Communiqué INRA - Mieux équilibrer les achats alimentaires des populations défavorisées


Est-il possible d’améliorer l’approvisionnement alimentaire de personnes devant faire face à des difficultés financières, en tenant compte à fois de la qualité nutritionnelle et du prix des aliments ? La réponse est oui et c’est ce que démontrent des chercheurs de l’Inra et d’Aix-Marseille Université1 dans le cadre du programme de prévention Opticourses initié il y a plus de cinq ans dans les quartiers Nord de Marseille. Leurs travaux viennent d’être publiés dans la revue Current developments in nutrition.

 

Les aliments les moins chers sont souvent les plus caloriques et les moins riches en nutriments essentiels, ce qui rend plus difficile la réalisation de l’équilibre nutritionnel pour une personne soumise à de fortes contraintes budgétaires. Un strict minimum de 3,5 euros par jour et par personne a été estimé comme nécessaire pour couvrir les besoins nutritionnels2. Les scientifiques ont montré qu’en sélectionnant des groupes d’aliments et des aliments de bonne qualité nutritionnelle pour leur prix, il est théoriquement possible d’améliorer le rapport qualité nutritionnelle/prix des approvisionnements alimentaires de personnes soumises à de fortes contraintes budgétaires3. C’est justement pour le vérifier et le mettre en pratique qu’a été déployé en 2012 dans les quartiers Nord de Marseille le programme de prévention et d’éducation à la santé Opticourses.

 

Des ateliers sur « alimentation et petit budget » en région PACA

Des chercheurs de l’unité Nutrition, obésité et risque thrombotique (Inra, Inserm, Aix-Marseille Université) ont conduit une recherche interventionnelle et participative. Dans une première phase de la recherche (2011-2012), un échantillon de 96 habitants a participé avec les chercheurs et les acteurs locaux (centre de soins, centres sociaux ...) à la co-construction des outils d’intervention et d’évaluation d’un programme de prévention basé sur les achats réels des personnes. Puis, dans une seconde phase (2013-2014), la recherche proprement dite a été réalisée avec 93 habitants, et son impact a été évalué sur 35 personnes (et 23 personnes témoins, n’ayant pas participé au programme).

Le programme de prévention Opticourses consiste en cinq ateliers collectifs de deux heures (de six à 12 personnes volontaires par groupe), espacés de 15 jours chacun. Les ateliers sont basés sur des activités ludiques et des outils concrets autour des pratiques d’achats alimentaires sur la qualité nutritionnelle et le prix des aliments. Ils s’appuient en particulier sur les tickets de caisse que les participants sont invités à consigner pendant un mois, sur un livret « prix-seuil » présentant des aliments de bonne qualité nutritionnelle et leur bon prix, sur des dégustations à l’aveugle d’aliments issus de marque discount, de marque distributeur ou de marque nationale.

 

Des méthodes d’économie expérimentale pour mesurer l’impact d’Opticourses

L’impact de la participation à ces ateliers sur les comportements d’achat a été évalué à l’aide d’un jeu (réalisé avant et après les ateliers, et par des témoins n’ayant pas participé aux ateliers) dans lequel il est demandé aux participants de faire une liste de courses pour leur foyer pour deux jours, en s’aidant d’un catalogue présentant les photos de 300 produits et leurs prix. Les participants sont informés qu’ils peuvent bénéficier d’un bon d’achat de 10 euros s’ils concrétisent dans un magasin leur liste virtuelle, le ticket de caisse faisant foi. Cette méthode d’économie expérimentale développée par les chercheurs de l’unité économie appliquée de Grenoble (Inra, CNRS, Université Grenoble Alpes et Grenoble INP) permet d’inciter les personnes à révéler leurs vraies préférences.

Les résultats de cette analyse ont montré que la participation aux ateliers entraîne une diminution nette, statistiquement significative, des calories achetées (3385 versus 5114 kilocalories par jour et par personne) dans les paniers simulés des participants, alors que cette diminution n’est pas observée chez des témoins n’ayant pas suivi les ateliers Opticourses. L’étude révèle également une augmentation (d’un facteur 1,4) de la part des fruits et légumes et une diminution (d’un facteur 2) de celle des produits riches en matières grasses, sel et sucre dans les paniers simulés. Par ailleurs, ces évolutions favorables n’étaient pas associées à une augmentation du budget alimentaire. Des entretiens semi directifs ont également mis en évidence trois types de changements dans les comportements d'achat associés à la fréquentation des ateliers : sur le type d'aliments achetés, dans les stratégies d'achat et dans les pratiques culinaires.

L’ensemble de ces résultats démontre bien que ces ateliers participatifs Opticourses ont modifié favorablement les comportements d'achat alimentaire des individus en situation sociale défavorisée sans augmenter de façon significative les dépenses alimentaires. La persistance de ces changements au-delà du dernier atelier (qui a lieu deux mois et demi après le premier) devra faire l’objet d’une étude ultérieure.

Référence :
Co-construction and evaluation of a prevention program for improving the nutritional quality of food purchases at no additional cost in a socioeconomically disadvantaged population.
Marlène Perignon, Christophe Dubois, Rozenn Gazan, Matthieu Maillot, Laurent Muller, Bernard Ruffieux, Hind Gaigi, et Nicole Darmon. Current developments in nutrition. October 2017, 1 (10) e001107. DOI: https://doi.org/10.3945/cdn.117.001107

1. Ont participé à cette étude l’unité Nutrition, obésité et risque thrombotique (Inra, Inserm, Aix-Marseille université), le Laboratoire d'économie appliquée de Grenoble (Inra, CNRS, Université Grenoble Alpes et Grenoble INP) et l’entreprise MS-Nutrition.
2. Maillot M, Darmon N, Drewnowski A. Are the lowest-cost healthful food plans culturally and socially acceptable? Publ Health Nutr, 2010, 13:1178-1185.
3. Maillot M, Ferguson EL, Drewnowski A, Darmon N. Nutrient profiling can help identify foods of good nutritional quality for their price: a validation study with linear programming. J Nutr, 2008; 138:1107-1113

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