« On s’attendait à pire » commente laconiquement un syndicaliste médical à l’annonce des mesures préconisées par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2025. Sans doute faut-il voir un peu d’ironie dans cette déclaration. En effet, la pilule sans être imbuvable s’annonce bien amère. Car les médecins et surtout leurs patients devront faire avec un programme d’économies strict qui ne permettra guère de dérapage.
La forte dégradation des comptes - 18 milliards d’euros de déficit du régime général de la sécurité sociale en 2024 – a convaincu le premier Ministre et ses ministres en charge de l’économie, des comptes publics et de la santé de taper fort pour obtenir des économies substantielles sur la santé et la sécurité sociale en 2025. Dans cet objectif, les dépenses d’assurance maladie ne devront progresser que de 2,8% en 2025 par rapport à 2024 (contre 3,2% lors de l’exercice précédent) ; Soit une économie souhaitée de quatre milliards d’euros.
La punition est encore plus forte pour les soins de ville puisque la hausse des dépenses est limitée à 2%. Mais pas question ont rassuré les ministres de toucher aux revalorisations d’honoraires déjà prévues. Et en particulier aux 30 euros de la consultation des généralistes qui doit entrer en vigueur le 1er décembre. Reste que cette consultation ne sera remboursée qu’à 60% par l’assurance maladie contre 70% aujourd’hui. Aux mutuelles de prendre en charge le reste avec un risque non négligeable pour les assurés de constater une hausse des tarifs de leur assurance complémentaire.
Une tendance qui se perpétue année après année au fil du désengagement de l’assurance maladie dans la prise en charge des dépenses de santé. « Outre cette mesure dangereuse et inefficace, commente dans le Monde Frédéric Bizard, professeur d’économie à l’ESCP Business School, aucune restructuration du système de santé n’étant annoncée par ailleurs, le reste des économies se fera en rabotant les prix des services et produits de santé, aggravant mécaniquement la crise du système de santé ».
Reste qu’il semble difficile à un gouvernement, dans l’époque actuelle, ne serait-ce qu’envisager une réforme en profondeur du système de santé avant d’avoir maitrisé les dépenses. Il doit, comme ses prédécesseurs, se contenter de mesures d’économies ponctuelles qui c’est vrai- le Pr Bizard a raison- seront sans grand effet à long terme et même à moyen terme. Mais le domaine de la santé n’est pas le seul dans ce cas.
Quant à l’hôpital, il parait, dans le plan gouvernemental, bénéficier d’un sort un peu plus heureux avec une enveloppe en hausse de 3,1%. Mais pour les responsables hospitaliers, c’est un « leurre » dans le sens, commentent-ils, où cette enveloppe comprend un financement de taches qui sont loin de concerner les soins. Et le monde hospitalier de dénoncer une forte dégradation de soins, alors que les établissements sont en sous effectif et qu’ils connaissent pour la plupart une situation financière catastrophique et des déficits bien souvent abyssaux dans nombre de régions.
La Fédération hospitalière de France (FHF) a d’ailleurs vivement réagi, et a tiré le signal d’alarme. « Le risque, avertit-elle, est d’aggraver la situation de sous-recours sur certaines activités prioritaires, d’obliger les établissements à repousser des investissements, et de limiter leur capacité de recrutement. ». Si la progression de l’ONDAM (objectif national de dépenses d'assurance maladie) global annoncée à plus 2,8 % était confirmée, ainsi que l’hypothèse de croissance de 3,1% pour l’ONDAM établissements de santé, poursuit-elle, « cela se traduirait par une hausse réelle de seulement de 0,2 %, soit seulement 200 millions d'€uros supplémentaires. Car il convient de prendre en compte les effets de l’inflation et de la provision CNRAC » (Caisse de retraite des agents hospitaliers)
Le chemin est donc ardu pour le gouvernement pour faire passer sa loi à l’Assemblée Nationale. Des députés de toutes tendances sont bien décidés, comme lors de l’examen du projet de loi de financement, à faire entendre leur voix pour faire voter des amendements qui ne seront pas tous du goût des ministres. L’examen en commissions permettra de se faire rapidement une idée sur l’avenir de ce texte. Pas sur qu’il en sorte indemne.
- Ondam à +2,8 % : économies escomptées, quatre milliards d’euros
- Des consultations à 30 euros moins remboursées et transfert vers les complémentaires : économies prévues : 1,1 d’euros
-Contribution de l’industrie pharmaceutique: économie de plus d’un milliard d’euros
- Baisse du plafond des indemnités d'arrêts maladie : économie 600 millions d’euros
- Baisse des tarifs de l'imagerie médicale et des analyses biologiques ; négociations avec les professionnels et économies souhaitées au moins 300 millions d’euros