Les données font partie de notre quotidien. Au point que certains considèrent qu’elles pourraient bientôt être l’alpha et l’oméga de notre système de santé. « Outre un suivi quasi longitudinal du patient et donc une meilleure prise en charge, lorsqu’elles sont personnelles, les données de santé présentent également l’avantage de contribuer à une meilleure organisation des lieux de soins, comme les établissements de santé ou les pharmacies, en aidant à la prescription et à la dispensation », a rappelé d’emblée la présidente de Pharma Système Qualité (PHSQ), Laëtitia Hible au cours de ce dixième colloque.
Sans oublier un intérêt évident pour la recherche scientifique, voire pour la création d’algorithmes à l’origine d’une intelligence artificielle, lorsqu’elles sont anonymisées ou pseudonymisées, à l’instar des données qui enrichiront le Health Data Hub.
« Dans cette perspective, les pharmaciens sont appelés à jouer un rôle central, puisqu’ils sont au cœur des flux de données de santé », a complété la directrice générale de PHSQ, Martine Costedoat.
Qu’elles soient directement collectées par eux, via le dossier pharmaceutique, ou bien qu’elles émanent d’autres professionnels de santé libéraux ou hospitaliers, via le DMP ou encore la messagerie sécurisée en santé (MSS), les données de santé transitent en effet la plupart du temps par l’officine pharmaceutique et interrogent donc ces professionnels de santé du premier recours quant aux règles à respecter pour les collecter et les utiliser.
Car ces données de santé, dès lors qu’elles permettent une identification des patients, devront faire l’objet d’un accord clair de leur part ; quand bien même le droit de propriété n’existerait pas pour les données de santé et que les patients ne pourraient être reconnus comme propriétaires de leurs propres données », a expliqué Hélène Guimiot Bréaud, Chef du service santé de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL).
Un point de vue que ne partage pas totalement Gérard Raymond. Convaincu que les données de santé constituent un enjeu stratégique pour les patients, le secrétaire général de l’Association française des diabétiques (AFD) et vice-président de France asso santé a clairement revendiqué « le droit pour les associations de patients d’être associées à toute réflexion sur la collecte et l’utilisation de ces données sensibles ».
D’où l’intérêt également d’un cadre structuré seul à même de permettre et de faciliter un échange entre les professionnels de santé libéraux entre eux et avec leurs homologues hospitaliers. C’est l’objectif assigné à l’agence française de la santé numérique (ASIP Santé), comme l’a rappelé sa directrice générale, Pascal Sauvage, en soulignant « l’absolue nécessité de disposer d’un cadre interopérable pour l’ensemble des systèmes d’information de santé seul à même de garantir une agrégation de ces informations qui respecte les exigences de sécurité et de confidentialité ». En clair, tout logiciel et autre système d’information devra être « DMP compatible ».
Une caractéristique indispensable pour développer l’inter-professionnalité et donc « l’échange de données entre professionnels de santé membres d’une équipe de soins, comme l’a autorisé le Législateur après consultation des Ordres professionnels », a expliqué Jacques Lucas, premier vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins.
Et le délégué général au numérique et aux systèmes d'information en santé de rappeler que « c’est cette même logique d’interopérabilité qui a contribué à la mise en place de la messagerie sécurisé de santé (MSS) avec le concours de l’ensemble des ordres afin de permettre aux professionnels de santé de partager en toute sécurité des informations sensibles, telles que les données de santé de leurs patients ».
C’est dans cette même optique qu’Antoine Prioux, titulaire de la pharmacie des loutres à Bugeat (Corrèze) a initié, avec d’autres professionnels de santé corréziens, le projet de santé P4pillon. « Inspiré du rapport Polton, sur « Les données de vie réelle, un enjeu majeur pour la qualité des soins et la régulation du système de santé », il s’inscrit dans un cadre interprofessionnel autours d’un projet de santé territorial, avec la mise en place d’un logiciel collaboratif dédié, afin de favoriser la prise en charge des patients par une équipe de soins primaires. »
Un projet en parfaite adéquation avec la démarche qualité, puisque « pour nourrir une inter-professionnalité de confiance et améliorer la prise en charge des patients, il est clef que les collectes et utilisations de données puissent se faire grâce à une organisation de la sécurité et une sécurité de l’organisation au sein de l’entreprise officinale », conclut Nicolas Fauquet, responsable opérationnel de PHSQ. A charge donc aux pharmaciens de s’engager dans cette voie d’avenir pour l’officine.