Promouvoir le dépistage est une de ses missions premières d'Europa Donna. L’Europe, il faut le rappeler, y est favorable. On constate d’ailleurs que cette tendance à contester tout programme de santé publique - dépistage organisé, vaccination - est une posture très française.
Dans ce débat qui persiste, il serait avant tout souhaitable « qu’on ne s’exprime pas à la place des patientes » souligne Natacha Espié. « Dans ma double expérience de psychologue et de présidente d’Europa Donna, je n’ai jamais entendu remettre le dépistage en cause ». Même parmi celles à qui l’on a détecté un« petit » cancer : parce qu’à ce jour, personne ne dispose de boule de cristal pour leur garantir qu’il ne dégénérera pas.
Bien sûr, elles expriment de la peur. Le cancer fait peur. Cette cancérophobie, chacun la porte en soi. Elle se révèle évidemment au moment d’envisager une mammographie. Il n’est pas agréable, lorsqu’on se sent bien portante, de se dire, «j’y vais », avec peut être le risque de basculer vers la pathologie.
Tout geste de dépistage est en soi générateur d’anxiété. Si elle se révèle un frein, mieux vaut aider les femmes à réfléchir à cette angoisse, en leur communiquant une information qui les aide à s’y retrouver, plutôt qu’à favoriser leur cancérophobie. Il faut leur expliquer que c’est un sentiment légitime, parfaitement adapté, mais que peut être, aussi, ce geste les sauvera d’une chimiothérapie, de traitements invalidants.
Une fois le diagnostic posé, non seulement elles ne remettent pas le dépistage en cause, mais certaines réclament même un traitement plus radical. Alors qu’on leur a diagnostiqué une tumeur de la forme la moins agressive, de bas grade, à un stade précoce, où le standard de traitement est une chirurgie conservatrice, elles demandent au contraire une mammectomie. Elles veulent ainsi se délivrer du cancer.
Cette demande existe, il faut aussi l’entendre comme légitime. En incitant au dépistage, en leur conseillant d’établir un dialogue, avec leur médecin traitant ou leur gynécologue sur ce sujet, il n’est pas question d’enlever leur libre-arbitre aux femmes. Laisser décider librement suppose d’être certain que toutes ont reçu toutes les informations adéquates, médicales, fiables : « c’est malheureusement loin d’être le cas » déplore Natacha Espié.
Il faut résister à la pensée magique, qui consiste à se penser protégée parce qu’on a fait une mammographie ou que l’on participe régulièrement au dépistage. C’est en revanche « expliquer qu’il faut agir le plus vite possible, pour éviter des complications majeures : l’argument de base est là » souligne la présidente d’Europa Donna, témoignant de femmes, qui à la veille d’affronter six mois de chimiothérapie regrettent de ne pas être allée consulter plus tôt ou n’avoir pas répondu aux invitations de dépistage.
Détecter un cancer le plus petit possible, c’est s’assurer le moins d’ennuis possible. Diagnostiqué à un stade « clinique » plus avancé, quand il s’est déjà répandu vers la peau, le muscle, les ganglions, le cancer du sein engage dans un très long parcours : la chirurgie, six mois de chimiothérapie minimum, 5 à 10 ans d’hormonothérapie derrière. « Les chimiothérapies sauvent des vies, c’est certain, mais s’en passer c’est mieux, tant ces six mois sont compliqués à vivre. »
Outre les implications médicales, la douleur, la fatigue, il en va aussi du rapport à soi : « le schéma corporel bouleversé par un corps - peut être mutilé-, sans cheveux ni poils. ». Du rapport social, économique : le cancer coûte cher, en reste à charge le temps de la maladie, en perte d’emploi, en effets secondaires qui peuvent resurgir longtemps après. Il devient alors « une parenthèse qui ne se referme jamais. »