Le nouveau président de l'ONI, Patrick Chamboredon, veut qu'en 2018 les infirmiers intègrent l'université et que le cadre réglementaire reconnaisse les pratiques avancées

Les infirmiers au coeur de la stratégie nationale de santé

Par Rédaction -  Théragora

Théragora - www.theragora.fr

A l'occasion de ses voeux, le nouveau président de l'Ordre national des infirmiers (ONI), a affirmé sa volonté d'engager la profession dans la stratégie nationale de santé. L'occasion pour Patrick Chamboredon de présenter la feuille de route de son mandat basé sur l'accomplissement de trois objectifs : la formation, le bien-être des infirmiers et infirmières, et le champ de compétences. Sans oublier la mise à jour du cadre réglementaire de la profession d'infirmier.

L'année 2018 s’annonce à tous égards, pour la santé et pour la profession infirmière, une année particulière. Une année d’actions et de réalisations. La stratégie nationale de santé (SNS) vient d’être publiée par décret en toute fin d’année. Elle définit les priorités de la santé publique d’ici à 2022. Nous, infirmiers, avons le devoir de nous y engager pleinement parce que cette stratégie concerne toutes les autorités publiques, le public et les acteurs du système de santé dont les infirmiers forment une part qui est loin d’être négligeable.

Pas moins de 19 ministres et secrétaires d’Etat ont contresigné ce décret. Le champ est donc vaste. La stratégie nationale de santé implique par exemple l’Education nationale, ce qui concerne directement les infirmières et infirmières des établissements publics et privés d’enseignement. Elle implique le ministère du Travail donc les milliers d’infirmières et infirmiers de la santé au travail, en ayant parmi ses priorités de « Mettre en place une politique globale de santé et de qualité de vie au travail dans l’ensemble des milieux professionnels publics et privés et renforcer le rôle de coordination des services de santé au travail. » Elle comporte un volet spécifique important en matière de politique de santé de l’enfant, de l’adolescent et du jeune ce qui va mobiliser très directement les infirmières puéricultrices autant que les infirmières de l’Education nationale.

Ce sont des exemples mais tous les champs, tous les domaines dans lesquels 600 000 infirmières et infirmiers apportent quotidiennement leur expertise sont impliqués dans cette stratégie nationale. Nous en sommes donc un maillon indispensable. La prévention, la promotion de la santé, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé, la qualité et la sécurité de la prise en charge tout au long du parcours, l’innovation et l’accompagnement de l’usager : voilà des domaines prioritaires dans lesquels les infirmières et infirmiers se retrouvent bien et sont d’un apport incontournable.

 

 

Professionnels reconnus à leur juste valeur

Alors, pour que notre profession puisse apporter sa contribution, faire montre d’un plein engagement dans cette stratégie, il faut que des évolutions soient mises en œuvre, que des avancées l’accompagnent. Je citerais ici trois domaines clefs où des avancées fortes sont attendues en 2018 : la formation, le bien-être des infirmiers et infirmières, et le champ de compétences.

-    Tout d'abord la formation : C’est là une attente considérable des infirmiers et infirmières. C’est en soi un axe de la stratégie nationale de santé. 2018 sera-t-elle l’année de l’intégration à l’université ? La mission confiée au secrétaire général du HCAAM, Stéphane Le Bouler, devrait rendre son rapport d’étape prochainement après un automne de concertation. Nous avons confiance en la volonté d’avancer des ministres de la santé et de l’enseignement supérieur.  Cette intégration aura de multiples impacts notamment sur les instituts de formation, sur le statut des formateurs, les étudiants… Mais également sur les infirmiers de demain.

L’Ordre est un acteur de ces évolutions et veut les accompagner en étant un interlocuteur des pouvoirs publics. Il n’est pas le seul. Nombre d'organismes sont impliqués fortement dans ces questions. Dans ce contexte, soyons unis que nous soyons représentants des étudiants, des formateurs, des instituts, des infirmiers en exercice. C’est la clef de notre réussite. J’ai très tôt après mon élection rencontré plusieurs acteurs clefs du champ de la formation et je tiens à chacun de mes interlocuteurs ce discours d’union. Nous avons de fortes attentes et savons qu’il s’agira d’une avancée majeure pour la profession. Il faut plus largement que ce soit aussi une avancée pour le système de santé et pour la stratégie nationale de santé afin que les professionnels de demain soient compétents, éclairés et aptes pour agir au mieux auprès des citoyens et des patients et répondre à leurs besoins. Pour cela il faut aussi des professionnels reconnus à leur juste valeur, bien dans leur peau et confiants dans l’avenir.

 

 

Accompagner et mieux protéger

-    Ensuite le bien-être des infirmiers et infirmières justement est le deuxième aspect clef que je souhaite aborder. La profession souffre profondément c’est une évidence. Et cela concerne tous les modes d’exercice. Les causes de la souffrance sont multiples et nous devons nous attaquer à toutes ces causes sans exception. Les restructurations, les fermetures de service, les pressions managériales au sein de l’hôpital deviennent souvent insupportables. L’indépendance professionnelle et le souci de la qualité des soins sont mis à mal. Les pouvoirs publics prennent-ils conscience de la violence de ces phénomènes ? On peut en douter parfois puisque les politiques se poursuivent. Combien de nos confrères et consœurs estiment ne plus avoir les moyens d’exercer correctement leur métier, de délivrer des soins de qualité faute de temps auprès du patient ? L’exercice libéral souffre aussi grandement. Des violences et de l’insécurité qui le touchent particulièrement car l’exercice est isolé et assuré d’ailleurs par une majorité de femmes (même si bien entendu l’hôpital ou l’école ne sont pas épargnés par les incivilités, les violences et les agressions). On ne peut se contenter de déplorer cet état de fait, de s’émouvoir à chaque nouveau suicide ou à chaque nouvelle agression d’une consœur ou d’un confrère en publiant des communiqués de presse.

L’Ordre, dont la mission d’entraide est consubstantielle, prendra cette année des initiatives  pour mieux accompagner et mieux protéger ses membres. Mettre en place un service d’écoute, assurer des formations au plus près du terrain pour aider à gérer la conduite du changement, à prévenir les agressions ou à combattre le burn-out et le risque du repli sur soi. Les infirmières et infirmiers doivent savoir qu’ils ne sont pas seuls. L’Ordre, leur ordre, est là pour les aider, pour que la confraternité et le soutien mutuel ne soient pas de vains mots. Nous devons instituer une tolérance zéro face aux agressions et accompagner nos consœurs et confrères dans la procédure de plainte et jusqu’à la condamnation sévère des agresseurs. L’Ordre doit y mettre tout son poids. Les pouvoirs publics doivent aussi assumer leur propre responsabilité. La sécurité est un devoir de l’Etat.

 

 

Mise à jour du cadre réglementaire

-    Troisièmement, le champ de compétences : l’évolution de celui-ci est inéluctable. Les nouveaux besoins de la population, la nécessité impérieuse de coordination, d’une réorientation du système vers l’approche préventive, le traitement particulier exigé par les pathologies chroniques. Tout cela est bien connu, largement documenté. Et les solutions proposées le sont depuis longtemps. Et pourtant, les infirmiers ont toujours un décret d’acte au contenu datant d’il y a plus de dix ans ! Et pourtant la pratique avancée attend déjà depuis deux ans son cadre réglementaire ! 2018 devra être l’année de l’évolution des compétences infirmières. Qu’on ne nous dise pas avec une forme de condescendance qu’il s’agit d’une forte attente de la profession par simple besoin de reconnaissance ! Ce n’est pas d’abord cela. C’est d’abord des centaines de milliers de professionnels qui quotidiennement constatent qu’ils sont amenés à faire des glissements de tâches, et que s’ils ne les faisaient pas la machine du système de santé ne tournerait pas. Ce sont des dizaines de milliers d’infirmiers libéraux qui ne peuvent que déplorer ne pas pouvoir effectuer des actes pourtant utiles et pour lesquels ils ont toutes les compétences techniques requises parce que le droit leur interdit et que leur nomenclature obsolète ne les rémunère pas.

Alors, et je le dis ici aux représentants de l’Administration, avec une forme d’enthousiasme et peut-être de naïveté que j’admets parfaitement - voire que je revendique- étant un « jeune » président de l’Ordre, et si nous faisions de 2018 une année de la mise à jour du cadre réglementaire de notre profession ? Ce serait un juste accompagnement de la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé. Si l’on veut une adhésion complète des infirmiers à la réalisation des objectifs de la SNS, il faut qu’ils aient en contrepartie des perspectives d’avancées. A cet égard, je veux évoquer ici la vaccination. N’est-ce pas logique lorsque la SNS prescrit, je cite, qu’il faut « Améliorer l’accessibilité à la vaccination, développer les opportunités vaccinales » d’élargir le champ de compétence des infirmiers en matière de vaccination ? Que les infirmiers de santé au travail puissent venir vacciner dans les entreprises contre la grippe sans prescription de médecin, que les infirmières puéricultrices puissent effectuer les rappels de vaccins sans prescription. Que les infirmiers libéraux puissent vacciner aussi l’entourage des personnes âgées sans prescription. S’agit-il là d’hérésies ? Il s’agit plutôt de nécessités de santé publique.

Quant à la pratique avancée, nous devons reconnaitre qu’enfin les choses s’accélèrent avec la présentation en toute fin d’année d’un premier projet de décret relatif aux domaines d’intervention et aux conditions de l’exercice en pratique avancée. Disons-le, ce premier projet ne convenait pas du tout. Il contenait tant de restriction à l’exercice en pratique avancée qu’il le plaçait en deçà de l’exercice infirmier classique en terme d’autonomie. Une pratique avancée qui recule donc... Quel paradoxe ! Et quelle contrariété avec cet objectif de la stratégie nationale de santé : « Favoriser un nouveau partage des tâches au sein des équipes de soins, fondée sur un rôle accru des professionnels non médecins, le déploiement de la pratique avancée et le développement de formes innovantes de coopération ». A l’évidence, la pratique avancée fait peur à certains, au point de verser dans l’absurde. Mais nous dialoguons et contribuons avec pédagogie via nos propositions et par cette voie, j’ai bon espoir, nous avancerons dans la mise en place de cet exercice nouveau dont le bénéfice dans la prise en charge de premier recours dans les territoires, dans la coordination sanitaire sociale et dans le suivi du parcours de soins sera réel.

 

 

S’exprimer d’une voix commune

Voilà de nombreuses perspectives pour la santé, la profession infirmière et pour l’ordre en particulier en 2018. Pour que l’Ordre aborde ces évolutions et ces enjeux avec efficacité et réussite, je voudrais dire un mot de la méthode dont le nouveau bureau veut se doter. Cette méthode reposera sur quatre axes :

-    L’ouverture vers d’autres mondes que le nôtre, que les infirmiers connaissent peu voire craignent parfois : je pense au monde universitaire et de la recherche. Nous établirons des partenariats avec le monde académique afin de renforcer la réflexion, élargir notre pensée, affiner notre doctrine. Des disciplines telles que l’éthique, la sociologie, l’anthropologie, l’économie de la santé, la philosophie peuvent être des sources considérables d’apports à nos travaux. La déontologie infirmière doit s’en enrichir. Nous engagerons des partenariats en ce sens. Nous serons très présents lors du 7ème congrès mondial des infirmières et infirmiers francophones du SIDIIEF qui se tiendra à Bordeaux en juin et où 2000 participants sont attendus. Nous en sommes grand partenaire. L’Ordre y tiendra un symposium sur la pratique avancée et réunira ses conseillers à cette occasion afin de bénéficier de la richesse des conférences et échanges prévus. A l’échelle internationale aussi nous devons renforcer nos relations et notre implication.

-     Un fonctionnement ordinal plus démocratique et plus participatif valorisant les initiatives locales des échelons départementaux et régionaux de l’Ordre ainsi que des infirmiers. La stratégie nationale de santé sera déclinée dans les régions dans le cadre des programmes régionaux de santé, le terrain regorge d’initiatives qui s’inscrivent dans des champs aussi variés que l’éducation thérapeutique, l’organisation des soins de proximité, les nouvelles technologies, les partages d’information. Valorisons-les en les faisant connaitre, en les récompensant voire en les démultipliant. Pour cela l’Ordre s’appuiera beaucoup et bien davantage que par le passé sur ses échelons décentralisés. Je suis moi-même issu de ces échelons et j’ai pu développer des actions efficaces à une échelle où tout est souvent plus facile à mettre en œuvre.

-    Faire du Conseil national de l’ordre l’avant-garde de la profession. L’avant-garde ce n’est pas l’élite repliée sur elle-même et empreinte d’autosatisfaction mais c’est celle qui va en premier au combat, qui ose et qui ouvre le chemin. Le Conseil national de l’ordre des infirmiers doit avoir de l’audace, dans le souci permanent du bien-être de tous les infirmiers et de l’intérêt général de la santé publique. C’est en ce sens que le bureau souhaite s’enrichir de l’expérience et de l’apport d’organisations partenaires.

-    Travailler en partenariat et en toute complémentarité avec nos partenaires historiques. Ce sont d’abord toutes les associations et les syndicats qui constituent notre profession. J’ai dès le lendemain de mon élection répondu à l’invitation du Collège infirmier français qui regroupe 23 de ces organisations infirmières. Nous avons des objectifs communs, avançons ensemble. Toutes les composantes de la profession peuvent se retrouver sur des projets communs.

Enfin, parmi les partenaires historiques de l’Ordre, il y a aussi tous les ordres professionnels et particulièrement les six ordres des professions de santé dont plusieurs représentants sont présents et je les remercie sincèrement.  Nous avons tout à gagner à marcher ensemble, à travailler à l’élaboration de positions communes notamment dans le cadre de la stratégie nationale de santé. N’avons-nous pas des préoccupations communes en matière de sortie d’hôpital et de lien avec la ville  par exemple ? La pluridisciplinarité des équipes de soins et des prises en charge est une réalité.

Notre Comité de liaison inter-ordres, le CLIO santé doit refléter cette réalité et s’exprimer d’une voix commune lorsque cela est justifié. C’est un outil formidable pour cela. CLIO était la muse de l’Histoire mais aussi de la renommée et des Hauts faits des hommes, qu’elle faisait connaitre au moyen de sa trompette. Que le CLIO santé nous porte donc vers de hauts faits en 2018, c’est un vœu que je formule très sincèrement pour la nouvelle année.

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