« Sans bonne ambiance, aucun esprit d’équipe ne saurait exister au travail ». En ouvrant le treizième colloque annuel de Pharma système Qualité (PHSQ), la présidente de l’association, Laëtitia Hénin, a tenu d’emblée à rappeler que management et recrutement étaient intrinsèquement liés. D’où les deux tables rondes de cette matinée : « les attentes de l'équipe officinale » et « Les règles à respecter pour bien recruter et bien manager ».
Deux tables rondes qui ont successivement permis de recueillir, avec l’aide des représentants de chacune des composantes de l’équipe officinale (pharmacien adjoint, préparateur et titulaire), les besoins du terrain puis de dégager, avec des spécialistes du management et du système de santé, les grands principes d’un bon management et d’une politique efficace de recrutement. Car plus de 10 % des 120 000 postes proposés dans les quelque 20000 officines ne seraient pas pourvus aujourd’hui.
Lors de la première table ronde, Pierre-Edouard Poiré, titulaire dans le Val d’Oise, a rappelé l’importance de la démarche qualité dans une démarche managériale efficace et l’influence de celle-ci sur le bien-être de l’équipe officinale ». Deux axes que Théo Boisier, jeune pharmacien récemment diplômé, avait mis en exergue dans sa thèse : « officine et bien-être au travail ».
Un management qui doit contribuer à la reconnaissance du travail accompli par chacun des membres de l’équipe. Or, a déploré Patrick Beguin, président de l'ANPPO (association nationale des préparateurs en pharmacie d’officine), « les préparateurs sont trop souvent ignorés par les pharmaciens et semblent transparents dans les officines ». Et de rappeler que cette « invisibilité » faisait peut être écho à celle des pouvoirs publics qui, pendant la pandémie de la Covid, ont refusé de leur attribuer des masques et leur ont dénié le statut de professionnel de santé.
Outre cette équipe officinale à deux vitesses, le président du CPAOF (collectif des pharmaciens adjoints d’officine), Benjamin Moutel, a regretté que les titulaires peinent à s’inspirer de ce qui se passe dans d’autres secteurs professionnels ». Et ce pharmacien volant qui exerce dans plusieurs officines de Loire-Atlantique d’expliquer : « vivre en vase clos n’incite pas les pharmaciens titulaires à mettre en place des règles d’organisation du travail propices au bien-être des salariés ».
Au cours de la seconde table ronde, Marie-Hélène Gauthey, fondatrice de l’organisme de formation Atoopharm, a rappelé qu’« un bon management passe par le respect de cinq leviers fondamentaux » :la nécessité pour les salariés de se sentir utiles, la mise en place de bonnes conditions de travail, le besoin d’être reconnu et considéré, l’instauration d’un cadre de travail agréable et l’obligation de respecter la législation sociale en payant les salaires à dates fixes, en réglant les primes de blouse ou encore en faisant preuve de transparence lors des recrutement. Des règles élémentaires « sources d’un juste équilibre entre bienveillance et exigence ».
Des règles que tout chef d’entreprise devrait avoir à l’esprit. Mais le problème, selon le professeur Makram Chemangui, enseignant à l’école de commerce Audencia et responsable d’un programme de formation dédié aux pharmaciens, est que « les officinaux ne sont pas préparés à assumer leur statut de chef d’entreprise car leur enseignement est exclusivement orienté sur la pharmacologie, leur cœur de métier ». Résultat : « A la différence d’autres professions réglementées, ils n’ont pas conscience de la nécessité de rendre leur entreprise attractive ».
C’est d’ailleurs cette difficulté à endosser le statut de chef d’orchestre qui a conduit un peu plus de 5 % des membres de l’équipe officinale, et en particulier les préparateurs, à contacter l’association SPS (soins aux professionnels de la santé). Sa déléguée régionale, Marthe Grob-Maurice, a rappelé à cette occasion que l’enquête menée en 2020 par SPS pour le compte de l’ANPPO avait démontré l’intérêt des outils proposés par l’association : journée de formation, fiches sur le management… Sans oublier la plate-forme d’écoute 24h/24h.
Une situation préoccupante, dont « sont conscients les pouvoirs publics », comme l’a rappelé Jean-Philippe Naboulet, pharmacien-inspecteur. Une situation qui incite cet enseignant à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) à encourager les officinaux à « voir les inspecteurs davantage comme des partenaires que comme des censeurs de l’exercice officinal ; quand bien même ceux-ci seraient appelés à corriger et sanctionner d’éventuelles déviances ».
Et il y a urgence, puisque selon le cabinet Kyu, les métiers de la santé ont perdu de leur attractivité. « D’après les chiffres du ministère du Travail », a expliqué Antoine Voyer analyste chez Kyu, « sur une échelle de 1 à 5, les métiers du secteur de la santé sont classés 5 ». soit un niveau de tension près de deux fois supérieur à la moyenne nationale. Un pic aurait même été atteint en 2021 ; avec un niveau de tension plus fort de 1,5 fois que dans l’ensemble des autres secteurs. Et parmi les métiers contribuant le plus aux tensions celui de préparateur est l’un des plus important… Aux pharmaciens titulaires d’en tirer les bonnes conclusions.