La méningite et ses frayeurs

Par Dr Sophie Duméry -  Journaliste médecin

Théragora - www.theragora.fr - Année 2022 - Votre pharmacien vous conseille N° 168 - Page 0

La méningite est le plus souvent due à un méningocoque invasif, facilement épidémique. Cette urgence médicale demande d’y songer pour sauver le patient, car elle peut tuer avant l’effet de son traitement par antibiotiques.

 

La méningite est une inflammation des enveloppes protectrices du cerveau et de la moelle épinière, les méninges. Elle diffuse généralement au cerveau au cours de son évolution rapide, et devient une méningo-encéphalite, à haut risque mortel ou de séquelles graves. Elle peut être causée par une intoxication (neurotoxine du tétanos), un virus (poliomyélite, rougeole, herpès), une bactérie (pneumocoque, méningocoque), un champignon. La méningite liée à une infection virale saisonnière de l’enfant est la plus fréquente et la plus bénigne, guérissant le plus souvent spontanément sans séquelles après avoir paniqué les parents.

Celles qui doivent inquiéter sont les méningites bactériennes, surtout à méningocoque. Celui-ci provoque des infections invasives, selon le terme médical, dont la localisation n’est pas que méningée, faisant tout le danger et les séquelles possibles.

 

 

Le grand méchant méningocoque

Le méningocoque (Neisseria meningitidis) n’est hébergé que par l’Homme, dans son nez et sa gorge (rhinopharynx) comme bactérie commensale (qui se nourrit sur place). Plus présent chez les enfants et adolescents, son portage naturel ne concerne que 5 à 10% de la population et varie selon les lieux et le moment ; il ne produit aucun signe (asymptomatique).

La famille des méningocoques comporte douze souches (ou sérogroupes) dont cinq sont invasives : A, B, C, Y et W. En France, le sérogroupe B domine nettement, en cas isolés ou groupés (foyers épidémiques) et représente 70% des méningites des nourrissons et jeunes enfants. Une sévère épidémie a affecté la Seine maritime de 2003 à 2013, avec 165 cas et 20 décès au total. On assiste toutefois à l’émergence du sérogroupe W depuis 2013 avec des cas groupés (Hauts de France et universités).1

Maladies à déclaration obligatoire, les infections invasives à méningocoques touchent environ 400 personnes par an. La mortalité stagne autour de 10%, et concerne surtout les enfants et adolescents.

 

Invasion par changement d’hôte

Les méningocoques, très fragiles en milieu extérieur, se transmettent facilement entre humains par échanges (conversation) à moins d’un mètre, grâce aux postillons (gouttelettes de salive). La transmission est quasi certaine en une heure de face à face ; les réunions festives et la vie en communauté sont donc à haut risque, mais aussi les rapports sexuels bien que les cas recensés soient rares.

Lors d’une transmission, le germe colonise le rhinopharynx de son nouvel hôte et évolue génétiquement ; cela permet l’émergence aléatoire d’une version invasive, heureusement rare. Cette loterie du vivant est favorisée par les infections virales saisonnières (recrudescence hivernale).

 

Tableau évocateur pour observateur attentif

La bactérie virulente entraîne une infection invasive par diffusion sanguine, où l’atteinte du système nerveux central et des méninges est la plus mortelle. Son tableau classique est une fièvre, de violents maux de tête avec vomissements et une raideur de la nuque (musculaire réflexe) caractéristique, qui s’étend de plus en plus bas de la colonne vertébrale avec l’extension de l’infection. La raideur est moins perceptible quand il y a peu de musculature (nourrissons, très âgés). S’y ajoute un signe très évocateur en contexte fébrile : un purpura fait de tâches violacées de la peau qui ne s’effacent pas quand on appuie dessus. Destructeur, il s’étend à la vitesse de l’éclair et s’appelle pour cette raison « fulminant » (purpura fulminans).2

La méningo-encéphalite entraîne des troubles de conscience (coma), une confusion. Des signes digestifs se voient surtout chez les tout-petits. Par le sang, le méningocoque atteint tous les organes : articulations, cœur, poumons, yeux… Le décès survient par choc septique et/ou œdème cérébral qui interrompt les fonctions vitales (arrêt cardio-respiratoire).

 

Une urgence médicale

Une infection invasive à méningocoques est une urgence médicale qui exige la vigilance des parents et leur insistance auprès du médecin en cas de soupçon. L’administration du bon antibiotique est impérative dans l’heure du diagnostic, avec une réanimation bien conduite. La ponction lombaire est urgente pour connaître la bactérie impliquée et sa sensibilité antibiotique ; ce n’est pas toujours un méningocoque (voir encadré). Les antibiotiques actuels sont actifs contre le méningocoque mais il n’est pas rare que l’infection invasive soit plus rapide que le traitement, provoquant la mort ou de graves séquelles chez les survivants : telles des nécroses (destruction) par purpura des membres imposant des amputations plus ou moins larges (doigts, mains, bras, orteils, pieds, jambes).

Il faut aussi retrouver très vite les sujets « contacts » pour les traiter, car la contagion est possible 7 jours avant les signes qui permettent le diagnostic. Les autorités sanitaires encadrent la prophylaxie (prévention) des infections invasives à méningocoque. Elle s’applique à toute personne contact potentiellement en incubation de la maladie (traitement antibiotique), ainsi qu’à la population environnante par une campagne de vaccination.3

 

Vacciner contre le méningocoque

Prévenir par la vaccination ? Encore faut-il qu’un vaccin existe et qu’il soit suffisamment efficace. Actuellement plusieurs vaccins tétravalents contre les méningocoques A, C, Y et W sont disponibles. En juin 2021, après bien des déceptions, la Haute Autorité de Santé vient de recommander un vaccin contre le méningocoque B (dominant) pour les nourrissons dès 2 mois (deux doses initiales et un rappel) qui les protègent bien d’une infection invasive jusqu’à 4 ans.4 Mais il ne limite pas le portage de la bactérie (donc sa transmission) et coûte plus de 80 euros la dose, non remboursés. La demande de remboursement par l’Assurance maladie est en cours. Cette vaccination plébiscitée par les médecins se heurte à son coût pour les parents face à un risque rare et aléatoire, sauf cas particuliers discutés avec le médecin.

 

 

 

Pneumocoque, etc.

Le pneumocoque (Streptococcus pneumoniae) provoque des infections sévères et mortelles : pulmonaires, ORL et méningées (1ere cause de méningite chez l’adulte). Nécessitant souvent une hospitalisation, elles touchent plutôt les fragiles : très jeunes, très âgés, immunodéprimés, malades chroniques (diabète, alcool) qu’elles tuent facilement (10 à 30% de décès). Le vaccin se justifie donc en population. Il est obligatoire chez le nourrisson.

L’hémophilus (Haemophilus influenzae), porté uniquement par l’Homme, est responsable d’infections invasives avec méningite (déclaration obligatoire). Longtemps redoutable chez l’enfant et le nourrisson, les méningites à hémophilus ont presque disparu depuis la vaccination contre le type B le plus virulent (1990), obligatoire chez le nourrisson.

 



Références

1- Infections à méningocoque. Santé publique France , avril 2021.

2- Centre national de référence des infections à méningocoques et hémophilus (Institut Pasteur, Paris) : recommandations face à une infection invasive.

3- INSTRUCTION N° DGS/SP/2018/163 du 27 juillet 2018 relative à la prophylaxie des infections invasives à méningocoque

4- Méningocoques B : la HAS recommande la vaccination des nourrissons - 22 juin 2021



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