L'Express publie une tribune libre signée de cent médecins, hospitaliers et libéraux, de toutes spécialités, de familles de pensées et d'horizons politiques différents, qui s'insurgent contre le fichage,  par l'intermédiaire de la plateforme SI-VIC,  de « gilets jaunes » arrivant aux urgences hospitalières après avoir été blessés lors de manifestations. Le prolongement de l'information publiée il y a quelques semaines par le Canard Enchainé.  La CNIL enquête. Le ministère de la santé aussi. Les patients s'interrogent et s'inquiètent. Agnès Buzyn nie tout  fichage. Quoiqueâ?¦Â
Décidemment temps agité pour le gouvernement ! Entre la confusion de l'affaire de la Pitié Salpêtrière et la fausse « attaque » du service de réanimation, qui a jeté le trouble au sein même de la majorité politique, voilà que cent médecins dénoncent dans une tribune libre publiée par l'hebdomadaire l'Express, le fichage par les autorités hospitalières de manifestants blessés lors des samedis  organisés par les « gilets jaunes ».
 Sale affaire au demeurant, puisque comme l'écrivent les auteurs de cette tribune libre, ce n'est pas le rôle des médecins, et des soignants de communiquer des informations concernant les personnes qu'ils soignent.
« Nous refusons le fichage des "Gilets jaunes" blessés arrivant aux urgences. De même que nous nous opposons à tout autre fichage des patients sans leur consentement, visant à une transmission des données en dehors de l'hôpital à des fins autres que médicales » écrivent ces praticiens.
L'affaire a été révélée il y a déjà plusieurs semaines par le Canard Enchainé qui publiait un extrait du fichier SI-VIC (système d'information pour le suivi des victimes), dévoilant des informations confidentielles concernant des gilets jaunes blessés. Or, ce fichier mis en place après les attentats de 2015 doit respecter le secret médical, en théorie. En théorie seulement. Car bien des exceptions ont été émises. C'est bien que dénoncent ces médecins, généralistes, spécialistes, hospitaliers, venus de tous horizons politiques, qui s'insurgent contre la transmission de ces données aux autorités et à l'administration sans l'accord du patient et du médecin qui a pris en charge le blessé.
« Patients, imaginez, écrivent encore ces médecins, que vous alliez à l'hôpital et que votre présence, votre identité voire des informations médicales ne soient plus confidentielles et immédiatement communiquées à des tiers dans un fichier parallèle à votre dossier médical, fichier dans lequel vous seriez inscrit par exemple en raison de votre appartenance politique, sexuelle, religieuse ou ethnique? ».
Reste à savoir si la menace est bien réelle. Pour les médecins, cela ne fait aucun doute. Pour France Assos santé qui regroupe des associations de patients, l'affaire reste trouble. « Les faits rapportés par la presse, expliquait un communiqué de cette organisation au lendemain de la publication du « Canard », montrent que les personnes ainsi recensées l'ont été sans donner leur consentement et sans en être informées. Pour nous, viscéralement attachés à la défense des droits des personnes, ce défaut d'information des personnes concernées est extrêmement préoccupant ». D'autant que les premières explications bien vaseuses de l'Assistance Publique de Paris n'ont guère été rassurantes.
Une clarification s'impose au minimum et rapidement. La commission nationale de l'informatique et des libertés, (CNIL) contactée, assure s'être saisie de la question des « traitements des données personnelles liées aux « gilets jaunes» dans le cadre du fichier SI-VIC et cela « dès que la presse en a fait état ».Elle a également « été saisie par le Conseil National de l'Ordre des médecins et le sujet, assure-t-elle, est en cours d'instruction . Et la CNIL « réalisera au besoin les vérifications nécessaires pour déterminer si les informations renseignées par les établissements de santé respectent le texte autorisant SI-VIC ». Attendons donc. Même si le temps presse.
 Mais déjà , le gouvernement conscient que le sujet peut être explosif montre au créneau. La ministre de la santé, Agnès Buzyn assure ainsi qu'il n y a aucun fichage à l'hôpital et se défausse un temps soit peu sur la direction de l'APHP. « S'il y a eu des dérives, a-t-elle expliqué au micro de France-Info, cette dérive a eu lieu à l'Assistance publique des hôpitaux de Paris, dans un hôpital, c'est ce qui a entraîné un émoi. J'ai demandé une enquête, j'attends les résultats de cette enquête, mais cela ne concerne en rien le ministère de la Santé, qui fort heureusement demande aux soignants toujours la même chose: de soigner tout le monde, avec la même déontologie. ». On notera cependant avec intérêt, et un peu de scepticisme, la très grande prudence de cette déclaration qui devrait être loin de satisfaire et surtout de rassurer les médecins qui ont signé cette tribune libre.
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