Les hôpitaux souffrent de l’attrait de la médecine de ville, bien plus rémunératrice... "Dans les conditions actuelles, la fuite des médecins vers le secteur privé est inéluctable » alerte Thierry Philip président de l’Institut Curie dans une tribune au « Monde ».

La fuite des médecins vers le privé

Par Rédaction -  Théragora

Théragora - www.theragora.fr - Théragora le 21 novembre 2018/FL N° 15 - Page 0 - crédits iconographique Institut Curie/Frantz Lecarpentier

Tribune de Thierry Philip, Président du directoire de l’Institut Curie et de l’Organisation des instituts européens du cancer, parue dans le Monde du 21 novembre 2018

 

Le sentiment de crise qui touche l’hôpital public et le secteur hospitalier à but non lucratif (établissements de santé privés d’intérêt collectif ou ESPIC) a été encore aggravé récemment par la décision de faire payer l’hôpital… pour les dépassements d’honoraires de la médecine de ville (même si les députés s’y opposent). La responsabilité de la crise est généralement attribuée à la tarification à l’activité – qui a pourtant permis au secteur public de reprendre des parts de marché – et à la notion d’« hôpital entreprise » – comme si le mot « entreprise à but non lucratif » était tabou, alors qu’il est en phase avec les recommandations du Conseil national de la Résistance, dont nous sommes les héritiers. On ajoute souvent à cette liste la création des « pôles de santé », alors que des structures de ce type existent pourtant dans le monde entier.

Tout cela évite d’aborder le problème majeur de notre système. La Sécurité sociale, financée par nos cotisations, accepte à travers le paiement à l’acte et les dépassements d’honoraires que les médecins libéraux du secteur privé soient mieux rémunérés que les médecins salariés pour faire le même métier, avec les mêmes outils et sans les contraintes de l’enseignement, de la recherche et des gardes… Dans ces conditions, la fuite des médecins vers le secteur privé est inéluctable et toute réforme de la filière non lucrative est vouée à l’échec. Le président de la République se doit d’ouvrir le seul chapitre de réforme qui peut sauver nos hôpitaux publics.

 

Reconnaître l’excellence

Paradoxalement, la crise a désormais atteint le fleuron de nos hôpitaux, les centres hospitaliers universitaires (CHU). D’une part, le titre de « professeur » ne suffit plus à attirer les jeunes praticiens ; d’autre part, les professeurs nommés fuient en nombre vers le secteur privé, sans recherche et sans enseignement, où l’on peut vivre financièrement beaucoup mieux, sans gardes, en faisant du « programmé ». Il faut rappeler qu’à l’exception de quelques mandarins pour qui il suffirait d’appliquer la loi, l’activité privée dans les CHU ne paye que la retraite des praticiens sur leur salaire hospitalier, et qu’il n’y a pas de privé dans les centres de lutte contre le cancer.

 

« La réflexion sur les salaires est un préalable à toutes les réformes »

La réflexion sur les salaires est un préalable à toutes les réformes. A Cambridge, Amsterdam, Oslo et dans beaucoup d’autres pays européens, coexistent des structures juridiques différentes, équivalentes de nos hôpitaux publics ou privés à but non lucratif, au sein d’hôpitaux généraux, dont beaucoup sont très innovants.

Jamais un de ces hôpitaux n’a seul le titre d’hôpital universitaire ; partout, l’université est indépendante et labellise les hôpitaux en fonction d’abord des intérêts des étudiants, puis de la qualité de la recherche et des programmes capables d’accueillir thésards et post-docs. Aucune de ces accréditations n’est définitive ; elle est remise en cause à intervalle régulier en fonction des intérêts d’une université toujours indépendante des sites hospitaliers. Dans ces hôpitaux, les salaires sont élevés, sans comparaison avec les nôtres, et les meilleurs établissements, évalués régulièrement, ont les meilleurs salaires. L’enjeu est la reconnaissance de l’excellence. Il y a pour cela urgence à définir de façon objective la qualité des hôpitaux, en admettant que tous ne sont pas égaux, et à égaliser les salaires entre nos deux systèmes, hospitalier et libéral. Evaluer la qualité et la rémunérer équitablement quel que soit l’endroit où elle se pratique est la façon moderne de faire évaluer l’ordonnance Debré de 1958, qui a créé les CHU. Si on veut réformer, il faut s’attaquer aux vrais problèmes, pas à des boucs émissaires. Aujourd’hui, la qualité n’est plus reconnue et n’est plus rémunérée à l’hôpital. Si on ne règle pas ces deux points, on n’a aucune chance d’arriver à réformer l’hôpital.

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