Le Landerneau cardiologique n’en est pas encore remis. Comme le dit l’éditorialiste du New England Journal of Medicine, les résultats du travail français sont majeurs en clinique quotidienne. D’une part le médecin peut rassurer les individus cardiologiquement asymptomatiques mais souffrant d’extrasystoles ventriculaires (ESV) éparses et rares. Ils n’ont pas de risques supplémentaires de décéder du cœur. Mais il faut s’intéresser de près à ceux qui ont 10% d’ESV parmi leurs QRS à l’ECG lors d’une épreuve d’effort. Leur risque de décès cardiaque est de 2,53, soit deux fois et demi celui des personnes ne faisant pas d’ESV. Et ce risque est indépendant de l’ischémie (sous-décalage de ST) que l’on peut découvrir lors de l’épreuve.
Premier auteur de l’article publié dans le NEJM du 21 septembre, le Dr Xavier Jouven a analysé les résultats engrangés patiemment durant plus de 20 ans par l’équipe de Pierre Ducimetierre à l’unité d’épidémiologie cardiologique Inserm U258. Il pointe la dissociation observée entre les personnes asymptomatiques qui révèlent une ischémie à l’épreuve d’effort et celles qui font des ESV fréquentes (supérieures à 10% du tracé ECG). « Leur risque global de décès cardiaques est similaire (2,63 pour les premières et 2,53 pour les secondes) mais les étiologies divergent. Contrairement à ce qu’on attendrait, l’augmentation des morts subites n’est pas significative chez les porteurs d’ESV fréquentes. La puissance statistique de l’étude est probablement en cause dans ce résultat surprenant.»
Les ESV fréquentes à l’effort sont donc un nouveau facteur de risque cardiaque, indépendant des grands facteurs de risque cardiaques connus (hypercholestérolémie, tabac, HTA, diabète). Son dépistage implique la réalisation d’une épreuve d’effort chez les patients asymptomatiques autour de la cinquantaine. Xavier Jouven, cardiologue à l’Hôpital Européen Georges Pompidou, mais aussi épidémiologiste, le recommande chaudement : « je suis à fond pour la prévention ». Et si l’on tombe sur ces fameuses ESV fréquentes, il faudra élargir le bilan cardiologique à l’échographie, au Holter des 24 heures, voire la scintigraphie myocardique ou les potentiels tardifs. Enfin, l’étude montre que le tabagisme est la seule variable associée à ces ESV fréquentes à l’effort. « Il faudra convaincre le patient d’arrêter » conclut le Dr Jouven, pragmatique.