du salon Pharmagora, une vente aux enchères a permis de collecter quelque 3 000€ pour le Fonds de dotation de l’Anepf (Association nationale des étudiants en pharmacie de France). Ce moment, censé valoriser la confraternité et le soutien désintéressé de toute une profession à de futurs consœurs et confrères confrontés à la précarité, a cependant fait l’objet d’une polémique. Profitant de la remise d'un chèque, une structure financière propriétaire de groupements d’officines a choisi de se mettre en avant. Au grand dam d'une partie des partenaires institutionnels qui ont affiché leur refus d’associer leur image à ce réseau. Au point que les étudiants pourraient refuser le chèque de 5 000€ qu’entendait leur remettre Hygie31.

Les deuxièmes trophées de la pharmacie avaient tout pour plaire. D’abord, une remise de prix à des officinaux actifs dans la promotion de leur profession au travers de « leur engagement quotidien, de leur passion et de leur dévouement au service de la santé de leurs patients ». Ensuite une vente aux enchères dont le fruit devait alimenter un fonds de dotation https://dotations.anepf.org/ destiné à lutter contre la précarité étudiante. Enfin la réunion de toutes les instances représentatives et autres associations qui comptent dans le microcosme officinal français... Bref une grand-messe comme aime en accueillir le salon Pharmagora.

Malheureusement pour les organisateurs et les partenaires, ce moment ludique s’est transformé en un tollé aussi soudain que retentissant. La raison ? La volonté affichée d’une structure financière de récupérer un moment confraternel pour le transformer en une opération promotionnelle. En clair, de détourner l’esprit même du fonds de dotation qu’avait créé l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf) pour collecter des dons et ainsi apporter une réponse concrète à la précarité étudiante. Car en appelant chaque officinal et autres associations représentatives à soutenir le Mentorat qu’elle venait de mettre en place, l’Anepf s’était fixée une règle de conduite : n’accepter aucun don de structures commerciales ou financières.

 

13 000€ collectés… en cinq mois

Cette mobilisation confraternelle, désintéressée et donc détachée de tout démarche commerciale devait, en effet, symboliser l’engagement de toute une profession aux côtés des pharmaciens de demain en donnant à l’Anepf les moyens d’allouer des bourses aux étudiants les plus précaires. Et le calcul de l’association étudiante était simple. « En tablant sur 100€ donnés par chacun des 24 000 titulaires, la collecte pouvait atteindre quelque 2,5 millions d’euros », explique le président de l’Anepf, Ilan Rakotondrainy. Et largement les dépasser pour peu que les adjoints, les biologistes, les hospitaliers… s’associent au mouvement. Une ambition d’autant plus légitime qu’avec la défiscalisation, le don aurait coûté moins de 35€ à chaque donateur.

Malheureusement l’appel à la générosité n’a pas forcément trouvé l’écho attendu auprès de professionnels pourtant naturellement empathiques. Résultat : en cinq mois, seuls quelque 13 000€ ont pu être collectés, comme l’ont rappelé les étudiants sur Pharmaradio https://www.pharmaradio.fr/pharmaradio. « Soit un euro par étudiant précaire », précise Valentin Masseron, porte-parole de l’Anepf. Et d’ajouter : « Cette somme est nettement insuffisante au regard des besoins d’étudiants de plus en plus souvent confrontés au renoncement alimentaire, aux difficultés à se loger, à la précarité menstruelle… ». Car les étudiants peinent de plus en plus souvent à boucler leur fin de mois. Voire à vivre tout simplement.

 

« Ni le lieu, ni le moment »

Selon la dernière enquête (*) annuelle réalisée par l'association de distribution d'aide alimentaire COP1, en partenariat avec l'institut français d'opinion publique (IFOP), plus d’un tiers des jeunes interrogés ont déclaré « sauter souvent ou de temps en temps un repas par manque d’argent » et « 41% des étudiantes ont confessé avoir déjà renoncé à une consultation gynécologique ». Des chiffres qui avaient poussé la fédération des associations générales étudiantes (FAGE), première organisation étudiante représentative de France, à parler désormais de « pauvreté étudiante » (**). C’est cette réalité qui avait incité l’Anepf à lancer cette campagne d’appel aux dons afin que des bourses puissent être distribuées aux étudiants les plus précaires.

Le groupe Hygie31, qui fédère quelque 1 500 officines françaises à travers les réseaux Lafayette, Magdaléon, Pharmacyal, Quartz, Pharmacorp s’est-il dès lors senti investi d’une mission philanthropique ? Le groupe présidé par Hervé Jouve a-t-il vu, là, l’occasion de convaincre de futurs titulaires de rejoindre les pharmacies de son réseau ? Ou bien a-t-il simplement profité de l’occasion de la remise du prix de la vente aux enchères pour abonder le fond de dotation étudiant à hauteur de 5000€ et promouvoir un modèle économique basé sur la vente à bas prix de produits de santé/bien être ? A l’heure où les groupements de pharmaciens sont engagés dans un phénomène de concentration, il était normal de faire savoir à la profession que les officinaux disposaient désormais davantage de moyens et donc pouvaient peser face à des fournisseurs, qui jusqu’alors dictaient les règles en termes de prix et de marges », estime Laurent filoche, président de l’UDGPO et fondateur de Pharmacorp. « Ce n’était ni le lieu ni le moment », regrette néanmoins l’organisatrice des Trophées, Cécile Morvan.

 

Cruel dilemme

Des regrets qui peinent néanmoins à convaincre car le facsimilé du chèque avait bien été préparé avant la cérémonie. D’autant que, selon cette pharmacienne, « le groupe Hygé31 aurait subordonné le don des trois maillots du stade toulousain -berceau d’Hygie31- mis aux enchères à la remise du chèque de 5 000€ ». Une condition non négligeable, puisque les maillots représentaient près de la moitié des lots soumis à adjudication. Sans compter qu’ils ont rapporté 1 800€ alors que les deux Jéroboams de bordeaux et les trois œuvres d’art proposés étaient adjugés pour un peu plus de 2 000€.

Résultat : ce qui aurait dû être un moment de partage et de générosité, puisque le fruit des enchères devait être reversé anonymement, s’est transformé en une « petite opération promotionnelle sans envergure », explique cet autre pharmacien. Et les dindons de la farce auront été les étudiants. Car la présidente du fond de dotation, Theia Matera, est désormais confronté à un cruel dilemme : accepter le chèque de 5 000€ et donc cautionner la tentative de récupération ou bien refuser la somme et s’interdire d’allouer plusieurs bourses à des étudiants en situation précaire.

 

« Pharmacie supermarché »

Un choix qui n’a rien de cornélien, selon Lucien Bennatan. Et cet ancien président de l’Anepf - de 1979 à 1983 - et fondateur de Pharmacie Référence Groupe d’expliquer : « J’ai refusé de soutenir les Trophées de la pharmacie car je ne voulais pas associer mon image à celle d’une enseigne qui est synonyme de la pharmacie supermarché alors que le pharmacien est appelé à offrir de plus en plus de services aux patients afin de jouer pleinement son rôle d’acteur de santé de proximité et ainsi trouver des relais de croissance pour le secteur », explique celui qui a contribué à faire bouger les lignes de la pharmacie d’officine depuis trente ans et préside désormais Act Pharmacie.

Un choix d’autant plus facile à faire si les syndicats décidaient de prendre en charge, en tout ou partie, l’éventuel manque à gagner. Après avoir déclaré qu’il « se dresserait systématiquement face à ceux qui entendent abandonner le camp des professionnels de santé et renvoyer la pharmacie dans le camp du commerce où les officines seraient pieds et poings liés à des structures financières », le président de l’USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine), Pierre-Olivier Variot, a en effet clairement exprimé son souhait de « voir les étudiants renoncer à un chèque qui représente le prix d’une compromission ».

Pour le président de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France), Philippe Besset, la décision semble plus difficile. Outre qu'il n'est "pas certain que le conseil d'administration de la Fédé accepte de compenser la somme à laquelle renonceraient les étudiants", Philippe Besset ne comprend pas la polémique. « Soit Hygie31 ne représente pas une partie des officines françaises et les représentants des enseignes qui composent le groupe n'ont pas à être conviés aux discussions qui engagent la profession, soit ce groupe est bien représentatif et il n'y a pas lieu à polémiquer », explique le président de la FSPF. Une façon de voir, qui laisse la main aux étudiants. Une position qui pourrait aussi faire penser à Ponce Pilate... avec le risque de crucifier des officinaux désireux de concilier leur statut de commerçant et de professionnel de santé.

(*) L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 812 personnes, représentatif de la population étudiante française. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, type d’établissement) après stratification par région. Par questionnaire auto-administré en ligne du 23 au 31 mai 2024.

(**) La consultation a été menée par questionnaire auto-administré en ligne du 15 mai au 5 juillet 2024, auprès d’un échantillon de 910 étudiants, bénéficiaires des services de l’association COP1, et à l’initiative de celle-ci qui a diffusé le lien à l’enquête à ses publics bénéficiaires.
https://www.ifop.com/publication/la-precarite-etudiante-en-france-quelle-realite-en-2024/

 

Le palmarès des Trophées de la pharmacie 2025

•    🏆 🏅 Catégorie numérique en santé, soutenue par Synapse Medicine
Pharmacie Paul Santy (67), Jérémie Assayag
•    🏆 🏅  Catégorie Santé et Prévention soutenue par Elsie Santé
Pharmacie du Belvédère (76), Frédéric Morise
•    🏆 🏅 Catégorie responsabilité sociale et environnementale soutenue par Pharma Système Qualité
Pharmacie de Trémusson (22), Stéphanie Janvier
•    🏆 🏅  Catégorie Communication Patients, soutenue par Proébo Promoplast
Pharmacie de Chenôve (21), Pascal Lachaise et Sarah Gautheron
•    🏆 🏅 Catégorie Etudiant, soutenue par Giphar
Lorraine Conter  (38)
•    🏆 🏅 Catégorie Nouvelles Missions soutenue par meSoigner.fr
Pharmacie de Roubaix (59) Mohamed Achamsse Pharmacie Lafayette de Roubaix    et Guillaume Vercruysse
•    🏆 🏅 Catégorie Top équipe, soutenue par 24/7 Service
Pharmacie Fourcade (84), Caroline Fourcade

 

Les entretiens de Théragora
Le porc meilleur ami de la transplantation
Remplacer un coeur ou un rein humain malade par un organe équivalent prélevé sur un porc sera bientôt possible. Ces porcs génétiquement modifiés pourraient ainsi devenir des banques d'organes de remplacement pour les humains. Les chirurgiens-transplanteurs français militent activement pour le développement d'une filière nationale autonome capable de maitriser toute la chaîne de ces xénogreffes.
Archives vidéos Carnet Le Kiosque Théragora Mots de la semaine Derniers articles en ligne
Contactez-nous

Théragora est le premier site d'information sur la santé au sens large, qui donne la parole à tout ceux qui sont concernés par l'environnement, la prévention, le soin et l'accompagnement des personnes âgées et autres patients chroniques.

contact@theragora.fr

www.theragora.fr

Suivez-nous et abonnez-vous sur nos 5 pages Facebook

Facebook Théragora
Facebook Théragora Prévenir
Facebook Théragora Soigner
Facebook Théragora Acteurs de ma santé
Facebook Théragora Soutenir

Linkedin Théragora