Soins Coordonnés à interrogé Nassim Mekeddem étudiant en pharmacie, ancien président de l’ANEPF et ancien Vice-Président de la FAGE.

Comment ne pas être enthousiaste à l'idée d'exercer la pharmacie demain !

- Théragora le 14 janvier 2019 /FL N°

Entretien réalisé par Soins Coordonnés 

 

 

Etudiant en pharmacie, ancien président de l’ANEPF et ancien Vice-Président de la FAGE, Nassim Mekeddem  a été chargé de mission un an à la direction de l’exercice professionnel de l’Ordre des Pharmaciens.
Il est l’une des figures caractéristiques de cette génération de futurs pharmaciens qui pensent déjà l’avenir du système de santé et comptent bien participer à son organisation. Nous l’avons interrogé sur sa vision de l’avenir du métier de pharmacien d’officine.

 

 

 

 

 

Vous avez travaillé avec l’Ordre des Pharmaciens sur la thématique de la vaccination. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il est ressorti de cette mission ? Pourquoi mobiliser le pharmacien d’officine sur la vaccination ?

 

Effectivement, durant un peu moins d’un an j’ai eu la chance de pouvoir contribuer au sein de l’Ordre des Pharmaciens à l’obtention d’une nouvelle mission pour notre profession : la vaccination contre la grippe par le pharmacien d’officine ! Avant de continuer, j’aimerais profiter de cette interview pour réaffirmer le rôle capital que joue l’ordre dans la défense de notre profession et l’évolution de notre métier. Ceci en ayant toujours en ligne de mire le patient, et  les considérations de Santé Publique. J’ai trop entendu pendant une bonne partie de mes études, des critiques, des boutades à l’égard de l’Ordre, sur son utilité, son rôle, son efficacité … J’ai pu voir de mes propres yeux que tout ceci n’est en aucun cas justifié. Je ne peux d’ailleurs que saluer, la volonté de l’Ordre d’accroître et de renforcer sa proximité avec les étudiants et les jeunes pharmaciens !

Pour revenir à ma mission, ce fut une expérience enrichissante sur tous les aspects et une réelle opportunité de pouvoir continuer mon engagement pour la profession après  celui  au sein de l’ANEPF [NLDR: Association Nationale des Etudiants en Pharmacie de France].

On peut décomposer la mission dont j’avais la charge en deux parties.

  • La première fût d’abord de travailler avec les services de l’Ordre sur les différents argumentaires à construire afin de démontrer de manière objective le bien-fondé de la vaccination par le pharmacien d’officine au sein du système de santé français, ainsi que de définir la stratégie à adopter pour avoir le plus de chance que cette mesure voit le jour. Cela s’est déroulé par de nombreux échanges avec l’ensemble des acteurs de la profession favorables à cette mesure, échanges avec les représentants des autres professions de santé afin d’agir de manière interprofessionnelle, étudier les modèles des différents pays qui avaient légiféré autour de la vaccination par le pharmacien.
  • Dès que le débat parlementaire est allé en faveur d’une expérimentation de vaccination anti-grippale par le pharmacien d’officine, il a fallu réfléchir aux modalités d’application de cette expérimentation en rédigeant un cahier des charges, mais aussi en construisant un programme type de formation pour les pharmaciens et futurs pharmaciens qui seront amenés à vacciner. Ce fut le deuxième aspect de ma mission, travailler sur les compétences et connaissances à maîtriser, pour faire du pharmacien un acteur majeur dans l’augmentation de la couverture vaccinale de la population. Il a fallu aussi accompagner le déploiement de la mise en place de cette expérimentation sur les territoires, avec les étudiants, les facultés, les organismes de formation, les URPS [NDLR: Unions Régionales des Professionnels de Santé ], les ARS et CROP [NDRL : Conseil Régional de l’Ordre des Pharmaciens ] afin d’aider et accompagner les pharmaciens à franchir le pas de cette expérimentation.

Vous me demandez pourquoi mobiliser le pharmacien d’officine sur la vaccination ?  Pour répondre à cette question, il faut bien avoir en tête que depuis quelques années nous constatons une baisse flagrante de l’adhésion à la vaccination et une baisse de la couverture vaccinale.À  partir de ce constat inquiétant comment l’État peut-il agir pour inverser la tendance ?  Permettre la vaccination par le pharmacien d’officine est une des réponses à cette problématique sanitaire,  je suis convaincu que ce ne doit pas être la seule, c’est d’ailleurs pour ça qu’on ne peut que saluer l’harmonisation des compétences des infirmiers, des sages-femmes et des pharmaciens, notamment en permettant la primo-vaccination anti-grippale !

De nombreuses autres solutions restent encore à exploiter, comme permettre la vaccination antigrippale aux biologistes, aux pharmaciens hospitaliers, élargir les compétences des infirmiers en matière de vaccination, permettre la détention d’un stock de vaccins dans les cabinets de médecins, élargir l’acte vaccinal à d’autres vaccins que celui de la grippe pour les pharmaciens.

Le pharmacien d’officine possédait, déjà, tous les atouts pour devenir un maillon fort de la politique vaccinale de notre pays. Expertise concernant le vaccin, connaissances et compétences scientifiques et physiologiques adaptées, une relation de confiance avec le patient, une proximité sur tout le territoire, un accès facile et sans rendez-vous, des outils permettant un suivi des traitements du patient (dossier pharmaceutique) ou des échanges avec les médecins généralistes, notamment, par l’intermédiaire des messageries sécurisées..

Il suffit de constater le nombre de vaccinations réalisées à l’officine dans les 4 régions cette année (plus de 600 000) pour bien se rendre compte que la vaccination par le pharmacien d’officine est un véritable succès. Il faut toutefois garder la tête froide, nous ne pourrons parler de réussite que lorsque la couverture vaccinale aura sensiblement augmenté pour se satisfaire à 100%.

Mais je suis certain que d’ici quelques années, l’idée de permettre au pharmacien d’officine de vacciner, n’apparaîtra plus aux yeux de certains comme une idée ridicule …

 

“Toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence” A.  Schopenhauer

 

 

 Comment voyez-vous l’avenir du métier de pharmacien d’officine ? 

Je suis extrêmement confiant dans l’avenir ! Certains diront que je suis trop optimiste, voire naïf, que je ne suis encore qu’étudiant et que je n’ai jamais été confronté à la réalité d’exercice du métier.  C’est justement pour ça que je n’ai pas le droit de ne pas être confiant et enthousiaste. L’avenir de notre profession ne dépend pas que des personnes qui l’exercent actuellement mais aussi beaucoup de ceux qui sont amenés à l’exercer dans un futur plus ou moins proche.

Loin de moi l’idée de vouloir tomber dans un conflit de générations,  mais il est capital aujourd’hui d’arrêter les discours fatalistes et alarmistes. Pour être  clair, je ne minimise en rien les difficultés que peuvent rencontrer certains pharmaciens à l’heure actuelle et il est important d’en prendre compte dans l’évolution future de notre métier.

Mais, il est urgent de donner l’envie aux jeunes générations de faire le choix de la pharmacie et encore plus le choix de la pharmacie d’officine, surtout lorsqu’on est impuissant depuis trop longtemps face à une désaffection de plus en plus importante de la filière.  Rendez vous compte, tous les étudiants en pharmacie, dans leur cursus, mettent les pieds à l’officine et pourtant ça devient la filière la moins attractive… Il faut inverser cette tendance, surtout qu’au vue de la démographie actuelle des pharmaciens et de l’essor des nouvelles missions et services pharmaceutiques, je suis convaincu qu’on manquera de pharmacien d’officine dans quelques années. Nous devons tous nous mobiliser, que ce soit les représentants de notre profession, les maîtres de stages, les pouvoirs publics, les étudiants engagés dans cette voie.

En 10 ans, de la loi HPST à aujourd’hui, la pharmacie d’officine a déjà considérablement évolué, entre la mise en place des entretiens pharmaceutiques sur les AVK et l’Asthme notamment, l’apparition de  nouveaux modes de rémunération, l’essor de la qualité,  le renforcement de l’exercice coordonné entre professionnels de santé, la vaccination à l’officine, le bilan de médication partagé, le décret services qui ouvre de nombreuses perspectives intéressantes, l’essor de la pharmacie clinique en ambulatoire, et dernièrement la téléconsultation à l’officine… 

Comment ne pas être enthousiaste à l’idée d’exercer la pharmacie demain. D’autant plus que de nombreuses autres missions, auxquelles je suis bien évidemment favorable, seront sûrement dans un avenir proche attribuées au pharmacien d’officine : la prescription pharmaceutique protocolisée à l’image de ce qui se fait déjà au Canada et en Suisse, le renforcement du rôle de prévention du pharmacien, les consultations pharmaceutiques,  l’élargissement des vaccinations par le pharmacien, le développement du pharmacien correspondant, l’essor du numérique et de l’intelligence artificielle, la pharmacie de premiers recours, et bien d’autres missions encore.

Les rapports qui pointent l’importance du rôle du pharmacien d’officine dans notre système de santé sont déjà nombreux, mais je reste persuadé que nous n’avons pas encore exploité pleinement le potentiel de notre métier et qu’il y a  encore tant à faire et à concevoir pour répondre aux enjeux de santé publique d’aujourd’hui et de demain.

Demain, mais si on regarde bien aujourd’hui c’est déjà un peu le cas, un pharmacien d’officine aura encore plus la liberté de développer son activité pharmaceutique, en fonction de ses spécificités, ses envies, mais surtout en s’adaptant à la population qu’il reçoit dans son officine afin d’apporter le meilleur service et la meilleure réponse pharmaceutique à ses patients. 

C’est difficile de dire ce que sera le métier d’un pharmacien d’officine en 2030, ce dont je suis certain, c’est que nous ne devons pas stagner, la remise en question doit être perpétuelle, l’autocritique permanente, de toute façon si nous ne le faisons pas nous-mêmes, d’autres le feront à notre place mais ce sera pas pour renforcer notre action bien au contraire. Il faut être exigeant avec nous-même et ne pas avoir peur d’évoluer dans notre pratique, de réfléchir à de nouvelles façons d’exercer notre métier.

Churchill disait “ un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté.” Notre état d’esprit, notre façon d’aborder l’avenir de notre profession sera la clé.  L’Ubérisation, les GAFA, l’Intelligence Artificielle, et j’en passe, sont autant de défis que le pharmacien peut facilement relever. A nous de saisir de ces outils, à nous de renforcer les facettes de notre métier qui apportent une réelle plus-value par rapport à ces révolutions numériques, et l’une d’entre elles reste la relation humaine qui existe entre un patient et son pharmacien. Par exemple, en développant en renforçant notre rôle psycho-social. Aux Etats-Unis ils appellent cela le “pharmaceutical care”.

De l’Apothicaire, au pharmacien d’aujourd’hui, notre profession a su s’adapter, se développer, se réinventer au gré des différentes révolutions sociétales, industrielles et numériques, je ne doute pas qu’elle continue à le faire pendant encore de longues années !

 

La seule boussole qui doit nous guider, c’est celle de la santé et du bien-être des 4 millions de personnes qui franchissent chaque jour les portes d’une officine en France. Toute proposition d’évolution du métier de pharmacien d’officine qui va dans ce sens est souhaitable. Tout autre choix que celui de la santé et du bien-être de nos concitoyens ne sera que délétère !

Comment pouvons nous être crédibles et audibles, quand d’un côté la profession se lève à l’unisson contre les velléités et méthodes de certaines enseignes de Grandes et Moyennes Surfaces, alors que d’un autre côté,  certains de nos confrères n’hésitent pas à reproduire exactement les mêmes méthodes au sein de leurs pharmacies. Je n’appelle toutefois pas à nier la composante commerciale de l’officine. Cependant, faisons attention où nous fixons le curseur, le médicament et les produits de santé ne sont pas des produits comme les autres, la pharmacie ne doit pas être un commerce comme les autres. Nos officines doivent rester des espaces de santé avant tout, le pharmacien doit rester un professionnel de santé santé avant tout, notre principale focalisation doit rester la santé avant tout !

Il est important de ne pas négliger, l’image que renvoie notre activité. Cela passera notamment par un renforcement des démarches qualité. De plus en plus se lancent dans des démarches de certification ISO ou de labellisation, mais aussi en se formant à la qualité qui débouchent sur des pharmaciens responsables de l’amélioration continue dans les officines. Il faut aller plus loin, à l’instar de la démarche de recertification qui est en train d’être mise en place pour les médecins. Certains guettent la moindre défaillance du réseau pharmaceutique pour nous attaquer et pointer nos faiblesses. La confiance des patients nous engage à maintenir un niveau d’exigence et d’excellence important.

Pour terminer, j’aimerais insister sur un point primordial à mon sens pour l’avenir de notre profession. Je suis convaincu, que l’avenir de notre métier passe par un meilleur exercice coordonné avec les autres professions de santé. Si nous voulons tirer notre système de santé vers le haut, il faudra résoudre cette question d’une meilleure collaboration, coordination et communication  entre les différents professionnels de santé que ce soit en ville, en milieu rural mais aussi dans les relations “ville-hôpital”, afin d’améliorer la prise en charge du patient et de renforcer la notion de parcours de santé. Le pharmacien d’officine à travers l’essor de ses nouvelles missions  a un rôle primordial à jouer et je suis persuadé que notre territoire regorge d’exemples de pharmaciens qui ont su faire évoluer leur façon d’exercer en s’impliquant dans une structure interprofessionnelle, avec un effet bénéfique pour le patient. Ce sera d’ailleurs tout le sujet de la thèse que j’ai décidé de soutenir à la fin de mes études.

Je crois en la force de l’exemple, les officines de notre territoire sont pleines d’actions, d’innovations qui mériteraient d’être connues et reconnues et qui permettraient à tous de faire évoluer notre métier dans le bon sens.

Voici l’enjeu qui est le nôtre, celui d’agir pour le bien de tous et de faire en sorte que ces exemples fassent rayonner notre profession ! 

 

 

 

Quels sont selon vous les freins à l’évolution des missions du pharmacien ? Quels sont les leviers pour permettre aux pharmaciens d’officine de mobiliser pleinement leurs compétences de professionnels de santé ?

  • La formation initiale et continue

Le premier frein que je vois, le plus handicapant pour moi, c’est la formation initiale. Je ne vais surement pas me faire que des amis en disant cela, mais il faut être pragmatique et lucide. Tout n’est pas à jeter fort heureusement, mais on a encore une marge de progression énorme sur tous les aspects, que ce soit dans le schéma global de nos études, les contenus pédagogiques ou les modalités d’apprentissage.

Une responsabilité énorme pèse sur la formation initiale, afin de pouvoir former des futurs professionnels capables d’assurer correctement les activités qu’ils peuvent effectuer aujourd’hui, mais surtout pour préparer aux missions de demain en leur permettant d’être acteur de l’évolution du métier. Je ne dis pas qu’on n’arrive pas à former de bons pharmaciens d’officines, je dis juste que la formation pourrait être un atout supplémentaire au développement de nouvelles missions ce qui n’est pas totalement le cas aujourd’hui.

Alors oui une prise de conscience voit le jour, des innovations pédagogiques se développent, un lifting des programmes s’opère mais de mon point de vue, on est encore loin du compte. Et les réformes qui s’annoncent, que ce soit celle du troisième cycle, le nouvel arrêté DFASP [NDLR: Diplôme de formation approfondie en sciences pharmaceutiques ]ou la réforme de la PACES [NDLR : Première Année Commune aux Etudes de Santé] ne laissent à mon sens présager rien de bon….

La formation initiale devrait être un pari sur l’avenir, dans le sens où elle devrait être réfléchie en ayant une idée prospective de ce que sera le métier de pharmacien d’officine que nous voulons, or aujourd’hui on a l’impression qu’elle fait plus office de dette du passé qu’il faut combler pour mettre en adéquation la formation initiale avec les enjeux du métier actuel … Il faut sortir absolument de cette logique-là et amorcer un vrai changement de paradigme !

Juste un exemple pour illustrer tout cela … On parle de plus en plus de développer la pharmacie clinique à l’officine, pour renforcer la prise en charge  du patient, mais d’un autre côté on envisage de diminuer le stage de 5AHU [NDLR: 5ème année hospitalo-universitaire] . Il s’agit d’une année charnière pour acquérir et pratiquer la pharmacie clinique au contact de différents professionnels de santé et au sein des établissements où cette discipline est en plein essor !

On déplore les effets néfastes de la PACES sur l’attractivité de la filière pharmacie, et sur le bien-être des étudiants entre autre. On nous annonce une suppression du numerus clausus et de la PACES et une réforme en profondeur de l’entrée dans les études. Résultats des courses, on reconstruit une PACES qui ne dit pas son nom, où les changements sont à peine perceptibles.

Il faut aussi qu’on intègre plus encore dans notre formation, la notion de pharmacien comme étant un “sachant humaniste”, au-delà des compétences scientifiques, on doit renforcer la prise en charge de l’humain. On doit  acquérir plus de fondamentaux pédagogiques et psychologiques et cela passe par plus de Sciences Humaines et Sociales dans notre formation notamment.

Il faut aussi renforcer la recherche dans nos cursus et notamment la recherche en pharmacie, afin de pouvoir former des enseignants chercheurs pharmaciens car on en manque cruellement. Et pouvoir ainsi développer la recherche en pharmacie officine, à l’instar de ce qui se développe du côté de la médecine générale, afin de pouvoir produire de données scientifiques fondées sur des preuves engendrant une amélioration du service médical rendu au patient et aux systèmes de soins.

Un des leviers qui pourrait permettre une réforme en profondeur des études, c’est de faire sauter le tabou de l’allongement des études de pharmacien d’officine. Je peux comprendre les craintes, et les réticences qui sont exposées par certains mais sans dire qu’il faut absolument allonger nos études, posons-nous la question (comme l’ont fait les internes en médecine générale sur l’allongement de leur DES d’un an), est ce qu’aujourd’hui en 6 ans nous sommes en capacité de former des pharmaciens à même d’exercer le métier de pharmacien d’officine que nous voulons demain ?  En l’état actuel, pour moi la réponse est non ! Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut tout de suite rajouter 3 ans au cursus. Sortons du dogme de part et d’autres, et soyons ambitieux, l’avenir de notre métier mérite au moins ça. Il n’y a que comme ça que nous pourrons arriver à agencer correctement nos études, et avoir une vision prospective.

 La formation continue, ne doit pas elle aussi être oubliée, et doit être sans cesse renforcée, car elle est garante d’une profession toujours à la pointe de l’innovation et des nouvelles connaissances. Il n’y a qu’avec une formation continue organisée et coordonnée qu’on pourra faire évoluer le métier et permettre l’essor des nouvelles missions.

Pour finir sur la formation, je pense aussi qu’il ne faut pas négliger celle des préparateurs en pharmacie. L’évolution de la profession, ne pourra pas se faire sans intégrer pleinement le préparateur, son rôle et ses missions au sein de l’officine, dans la réflexion. Cela devra passer par une refonte de leur formation en conséquence, pour répondre aux enjeux de demain et permettre d’assister le pharmacien dans le déploiement de nouvelles missions à l’officine.

  •  

  • L’environnement économique

Le deuxième frein que je vois à l’évolution des missions est économique.  Je ne vais pas revenir sur les difficultés économiques pointées par tous au niveau des officines. Même s’il faut en prendre compte dans la nécessité de construire un nouveau modèle économique, ce qui doit motiver la transformation du modèle économique actuel, c’est la volonté de reconnaître les compétences du pharmacien, en lui octroyant de nouvelles missions pour répondre aux besoins de la population en matière de santé.  Afin de préserver notre image de professionnel de santé et garder la confiance de la population, il nous faut définir une économie de l’officine vertueuse et déontologique. Elle doit refléter le plus possible notre rôle de professionnel de santé, permettre de sortir d’une rémunération reposant exclusivement sur la marge à la boîte et du volume de vente qui en venait parfois à compromettre l’indépendance d’exercice du métier de pharmacien. 

La mutation du métier de pharmacien d’officine nécessite un réel investissement des pouvoirs publics, ainsi que le développement de nouveaux modes de rémunération qui restent à inventer, afin de bâtir un modèle économique pérenne.

La possibilité pour le pharmacien de facturer des services, la rémunération d’entretiens pharmaceutiques, les honoraires de dispensations, les ROSP sont des pistes qui vont dans le bon sens, mais qui restent à approfondir. Il faut collectivement réfléchir à de nouvelles innovations en matière de rémunération pour les nouveaux services, en sortant du cadre purement conventionnel. Il ne faut pas mettre autour de la table uniquement les syndicats, et l’Assurance Maladie, mais concerter entre autres les étudiants, les groupements, les associations des usagers et les organismes de complémentaires.

En effet, les modalités de rémunérations, qui ne dépendent pas que de la sécurité sociale peuvent être une solution. Sans rogner sur l’accès à la santé de la population, il faut réfléchir avec les principaux concernés, les usagers, à la possibilité que certaines missions ou services puissent être pris en charge par les organismes de complémentaires ou par l’usager directement.

ll nous faut réfléchir collectivement à définir, pour chaque nouvelle mission, nouveau service, une nomenclature de tarification, avec un prix à définir et des modalités de facturation à fixer (au temps, à l’acte, un forfait, prix libre…).  Pourquoi ne pas  travailler sur une  Classification Commune des Actes Pharmaceutiques à l’instar de ce qui se fait pour les actes médicaux,  qui pourrait répertorier l’ensemble des missions et services que le pharmacien peut appliquer au sein d’une officine et le mode de rémunération qu’il peut appliquer .

Une des principales difficultés à définir, sera surtout de déterminer un tarif pour chacune des missions existantes ou à venir. Tout simplement car nous n’avons pas assez de recul sur une telle démarche. C’est pour cela qu’il conviendra toujours d’être cohérent afin d’appliquer une rémunération qui soit proportionnelle à l’apport du service en matière de santé publique.  Il est important aussi de faire prendre conscience, qu’il n’y a qu’en ayant des données statistiques, en multipliant des études justifiant l’efficacité des nouvelles missions réalisées par le pharmacien d’officine, que nous pourrons obtenir une valorisation ou une revalorisation financières de celles-ci par les pouvoirs publics.

Prenons exemple de certains modèles internationaux, comme celui de la Suisse, de l’Australie ou encore des Etats-Unis qui sont les plus avancés en matière de rémunération. La FIP a d’ailleurs récemment publié, les résultats d’une enquête qui dresse le tableau de ces différents modes de rémunérations intéressants et enrichissants.

D’un point de vue de l’économie de l’officine, il ne faut pas négliger les modes de rémunérations liés à une activité coordonnée avec les autres professionnels de santé. Avec l’émergence de parcours de santé, l’essor des structures d’exercices interprofessionnels (CPTS, MSP, ESP), la volonté de renforcer la collaboration entre les différents métiers de la santé, mais aussi l’ambulatoire et l’hospitalier, il est important de réfléchir à comment valoriser financièrement l’action du pharmacien. Des pistes ont été évoquées notamment avec l’ACI et l’ACIP mais il faut accroître les rémunérations associées afin de pouvoir contribuer à l’amélioration de la prise en charge des patients de manière pluriprofessionnelle.

Pour terminer sur l’économie de l’officine, je pense que nous avons un réel travail de sensibilisation et de pédagogie à faire autour des nouvelles rémunérations qui voient et qui verront le jour. Il faut que l’usager soit conscient de l’importance de transformer le modèle économique de l’officine, qu’il la comprenne mais aussi qu’il l’accepte. Convaincre le patient par exemple du bien-fondé d’un honoraire de dispensation, de l’importance de l’acte pharmaceutique lors de la dispensation d’une ordonnance cela permettra au grand public de mieux comprendre les nouvelles missions et services qui se développent en pharmacie et de les impliquer indirectement dans cette évolution du métier

 

  • Le corporatisme

Enfin pour terminer, je ne pouvais pas ne pas évoquer le corporatisme malsain, que certains responsables de syndicats de professionnels de santé n’hésitent pas à ressortir dès que des évolutions du métier de pharmacien sont évoquées. Loin de moi l’idée de jeter la pierre aux autres, soyons honnêtes notre profession n’est pas en reste aussi.

Je trouve ça aberrant qu’à l’heure où chacun se targue de vouloir développer une meilleure prise en charge du patient à travers un exercice interprofessionnel, à l’heure où nous avons à notre disposition tous les outils pour faciliter une meilleure communication entre professionnels de santé, où nous travaillons de plus en plus en logique de parcours de soins que certains aiment à critiquer de manière virulente les évolutions d’autres professionnels de santé.

Ce type de comportement est délétère pour tout le monde, pour l’image des professionnels de santé, pour le système de santé qu’on prive d’amélioration nécessaire et surtout pour le patient à qui on donne une image négative et à qui on empêche une prise en charge optimale. 

Il suffit de regarder en ce qui concerne l’évolution de notre métier. Ce corporatisme latent, a été un frein non négligeable sur le dossier de la vaccination à l’officine ou encore sur la prescription pharmaceutique protocolisée.  J’ai été d’ailleurs particulièrement choqué par certains syndicats de médecins ou d’infirmiers qui voyaient dans ces missions, une menace pour la santé des usagers du système de santé …

En plus des considérations purement politiques et électorales, qui animent certains syndicats coutumiers de ce genre d’attaque, cela traduit surtout un manque de connaissance cruel du métier de pharmacien d’officine.  Que tous ces réfractaires au changement, passent les portes d’une officine, qu’ils viennent passer quelques jours en pharmacie  !

Il faut savoir raison garder, la défense des intérêts corporatistes n’a pas sa place lorsqu’il s’agit d’améliorer notre système de santé. Nous appartenons tous à la même équipe, celle des professionnels de santé, notre objectif est le même, nous avons des compétences et des connaissances communes qui se recoupent et des spécificités liées à nos professions propres.

Pour remédier à ça, comme je l’ai déjà dit, il faut renforcer l’interprofessionnalité dès la formation initiale à travers des cours et des stages en commun.  Sur le terrain, la solution réside dans le dialogue avec les autres professionnels de santé. Il est nécessaire de présenter l’activité pharmaceutique menée au sein de l’officine, de manifester la volonté de travailler en collaboration avec eux, de comprendre aussi comment travaillent les autres professionnels de santé, de définir ensemble une méthodologie de travail adaptée aux besoins du territoire. Il n’y a que comme cela que nous pourrons développer une activité de soins mieux coordonnée.

 

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