Ces généralistes qui aspirent au salariat

Par Stéphane de Vendeuvre -  Co-fondateur de Théragora

Théragora - www.theragora.fr - Année 2010

Confrontés à un exercice de plus en plus astreignant, les médecins libéraux sont de plus en plus nombreux à être tenté pour le salariat. Majoritairement attirés par les postes que propose la médecine du travail, ces praticiens montrent aussi de plus en plus un intérêt évident pour une carrière hospitalière. D’autant que les dernières évolutions législatives leur offrent des opportunités particulièrement intéressantes.

 

Insupportable ! Insoutenable ! Invivable ! Les superlatifs se succèdent pour un constat toujours identique : la médecine libérale est usante. Et donc décourageante. Synonyme de liberté pour bon nombre de praticiens, ce mode d’exercice n’a désormais plus les faveurs des jeunes médecins. Une situation tellement préoccupante que le président du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), lui même s’en était ouvert dans les colonnes du magazine de l’ordre.

A la veille de l’été, Michel Legmann signait ainsi un éditorial au titre ô combien évocateur : « La médecine libérale a-t-elle encore un avenir ? » Et le président de l’Ordre d’enfoncer le clou en déclarant : « le problème n’est pas tant celui du nombre total de médecins en activité que celui du nombre de médecins libéraux réellement en exercice ».

 

Conditions d'exercice déplorables

Une question d’autant plus préoccupante pour l’institution ordinale, que « la désaffection des jeunes médecins pour l’exercice libéral semble aller croissante ». Ainsi seuls 9 % des nouveaux inscrits au tableau de l’ordre s’installeraient en libéral. Conséquence : le nombre de médecins salariés a été multiplié par quatre. La raison ? Les généralistes libéraux supportent de moins en moins leur déficit d’image. « Ils souffrent de ne plus être la référence pour leurs patients, qui viennent de plus en plus avec leur propre liste de médicaments » explique ainsi Christine Lignier, consultante en recrutement, spécialisée dans le médical, chez Manpower.

Et ce n’est pas la reconnaissance du statut de spécialiste en médecine générale qui a changé les choses ! Au-delà du statut, la crise de la médecine libérale trouve sa source dans les conditions d’exercice déplorables. « Passé le cap des trente consultations quotidiennes, les médecins considèrent ne plus pouvoir exercer convenablement, » ajoute Christine Lignier. En clair, la course aux actes a atteint ses limites et ne peut plus satisfaire des praticiens de plus en plus souvent en situation de « burn out » (lire encadrés).

 

Nouvelles voies d’exercice à l’hôpital

Dès lors, le salariat apparaît à certains la solution idoine. « Face aux charges croissantes et aux retards de paiement, l’option du salariat apparaît clairement comme la porte de sortie idéale, » précise encore la spécialiste de Manpower. Une porte de sortie qui revêt en réalité plusieurs visages. « Outre un certain nombre de demandes pour exercer à l’hôpital, de plus en plus de praticiens libéraux souhaitent aujourd’hui s’orienter vers la médecine du travail », précise encore la spécialiste de Manpower.

Mais c’est bien l’hôpital, aujourd’hui, qui offre le plus grand nombre d’opportunités. Outre les praticiens contractuels qui choisissent d’exercer deux ou trois ans dans un établissement hospitalier, de plus en plus de libéraux franchissent le pas et intègrent la fonction publique hospitalière. Un virage professionnel d’autant plus aisé à prendre que les conditions de recrutement sont intéressantes.

 

Deux nouvelles possibilité de travailler à l’hôpital

« Pour tout médecin qui a validé un troisième cycle médical et exercé pendant deux ans au cours des cinq dernières années, le concours de praticien hospitalier (PH) est quasiment une formalité », explique Nicole Gallais-Ferrier adjointe au pôle ressources humaines de la Fédération Hospitalière de France (FHF). Pour les autres, la difficulté est à peine plus importante puisque « seule une épreuve de connaissances professionnelles s’ajoute à l’entretien oral ». Et l’intérêt est d’autant plus évident pour les libéraux que leur ancienneté est reprise au moins partiellement.

Ce mouvement pourrait d’ailleurs s’accélérer encore, en 2010, lorsque les décrets d’application de la loi hôpital, patient, santé, territoire (HPST auront été publiés. « Ce texte a en effet ouvert deux nouvelles possibilité de travailler à l’hôpital », explique Hélène Vidal-Boyer, responsable du pôle ressources humaines de la FHF. L’article 19 de la loi a ainsi modifié l’article L 6152-1 du code de la santé publique. Des lors que des postes présenteront des difficultés à être pourvus, des cliniciens contractuels pourront être recrutés. D’ici la parution du décret d’application, les postes concernés seront sans aucun doute intégrés dans les contrats d’objectifs et de moyens qui seront conclus avec les agences régionales de santé (ARS).

L’article 13 de la loi permet également aux directeurs d’établissement de recruter des « praticiens libéraux dans le cadre de missions de service public ou pour participer aux soins dans le cadre de contrats d’exercice », ajoute Hélène Boyer. Ces médecins seront rémunérés en honoraires, sur une base horaire ou forfaitaire qu’un décret d’application viendra également définir. Autant d’opportunités qui pourraient inciter de plus en plus de médecins à réorienter leur carrière vers l’hôpital.

Trois questions à… Christian Labedan, directeur de ACOMATLAS & Associés-CHL santé
Quelle est la situation du marché français de l’emploi médical ?
Le marché français de l’emploi médical est porteur car le numerus clausus a généré une réelle pénurie de médecins. Et en particulier à l’hôpital. Il faut cependant distinguer selon les types d’hôpitaux. Les CHU, par exemple cherchent généralement à retenir leurs propres équipes. Les hôpitaux généraux et les petits hôpitaux, en revanche, sont à la recherche de médecins généralistes. Ce sont d’ailleurs dans ces deux types d’établissements que bon nombre de médecins à diplômes étrangers ont trouvé des postes.
Quels sont les profils aujourd’hui recherchés
Les généralistes sont recherchés car leur formation et leur pratique leur permet d’auditer rapidement un patient. Un peu comme un interniste, toutes proportions gardées. Il est évident qu’une formation complémentaire, en particulier dans les domaines de la gériatrie, du sport ou de la nutrition, est un atout supplémentaire.
Quelles sont les perspectives d’évolution de ce marché ?
Le marché devrait être encore porteur pendant une petite dizaine d’année, le temps que la réouverture du numerus clausus produise ses effets et que les passerelles entre l’hôpital et l’exercice libéral se mettent en place. Il faut toutefois garder à l’esprit que le développement des maisons médicales peut également modifier la donne, tant du point de vue de la demande médicale que de l’offre hospitalière.

 

 

Sophie Benhaïm, médecin du travail à Paris : « Pourquoi j’ai tourné la page libérale »

 
Médecin généraliste en libéral et hospitalière pendant une dizaine d’années, j’ai renoncé à l’exercice libéral dès qu’une opportunité d’exercer convenablement mon métier s’est présentée. J’ai alors pris conscience que les horaires indécents auxquels j’étais contrainte, dès lors que je voulais gagner ma vie convenablement, étaient totalement inconciliables avec l’éducation de trois enfants. Quinze heures de pratique quotidienne, six jours sur sept, ne me laissaient plus de temps pour ma vie de famille, et me permettaient, par ailleurs, tout juste de joindre les deux bouts.

J’ai donc décidé de tourner la page du libéral et de quitter Bobigny, en Seine-Saint-Denis, pour exercer mon métier en tant que médecin du travail. Le poste que j’occupe depuis neuf ans maintenant sur Paris, m’offre un réel confort d’exercice et me permet de m’épanouir dans mon métier en touchant à la fois à la prévention, à l’enseignement et à la clinique.

J’ai par ailleurs fréquemment l’opportunité d’être en contact avec des confrères libéraux et hospitaliers qui me confortent dans mon choix car les premiers arrivent de moins en moins à s’échapper du quotidien de leurs consultations et les seconds atteignent rarement le niveau de vie que j’ai réussi à conserver en travaillant dans de meilleures conditions.

 

Colette Bejaoui, médecin libéral à Paris : « Libérale, j’aspire au salariat»

 
Installée depuis quatorze ans dans le XIXe arrondissement de Paris, je suis au bout du rouleau. Je bénéficie pourtant, au sein du cabinet de la présence et donc du soutien d’une consoeur orthophoniste et d’un confrère psychologue. J’ai également la chance d’exercer dans un quartier populaire où les patients sont agréables et gentils.

Mais je croule littéralement, aujourd’hui, sous le poids des tâches administratives. On demande de plus en plus aux médecins libéraux de compenser les réductions de postes que connaissent les caisses primaires d’assurance maladie. Or, à l’instar des logiciels de télétransmission qui fonctionnent mal, les outils sensés nous aider dans notre quotidien, nous compliquent en réalité la tâche. Sans oublier la pression croissante que les technocrates, qui gèrent le système de santé, font peser sur les praticiens libéraux.

Le décès pour surmenage de quatre confrères du XIXe arrondissement et le suicide d’un cinquième m’obligent clairement à m’interroger sur mon avenir professionnel. D’autant que, malgré un chiffre d’affaires conséquent, j’ai de plus en plus de mal à joindre les deux bouts et suis même aujourd’hui dans la quasi impossibilité de payer mes impôts. Dans l’optique d’une meilleure qualité de vie, j’aspire au salariat. Je m’interroge cependant sur les conditions d’exercice à l’hôpital.
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