Ana Rath, Inserm - US14 Plateforme d’information et de services pour les maladies rares et les médicaments orphelins

Maladies rares : plus de 300 millions de patients dans le monde

- Théragora le 17 janvier 2020 N° 29 - Page 0

Les maladies rares constituent un fléau qui touche toutes les populations, dans toutes les régions du monde. Jusqu’à présent, estimer leur prévalence s’était néanmoins avéré difficile, faute de données. Créée et coordonnée par l’Inserm, la base de connaissances Orphanet, qui contient le plus grand nombre de données épidémiologiques sur ces pathologies provenant des publications scientifiques, a permis d’obtenir une estimation au niveau mondial. Sous la coordination d’Ana Rath, directrice de l’US14 de l’Inserm, ces données ont montré que plus de 300 millions de personnes vivent aujourd’hui avec une maladie rare dans le monde. L’étude, publiée dans le European Journal of Human Genetics, est la première à analyser de manière aussi précise les chiffres disponibles sur les maladies rares.

 

Sclérodermie systémique, polyglobulie de Vaquez ou encore syndrome de Marfan... Toutes ces pathologies aux noms obscurs, encore peu connues du grand public, et très différentes dans leurs manifestations cliniques, ont un point commun : ce sont des maladies rares. Selon la définition européenne, elles ne touchent pas plus de 5 personnes sur 10 000.

Peu étudiées par la communauté scientifique, mal prises en charges par les personnels de santé, bénéficiant rarement de traitements adaptés, les milliers de maladies rares qui ont été identifiées au fil des années sont source de grandes souffrances pour de nombreux patients et leurs familles, partout dans le monde.

Un nombre restreint d’études épidémiologiques ayant été publiées à ce jour sur le sujet, et ne comptant que rarement sur des registres en population générale, il était toutefois difficile d’établir leur prévalence exacte.

De tels chiffres seraient pourtant nécessaires pour définir les priorités en matière de politiques de santé et de recherche, connaître le poids sociétal de ces maladies, adapter la prise en charge des patients, et de manière plus générale, promouvoir une vraie politique de santé publique sur les maladies rares. « Les maladies rares étant méconnues, on pourrait penser que les malades sont rares. Or ils constituent, dans leur ensemble, une grande proportion de la population. Même si les maladies sont individuelles et particulières, elles partagent toutes la rareté, et les conséquences qui en découlent », souligne Ana Rath, de l’unité Inserm US14 (Plateforme d’Information et de services pour les maladies Rares et les médicaments orphelins).

Sous sa direction, Stéphanie Nguengang (Inserm US14), la première auteur de l’étude, et ses collègues, se sont appuyés sur la base de données Orphanet pour apporter un éclairage sur la question.

 

4 % de la population mondiale

Créé en 1997 par l’Inserm, Orphanet s’est progressivement transformé en un Consortium de 40 pays, principalement situés en Europe. Tous ces partenaires travaillent de concert afin de mettre en commun, au sein d’Orphanet, les données issues de la littérature scientifique dont ils disposent sur les maladies rares. Orphanet s’est ainsi imposée comme la ressource la plus complète sur le sujet, comportant de nombreuses informations qui permettent une meilleure compréhension de ces pathologies.

Dans leur étude, l’équipe d’Ana Rath a étudié les données disponibles sur la prévalence ponctuelle de 3.585 maladies rares (c’est-à-dire le nombre de personnes qui en sont atteintes à un moment donné). Les cancers rares, ainsi que les pathologies rares causées par des infections, ou par des empoisonnements, ont été exclus de leur analyse.

Après avoir harmonisé les données provenant de la littérature selon une méthodologie prédéfinie, pour ensuite additionner toutes les prévalences ponctuelles des différentes maladies référencées dans la base de données, ils sont parvenus à estimer qu’à tout moment, 3,5 à 5,9 % de la population mondiale souffre de ces pathologies. Ceci correspond à environ 300 millions de personnes, soit 4 % de la population mondiale.

Prises collectivement, les maladies « rares » ne sont donc pas si rares. La mise en place de véritables politiques de santé publique à l’échelle mondiale et au niveau des pays serait donc justifiée, d’après les auteurs. Cette politique est une réalité en France, où le 3ème Plan National Maladies Rares a débuté il y a un an. « Nos données constituent vraisemblablement une estimation basse de la réalité. La plupart des maladies rares ne sont pas traçables dans les systèmes de santé et il n’y a pas de registres nationaux dans la plupart des pays. Rendre visibles les malades dans le système de santé en y implémentant le moyen de noter leurs diagnostics précis permettra à l’avenir non seulement de réviser nos estimations, mais plus fondamentalement de mieux adapter les politiques d’accompagnement et de prise en charge », précise Ana Rath.

D’autres constats ont pu être établis au cours de ces travaux. Les chercheurs ont notamment montré que sur les plus de 6000 maladies définies dans Orphanet, 72 % d’entre elles sont d’origine génétique, et 70 % débutent dès l’enfance. Par ailleurs, parmi les pathologies analysées dans l’étude, 149 sont responsables à elles seules de 80 % des cas de maladies rares répertoriées dans le monde.

Les recherches devraient désormais s’orienter sur la collecte et l’analyse des données disponibles sur les maladies rares qui avaient été exclues de cette étude. Cancers et autres pathologies rares causées par des agents infectieux, ou encore associées à des facteurs environnementaux, feront ainsi l’objet de nouvelles analyses. Avec toujours la même priorité pour les chercheurs : étendre le champ de la connaissance sur les maladies rares pour mieux prendre en charge les patients, et s’assurer que plus personne ne soit laissé pour compte.

 

 


Sources

Estimating cumulative point prevalence of rare diseases: analysis of the Orphanet database

Stéphanie Nguengang Wakap1, Deborah M. Lambert2, Annie Olry1, Charlotte Rodwell1 , Charlotte Gueydan1, Valérie Lanneau1, Daniel Murphy2, Yann Le Cam3, Ana Rath1

1 Inserm, US14-Orphanet, Paris, France

2 Orphanet Ireland, National Rare Diseases Office, Mater Misericordiae University Hospital, Dublin, Ireland

3 Eurordis - Rare Diseases Europe, Plateforme Maladies Rares, Paris, France

 

European Journal of Genetics DOI : https://doi.org/10.1038/s41431-019-0508-0


 

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