Les cinq missions de la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris

Par Jacques Busseau -  Journaliste

Théragora - www.theragora.fr - Année 2001 - Visite Actuelle N° 71 - Page 0 - crédits iconographique DR

L’AP-HP (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) regroupe 50 établissements, en Ile-de-France et en province, approvisionnés par 3 centrales d’achats : une pour les travaux, une pour les équipements d’hôtellerie, une enfin pour les biens de santé qui nous intéresse au premier chef. Montant des achats de cette dernière, 6 milliards de francs, dont 1,5 milliard pour le seul médicament. Un marché, on s’en doute, fortement réglementé.

 

 

 

Avec plus de 30 000 lits et 84 000 collaborateurs, dont près de 18 000 médecins, au sein de 55 établissements hospitaliers, la plupart en Ile-de-France et quelques-uns en province –notamment à Berck (Pas-de-Calais), Hendaye (Pyrénées Atlantiques), San Salvadour (Var), Liancourt (Oise), La Roche Guyon…- l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris représente à l’évidence un marché considérable, particulièrement convoité, notamment lorsqu’il s’agit de médicaments et de dispositifs médicaux.

La gestion en est assurée par une AGAM, “Agence générale des approvisionnements médicaux”, qui exerce à la fois des activités de pharmacie hospitalière et des activités d’établissement pharmaceutique à partir du tout nouveau site de Nanterre (Hauts-de-Seine), sur une surface de 20 000 m2.

Ses missions sont de 5 ordres : les achats médicaux, la distribution, la fabrication, l’information et la documentation médico-pharmaceutique, enfin la prise en charge des études biomédicales.

 

Information et documentation en direct

Au-delà des trois premières missions qui apparaissent incontournables, l’AGAM a en charge –à travers le SIMP (Service d’information médico-pharmaceutique)-  la gestion, l’exploitation et la valorisation d’un fonds documentaire d’origine multiple, consultable dans la salle de lecture parisienne de la rue du Fer à Moulin –largement accessible aux professionnels de santé, membres ou non de l’AP- ou sur abonnement (les laboratoires pharmaceutiques peuvent ainsi obtenir, moyennant finance, des copies d’articles scientifiques en contactant le 01 46 69 12 12). Parallèlement, un second service est chargé d’apporter des réponses aux questions posées, y compris par téléphone, sur des sujets pointus (tels que la fabrication des médicaments, la pharmacovigilance, le nom français de médicaments étrangers, etc).

 

Par ailleurs, le “Service des essais cliniques” de l’Agence au sein de la Pharmacie Centrale assure la prise en charge pharmaceutique des études biomédicales portant sur un médicament  ou un dispositif médical dont l’AP-HP est promoteur, au sens de la Loi Huriet-Sérusclat (voir encadré).

 

Faire des médicaments pour les hôpitaux

Une des deux grandes missions de la Pharmacie Centrale est de vendre aux hôpitaux des médicaments non présents dans le commerce. Mais pour obtenir une préparation parfaitement adaptée, éviter tout mélange qui soit source d’erreur ou de contamination, elle peut fabriquer des formes particulières. Dans ce cadre, les règles sont claires : la Pharmacie Centrale fabrique et contrôle, à destination des hôpitaux  français et parfois étrangers, (intégrés ou non à l’AP) uniquement les médicaments non disponibles sur le marché. Lorsqu’il s’agit de structures autres -un temps l’AP a fourni des ONG- l’Agence confie la fabrication du produit à un exploitant. La loi de 1996 interdit en effet à la Pharmacie centrale de fabriquer des préparations hospitalières copiant des spécialités existant sur le marché, alors que l’inverse est possible. Les laboratoires ont le droit de venir piocher dans son portefeuille (comme pour se protéger, l’Agence a désormais tendance à demander des AMM). Cela a pu être le cas par le passé pour des formes de morphine, entre autres. Cela étant il s’agit pratiquement toujours de “niches”, parfois de médicaments orphelins, et non des médicaments vendus à des millions d’unités.

Lorsqu’il s’agit de médicaments (orphelins ou non) non réservés à des malades hospitalisés, la Pharmacie Centrale demande en général des AMM et confie l’exploitation à des établissements extérieurs. Cela est notamment arrivé il y a quelques années pour la Métadone, produit lancé auparavant pour la substitution.

Cette fabrication s’effectue aujourd’hui dans les locaux parisiens de la rue du Fer à Moulin, en attendant l’arrivée de la future unité de Nanterre encore en construction, à côté de l’unité de stockage. C’est à Nanterre que les produits sont regroupés avant d’être répartis dans les hôpitaux : ceux de l’AP et éventuellement les hôpitaux hors AP-HP pour des produits issus de la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris et uniquement ceux de l’AP-HP lorsqu’il s’agit de produits achetés à des laboratoires pharmaceutiques.

 

Concurrence simple ou appel d’offre

En effet l’Agence générale des approvisionnements médicaux a aussi  compétence pour l’achat de tous les produits de santé nécessaires aux hôpitaux de l’Assistance Publique. Cet achat s’effectue globalement sous forme de marchés, ou contrats, avec les laboratoires pharmaceutiques. Actuellement, la direction des achats passe chaque année environ 900 marchés nouveaux et ce sont les marchés d’appel d’offre qui progressent le plus vite en proportion par rapport aux marchés négociés. Preuve qu’on ne peut plus dans ce domaine passer par l’achat sur simple facture.

Dans la conception des marchés publics, on s’appuie sur le Code des marchés publics (en cours de refonte), lequel oblige, au-delà d’une certaine somme, de l’Ordre de 300 000 F (45 739 Euros), à rédiger un marché. Cela va alors du marché le plus simple -qui se résume à une simple consultation de quelques devis et le choix sur des critères précis, comme la meilleure qualité, le meilleur prix, le meilleur emballage et le meilleur service- au marché plus formalisé qui va s’efforcer, dans la plus pure tradition administrative, d’éviter tout “détournement” indélicat ou “prévarication”, de la part des “agents de l’Etat”.

Là encore, cela va de la simple mise en concurrence, qui en général consiste à choisir 2 fournisseurs pour 1 lot lorsque les prix sont voisins et que les quantités sont importantes afin d’éviter tout problème éventuel d’approvisionnement, à une mise en concurrence très officielle où la description des lots est publiée au Journal Officiel (éventuellement au Journal Officiel de la Communauté européenne, lorsque le montant de l’achat est conséquent). Voilà comment fonctionne l’appel d’offre (voir page 29).

Une fois l’appel d’offre lancé (avec prix sous plis scellés, échantillons testés…) il revient à la Commission d’appel d’offre de statuer. Cette Commission est composée d’administratifs, de directeurs d’hôpitaux, de représentants des finances, du conseil d’administration, etc. Autant de personnalités par définition “intouchables”.

 

La “liste” et la  rétrocession en question

Principale difficulté dans cette mission, définir si le produit acheté est ou non un “produit de monopole” (auquel cas la procédure d’achat est très simple). Exemple : lorsqu’il s’agit d’acheter des produits équivalents ou des génériques, un appel d’offre suffit; lorsqu’il s’agit d’acheter deux produits apparemment équivalents mais comportant d’éventuelles nuances d’indications (il en va souvent ainsi pour les produits de contraste), il y a risque de réactions secondaires chez certains malades. Dans ce cas on choisit assez souvent, sur avis des prescripteurs, d’acheter -“par dérogation”- les deux produits auxquels on accorde le statut de “monopole”.

 

Les produits sont parfois non interchangeables. Tout est dans l’interprétation…

Intervient également le problème, récemment soulevé, de la liste des médicaments agréés à l’usage des hôpitaux. Créée dans les années 50, elle se justifiait alors pour éviter l’entrée à l’hôpital de produits inutiles, touchant à la cosméto, ou de formes pharmaceutiques chères. Elle a été maintenue depuis, peut-être par conformisme administratif, mais elle n’est plus de mise. Aujourd’hui, les hôpitaux ont développé des centres de long séjour et pris en charge les prisons pour lesquels cette liste gêne beaucoup aux entournures. Dans les centres long séjour ou dans les prisons, les individus peuvent souffrir d’acné, de cors aux pieds ou autres affections ne supposant pas l’hospitalisation mais nécessitant des produits non inscrits sur la liste. De même, les malades hospitalisés ne laissent pas à la porte de l’hôpital leurs pathologies ambulatoires…

Il faut alors faire des demandes de dérogation, auxquelles l’administration ne répond jamais, donc transgresser la règle…

Ce problème en appelle un autre, tout proche, celui de la “rétrocession de médicaments réservés à l’usage hospitalier”. Depuis 1994, un décret permet aux pharmaciens d’officine de délivrer des produits qu’un malade sorti de l’hôpital devrait continuer à venir acheter à la pharmacie hospitalière puisque issu de la Pharmacie Centrale. Question de distance ou de volonté, il préfère alors confier l’ordonnance à son officinal, lequel la transmet à la Pharmacie Centrale par l’intermédiaire du grossiste alors chargé d’en rapporter les produits prescrits (auparavant le délai était de un à trois jours ; il est passé à 15 jours cette année… à moins que l’officinal vienne lui-même s’approvisionner). Aujourd’hui, ce sont plus de 400 produits de la réserve hospitalière que la Pharmacie Centrale vend ainsi à des patients ambulatoires !…

Là encore il conviendrait d’en transférer la plupart “en ville”, éventuellement après les avoir gardés un temps en réserve hospitalière dans le cas de maladies graves, comme le Sida ou les cancers.

 

La Pharmacie Centrale se comporte donc un peu comme les HMO états-uniennes, à cette différence près cependant que la HMO peut obliger “ses” médecins à prescrire un produit plutôt qu’un autre. Ici, en France, la Pharmacie Centrale “obéit” plutôt à la demande de ses “prescripteurs rois”. C’est éventuellement auprès d’eux ou auprès des directeurs d’hôpitaux, et non auprès des responsables de l’AGAM, que la visite prend toute son importance. D’autant qu’on est entré, peut-être dans le secteur hospitalier plus qu’en ville, dans l’ère du partenariat où l’ensemble des services apportés par le laboratoire au-delà du médicament lui-même prend toute son importance.

 

Il y a 12 ans, la loi Huriet
Le 20 décembre 1988, une loi plébiscitée par les parlementaires de tous bords, appelée Loi Huriet-Serusclat –du nom des deux sénateurs, auteurs du texte- établissait des règles très précises visant à protéger l’individu, sain ou malade, lors d’essais médicamenteux destinés à aider la recherche au sein des “bonnes pratiques cliniques”. Les grands axes de ce texte concernaient le rôle du promoteur, le rôle de l’ordre des médecins et le rôle du praticien.
Le promoteur –soit le laboratoire pharmaceutique lui-même par l’intermédiaire du pharmacien responsable, soit une société, ou association, spécialisée dans la mise en place de ces études- établit le protocole de l’essai et en assure le déroulement sur les plans médical et administratif.
L’ordre des médecins –national ou départemental- étudie pour sa part les dossiers, sur un plan déontologique et légal, avant de rendre son avis, “consultatif,” ensuite transmis au médecin concerné pour lequel il “constitue une indication préventive attirant son attention sur les risques éventuels auxquels serait soumise son indépendance”.
Déchargé de cette demande d’avis ordinale, le médecin se doit de “respecter strictement les dispositions du code de déontologie”, vis-à-vis du promoteur (dont il doit rester indépendant), vis-à-vis du patient (en garantissant la régularité et la pertinence de la recherche en cours) et vis-à-vis du conseil de l’ordre (en refusant par exemple de participer à une action désavouée par l’instance professionnelle).

 

Produits et procédure d’achat
La substitution de marchés d’appel d’offres aux marchés négociés ne pouvant être conduite pour toutes les classes de produits, la priorité est souvent donnée aux produits dont l’achat doit être renouvelé : médicaments sous DCI achetés sur simple facture ou sans mise en concurrence, spécialités pharmacologiquement équivalentes mais non similaires achetées auparavant par marchés négociés, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, facteurs de croissance hématopoïétiques et produits de radiologie ou d’IRM, médicaments dérivés du sang achetés auparavant sur marchés négociés.

 

L’appel d’offre des hôpitaux publics
Selon l’importance des achats (au-delà ou en deçà de 300 000 F), le Code des marchés publics oblige les hôpitaux publics à mettre leurs fournisseurs en compétition pour des produits réservés à l’hôpital (voir Visite Actuelle n°25, novembre 1996) : lorsqu’un appel d’offre est passé au Journal Officiel (parfois au Journal Officiel de la Communauté Européenne), tout laboratoire intéressé doit remplir un dossier (en répondant à toutes les contraintes administratives qu’on imagine), faire une proposition de prix et présenter ses conditions commerciales (la démarche est appelée “acte de soumission”). Tous les dossiers reçus sont ensuite considérés par le pharmacien hospitalier, le directeur, les chefs de service, le représentant de la concurrence et des prix, etc, pour un choix collégial des produits. 
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