La population médicale française vieillit. Et en particulier les médecins généralistes qui, pour un quart d’entre eux ont plus de 60 ans. Nombre de praticiens devraient donc partir prochainement à la retraite, avec à la clé une accentuation des inégalités entre régions sous denses (Creuse, Lozère, Aveyron…) et régions sur denses (Bourgogne Franche-Comté, Bretagne, Corse…).
Une situation inquiétante pour l’ensemble des acteurs de la chaîne de soins et plus particulièrement ceux du premier recours… et donc des pharmaciens dont quelque 70 % du chiffre d’affaires dépendent encore des prescriptions médicales. Pour autant, des solutions sont aujourd’hui à la disposition des officinaux pour surmonter cette problématique.
En particulier la certification qui, « en instaurant des process, en mettant à disposition des outils et en contribuant à généraliser les bonnes pratiques de dispensation afin d’améliorer l’efficacité et la sécurité, doit contribuer à faire de la pharmacie le premier lieu de santé de proximité », explique Nicolas Fauquet, pharmacien au sein de Pharma Système Qualité (PHSQ). Et les quelques 800 audits réalisés en 2016 suffisent à démontrer l’intérêt porté à cette démarche par la profession dont 11 % des pharmacies – soit 2 335 officines - sont désormais certifiées, ajoute Martine Costedoat, directrice générale de PhSQ.
« A l’heure où la profession est en cours de mutation, et à l’instar de ce qui se passent dans bon nombre d’autres pays (Suisse, Belgique, Royaume-Uni…), le pharmacien d’officine est appelé à jouer un rôle de premier plan dans la promotion de la santé, dans la prise en charge des patients souffrant de maladies aigües et de pathologies chroniques la démarche de certification apparaitrait donc comme un atout incontestable », explique Dominique Jordan, président du conseil d’administration du département pratiques pharmaceutiques au sein de la Fédération international de la pharmacie (FIP).
Un point de vue partagé par Gérard Raymond, président de la Fédération française des diabétiques, qui « pose toutefois comme préalable la nécessité pour l’ensemble des professionnels de santé d’un territoire de réfléchir ensemble et avec les patients concernés aux moyens à mettre en œuvre pour faciliter leur accessibilité aux soins et améliorer la prise en charge et l’accompagnement des patients chroniques dans le cadre de la démocratie sanitaire ». Une évolution qui nécessitera de faire évoluer les modes de rémunération.
Selon Marie-Christine Gros-Favrot, cancérologue et porte-parole de France Dépendance, cette évolution devra même « s’inscrire dans un cadre plus large qui est celui de notre système de santé avec une vision moins hospitalo-centrée et un développement de la prise en charge ambulatoire par les professionnels libéraux au premier rang desquels figurent les pharmaciens ». D’où l’intérêt de mettre en place des négociations conventionnelles interprofessionnelles avec l’Assurance maladie.
C’est cette même philosophie qui gouverne l’action de l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle Aquitaine, qui « a organisé un cycle de réunions pour sensibiliser les 2 220 officinaux du territoire à l’inter-professionnalité et à la démarche qualité afin de développer des expérimentations qui s’inscriraient dans l’évolution du métier de pharmacien » explique Marie-Pierre Sanchez-Largeois, inspecteur de santé publique.
Des coopérations qui trouvent leur traduction dans des équipes de soins primaires voire dans des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), à l’instar de ce qui a été mis en place à Bécon-les-Granits, dans la grande banlieue d’Angers, où Vincent Nadeau a transféré son officine dans la MSP. Il a ainsi pu développer des « coopérations interprofessionnelles avec les médecins et les paramédicaux au sein d’une SISA qui après avoir été financé par l’ARS via le fond d’intervention régional (FIR), bénéficie d’un financement de l’assurance maladie dans la cadre du règlement arbitral de la sécurité sociale ».
Une évolution naturelle selon Alain Delgutte, président du Conseil central A de l’Ordre des pharmaciens, puisque « face aux contraintes économiques qui pèsent sur le médicament, le réseau doit se réinventer et se spécialiser ». Et cette évolution du métier d’officinal devra s’inscrire dans une logique de complémentarité avec les autres professionnels de santé, à l’instar de la vaccination. « Encore faudrait-il que des véhicules juridiques adaptés voient le jour », précise Maître Jean-Louis Briot, avocat associé inscrit au barreau de Lyon, qui considère « les associations de MSP et les SISA comme des outils inadaptés à la réalité juridique». A charge donc pour le Législateur d’inventer les sociétés pluri-professionnelles d’exercice.