Natacha Espié, psychologue et présidente de l'association Europa Donna prône une nécessaire information sur le dépistage et la distinction avec la prévention.

Cancers du sein, promouvoir le dépistage

Par Rédaction -  Théragora

Théragora - www.theragora.fr - Année 2017 - Théragora juin 2017 N° 1 - Page 0 - crédits iconographique Phovoir

La tendance est à la promotion du dépistage du cancer du sein. Mais les femmes, qu’en pensent-elles ? Comment réagissent celles dont la santé, la vie se trouvent ainsi objet de débats ? Dès lors qu’elles se trouvent confrontées à la maladie, dans leur propre corps ou à travers un proche, controverses et idéologies n’ont pas cours. Pour mener le combat qui leur appartient, elles n’ont besoin que d’une chose : une information éclairée, fiable.

Promouvoir le dépistage est une de ses missions premières d'Europa Donna. L’Europe, il faut le rappeler, y est favorable. On constate d’ailleurs que cette tendance à contester tout programme de santé publique - dépistage organisé, vaccination - est une posture très française.

Dans ce débat qui persiste, il serait avant tout souhaitable « qu’on ne s’exprime pas à la place des patientes » souligne Natacha Espié. « Dans ma double expérience de psychologue et de présidente d’Europa Donna, je n’ai jamais entendu remettre le dépistage en cause ». Même parmi celles à qui l’on a détecté un« petit » cancer : parce qu’à ce jour, personne ne dispose de boule de cristal pour leur garantir qu’il ne dégénérera pas.

 

Aider les femmes à surmonter l'anxiété du dépistage

Bien sûr, elles expriment de la peur. Le cancer fait peur. Cette cancérophobie, chacun la porte en soi. Elle se révèle évidemment au moment d’envisager une mammographie. Il n’est pas agréable, lorsqu’on se sent bien portante, de se dire, «j’y vais », avec peut être le risque de basculer vers la pathologie.

Tout geste de dépistage est en soi générateur d’anxiété. Si elle se révèle un frein, mieux vaut aider les femmes à réfléchir à cette angoisse, en leur communiquant une information qui les aide à s’y retrouver, plutôt qu’à favoriser leur cancérophobie. Il faut leur expliquer que c’est un sentiment légitime, parfaitement adapté, mais que peut être, aussi, ce geste les sauvera d’une chimiothérapie, de traitements invalidants.

 

Laisser les femmes décider librement

Une fois le diagnostic posé, non seulement elles ne remettent pas le dépistage en cause, mais certaines réclament même un traitement plus radical. Alors qu’on leur a diagnostiqué une tumeur de la forme la moins agressive, de bas grade, à un stade précoce, où le standard de traitement est une chirurgie conservatrice, elles demandent au contraire une mammectomie. Elles veulent ainsi se délivrer du cancer.

Cette demande existe, il faut aussi l’entendre comme légitime. En incitant au dépistage, en leur conseillant d’établir un dialogue, avec leur médecin traitant ou leur gynécologue sur ce sujet, il n’est pas question d’enlever leur libre-arbitre aux femmes. Laisser décider librement suppose d’être certain que toutes ont reçu toutes les informations adéquates, médicales, fiables : « c’est malheureusement loin d’être le cas » déplore Natacha Espié.

 

Rapport à soi

Il faut résister à la pensée magique, qui consiste à se penser protégée parce qu’on a fait une mammographie ou que l’on participe régulièrement au dépistage. C’est en revanche « expliquer qu’il faut agir le plus vite possible, pour éviter des complications majeures : l’argument de base est là » souligne la présidente d’Europa Donna, témoignant de femmes, qui à la veille d’affronter six mois de chimiothérapie regrettent de ne pas être allée consulter plus tôt ou n’avoir pas répondu aux invitations de dépistage.

Détecter un cancer le plus petit possible, c’est s’assurer le moins d’ennuis possible. Diagnostiqué à un stade « clinique » plus avancé, quand il s’est déjà répandu vers la peau, le muscle, les ganglions, le cancer du sein engage dans un très long parcours : la chirurgie, six mois de chimiothérapie minimum, 5 à 10 ans d’hormonothérapie derrière. « Les chimiothérapies sauvent des vies, c’est certain, mais s’en passer c’est mieux, tant ces six mois sont compliqués à vivre. »

Outre les implications médicales, la douleur, la fatigue, il en va aussi du rapport à soi : « le schéma corporel bouleversé par un corps - peut être mutilé-, sans cheveux ni poils. ». Du rapport social, économique : le cancer coûte cher, en reste à charge le temps de la maladie, en perte d’emploi, en effets secondaires qui peuvent resurgir longtemps après. Il devient alors « une parenthèse qui ne se referme jamais. »

 

Europa Donna en quelques mots

Europa Donna est la branche française d’une coalition qui regroupe 46 pays du continent européen. Au niveau national, elle est organisée en délégations, réparties sur l’ensemble du territoire français, ce qui lui donne un aperçu de toutes les sensibilités, au delà des seules grandes villes.
Europa Donna est une association militante, dont le but est d’informer, rassembler et soutenir les femmes, leurs familles, leurs proches dans la lutte contre le cancer du sein. A ce titre, elle a participé à la réflexion sur les plans cancer et soutient chaque année la campagne Octobre Rose de l’Institut National du Cancer (INCA).
Ses actions sont engagées autour de dix objectifs, dont le premier est de privilégier une information complète : sur le dépistage, les traitements, le suivi psychologique et social, la qualité de vie des femmes pendant et après la maladie.

 

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