Recherche médicale

L’Inserm met le cap sur la recherche 2.0

Par Alain Perez -  Journaliste

Théragora - www.theragora.fr - Théragora le 21 janvier 2019 N° 17 - Page 0 - crédits iconographique Inserm

Avec un budget total proche du milliard d’euros et plus de 13 000 collaborateurs, l’Institut national de la recherche médicale (Inserm) figure dans le peloton de tête de la recherche académique dans les sciences du vivant. Gilles Bloch, son nouveau PDG, souhaite mettre « la science au service de la santé » dans un contexte international « extrêmement concurrentiel ».

 

 

 

«Nous vivons une accélération historique dans la production de connaissances scientifiques». Gilles Bloch, le nouveau PDG de l’Inserm qui vient de prendre ses fonctions a du pain sur la planche. Comme tous les organismes de recherche spécialisés dans les sciences de la vie, l’Inserm est confronté à deux défis majeurs: déchiffrer l’hypercomplexité apparemment infinie du métabolisme cellulaire et mettre en place une organisation assurant une compréhension intégrative de ces phénomènes. «Nous devons sortir d’une approche réductionniste qui ne fonctionne plus » résume le médecin-polytechnicien, ancien du CEA et spécialiste de l’imagerie médicale. En fait, il s’agit de donner du sens au « tsunami de données» qui inonde la discipline. «La recherche médicale doit s’orienter vers une description de plus en plus probabiliste du vivant» estime Gilles Bloch. 

Cette nouvelle approche réclame de gros moyens, des instruments de plus en plus lourds et des biologistes …de type 2.0. Les nouveaux venus dans la maison Inserm devront donc être des biologistes férus de mathématiques et de statistiques. Objectif : savoir détecter une tendance significative ou une piste thérapeutique prometteuse dans un océan de big datas. Il faudra aussi maitriser de nouvelles technologies (comme l’intelligence artificielle) et construire des équipes multidisciplinaires. 

C’est à ce prix que l’Inserm peut compter rester dans le top 10 des instituts de recherche spécialisés dans le vivant. Selon le bilan de la revue Nature (Nature Index) qui fait autorité, l’institution française pointe actuellement au quatrième rang mondial dans le classement des organisations gouvernementales dans le domaine des sciences du vivant*.

 

 

 

 

Destination cerveau

Le nouveau PDG a fixé deux thèmes prioritaires pour les années à venir : les sciences cognitives et l’impact de l’environnement sur la santé humaine. Sur le premier sujet, l’Inserm aura fort à faire. L’étude du cerveau et de la cognition sont  au programme de pratiquement tous les instituts de recherche académique dans le monde. 

Le plus connu et le mieux doté de ces projets est la « Brain Initiative » lancée aux Etats-Unis par les National Health Institutes (NIH). « A l’horizon 2025, nous voulons comprendre comment fonctionne le réseau des 86 milliards de neurones qui composent un cerveau humain » estimait récemment le directeur des NIH Francis Collins. Ce programme pluriannuel, désormais approuvé par le congrès américain, associe une dizaine d’instituts thématiques parmi les 27 centres des NIH. Il devrait bénéficier d’un financement fédéral annuel sensiblement équivalent au budget total de l’Inserm (environ 1 milliard de dollars). La seconde priorité de l’Inserm est à peine plus simple : répertorier les facteurs environnementaux qui altèrent la santé. Objectif: sortir définitivement «du tout génétique » qui a longtemps régné dans le milieu médical grâce à un dogme écrit dans tous les anciens manuels de biologie : « un gène code pour une protéine qui est responsable d’une maladie ». 

En fait, on sait aujourd’hui que plus de 40% des cancers sont liés à des comportements (tabac, alcool..) ou à l’exposition à des substances cancérogènes plus ou moins identifiées. Le rôle de cet "exposome" individuel est actuellement un des grands enjeux de la santé publique. De même, la flore intestinale (le microbiote) est probablement à l’origine (au moins partiellement) du développement de maladies chroniques chez certains patients. «L’organisme est un écosystème en soi. Seule une approche à la fois transversale et systémique nous permettra de comprendre les variabilités individuelles face aux produits chimiques et polluants présents dans notre environnement » estime Gilles Bloch. .

La sensibilité d'un organisme aux agressions extérieures est en fait liée à trois paramètres. D'abord le  patrimoine génétique hérité des parents. Ensuite l'exposome personnel c'est-à-dire tous les produits présents dans son envrionnement  (polluants chimiques, radiations). Enfin les facteurs comportementaux dépendant du mode de vie (sédentarité) ou aux habitudes alimentaires (consommation excessive de graisses ou de sucres). La plupart des grands fléaux sanitaires (y compris certaines maladies infectieuses) seraient donc liés à des facteurs innés (les mutations génétiques héréditaires) ou acquis (les mutations aléatoires du génome se produisant au cours de la vie). Cette répartition entre génétique et épigéntique 

Le programme de recherche PACIFIC qui vient d'être lancé dans le domaine de l'insuffisance cardiaque correspond bien à cette médecine 2.0 qui se met en place. Ce programme qui regroupe une douzaine de partenaires dont l'Inserm*** vise  à détecter les sensibilités individuelles faca à une forme de l'insuffisance cardiaque (ICFEP). Il s'agit en fait d'identifier le plus tôt possible les patients qui risquant de développer une maladie très invalidante et pour laquelle peu de traitements sont actuellement disponibles. . "Notre objectif est d'méio

Parmi les autres préoccupations du nouveau PDG figurent également la recherche psychiatrique « largement sous-financée en France », le développement des infrastructures car « la bonne science réclame de grands équipements », l’antibiorésistance (un plan sera lancé prochainement), l’exploitation des données de santé disponibles, les maladies rares, l’intégrité scientifique, la lutte contre les « fausses  croyances » et le développement de modèles prédictifs permettant de prévoir l’évolution des maladies.

 

Nouveaux financements

Reste à trouver les financements pour mener à bien cette opération de « médicalisation de l’Inserm », dans un contexte où l’argent public est rare et précieux. Le budget 2017  (957 MEuros) a été financé à hauteur de 65% par une dotation d’état (627 M€) et à 35% par des financements extérieurs (essentiellement sous forme de contrats de recherche).  Maintenant qu’il a retrouvé sa double tutelle (ministères de la santé et de la recherche)**, Gilles Bloch vise avant tout l’augmentation des « financements complémentaires » pour assurer la croissance de l’institut. 

La dotation de l’état étant pratiquement figée, plusieurs payeurs potentiels sont dans le viseur de l’ancien directeur général de la recherche et de l’innovation au ministère de la recherche (du temps de Valérie Pécresse) : la sécurité sociale et les mutuelles en principe concernées au premier chef par l’amélioration de la santé publique, les fondations de recherche (malgré une collecte en chute libre en 2018) et enfin l’éternelle valorisation, c’est-à-dire le transfert vers les grands industriels de la santé sous forme de cession de licences ou de partenariats. « La recherche est un milieu ultracompétitif. L’Inserm est un gros vaisseau qui se doit d’être très agile » résume Gilles Bloch. 

 

*Le classement annuel de la revue Nature prend en compte les publications des chercheurs dans 88 revues internationales possédant un comité de lecture indépendant www.natureindex.com 

** Sous la présidence d’Yves Lévy, époux du ministre de la santé Agnès Buzyn, la tutelle de l’Inserm a été transférée temporairement au Premier ministre.

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