D'après un entretien avec le Dr Adrien Vidart, membre du Comité d’Urologie et de Périnéologie de la Femme (CUROPF) de l'AFU, urologue à l'hôpital Foch à Suresnes.

Cystocèle, le nombre de grossesses est-il à prendre en compte ?

- Théragora le 3 mars 2018 N°

Entre 6 et 20 % des femmes seraient victimes, à un moment de leur existence, d'un prolapsus ou "descente d'organe". La cystocèle (affaissement de la vessie qui vient former une hernie dans le vagin), représente la majorité des cas de prolapsus. La responsabilité des grossesses et des accouchements dans la survenue de cette affection reste en discussion.

 

Lourdeurs, pesanteurs, sensation de corps étranger, troubles urinaires et sexuels et parfois même, extériorisation d'une hernie qui sort de la vulve, sont autant de symptômes qui signent une "descente d'organe". Cette affection fréquente, souvent taboue, peut altérer lourdement la qualité de vie des femmes qui en souffrent.

 

 

Passe-muraille


"Le vagin est un peu comme une maison avec un mur antérieur, un mur postérieur et un toit",explique le Dr Adrien Vidart. On peut avoir un effondrement de l'un des murs ou de la toiture lorsqu'un des organes de l'abdomen (rectum, vessie ou utérus) n'est plus suffisamment bien maintenu dans la cavité abdominale. Il vient alors reposer sur l'une des parois du vagin et entraîne une hernie. La majorité des prolapsus de la femme concerne la vessie (cystocèle), mais certains de ces affaissements associent plusieurs "étages" simultanément (cystocèle, hystérocèle pour l’utérus et/ou rectocèle pour le rectum).

Les causes des prolapsus sont assez similaires quel que soit l'organe touché.

- Soit il existe depuis l'origine un "défaut de construction", c'est-à-dire une moindre résistance du tissu conjonctif qui maintient ces organes. On retrouve des formes familiales de la cystocèle, des prédispositions génétiques. Les personnes affectées par des maladies du collagène (maladie de Marfan, Ehler-Danlos…) et celles ayant une peau rousse sont ainsi plus sujettes aux prolapsus.

- Soit la maison a été "fragilisée" par divers événements survenus dans la vie de la patiente : le tabagisme, les toux chroniques, l'obésité, les chirurgies pelviennes, la constipation, les ports de charges lourdes et les efforts répétés, sont autant de facteurs qui engendrent des augmentations brutales de pression dans la cavité abdominale et favorisent e développement d'un prolapsus. L'âge et l'arrivée de la ménopause entraînent une accélération du vieillissement de ces tissus.

 

L’impact modéré de l’accouchement

Qu'en est-il des grossesses ? Pendant longtemps, la responsabilité des grossesses a été considérée comme majeure. Les accouchements difficiles (gros bébé, utilisation de forceps…) étaient notamment considérés comme à haut risque. "Un accouchement c'est un peu comme si l'on voulait faire passer une noix de coco dans le diamètre d'un tuyau d'arrosage", résume le Dr Vidart. La prévalence et le grade des prolapsus de tous les compartiments augmentent avec la parité (le nombre de grossesses). Au-delà de 4, chaque accouchement par voie basse représente un risque supplémentaire de 10 à 20 %. L’épisiotomie n’est ni protectrice ni un facteur de risque pour le prolapsus spécifiquement.

Toutefois, l'analyse de la littérature montre que l'impact de l'accouchement est moins important qu'on le pensait. "Paradoxalement, ce n'est pas l'accouchement qui est le plus problématique mais la grossesse." D'ailleurs, le risque de cystocèle n'est que très modestement diminué chez les femmes qui ont accouché par césarienne par rapport à celles qui donnent naissance à leur enfant par voie basse.

En revanche, le fait de porter des jumeaux n’accroît pas sensiblement le risque. L'âge de la première grossesse n'a pas d'impact non plus.

Ce qui compte le plus, c'est la manière dont se déroule la grossesse. Si la maman prend 10 kg de trop pendant la gestation et si, en outre, elle peine à perdre ce surpoids après la naissance de son enfant, son risque de prolapsus est majoré. Le facteur clef est donc bien la surcharge pondérale.

 

 

Lutter contre les facteurs de risque
 

Réduire le risque de survenue d'une cystocèle consiste donc à agir sur les facteurs connus de prolapsus, à savoir éviter tout surpoids, avoir une prise de poids raisonnable pendant ses grossesses, ne pas fumer et soigner les pathologies susceptibles de fragiliser les tissus de soutien. Quid de la rééducation périnéale ? Autant cette rééducation a fait ses preuves dans la prise en charge des incontinences urinaires au point d'être le traitement de référence de certains troubles de la continence, autant il est difficile de certifier qu'elle ait un impact réel sur la prévention des descentes d'organes. 
 


La chirurgie, un outil de choix à réserver aux femmes symptomatiques


De nombreuses femmes ont une cystocèle perceptible à l'examen mais n'ont aucun signe fonctionnel ou des signes mineurs. On ne les opère pas. La chirurgie n'est proposée que lorsque le prolapsus s'accompagne de symptômes gênants : pesanteur, lourdeur, difficulté à uriner, troubles sexuels… L'intervention est habituellement peu douloureuse, autorisant une reprise d'activité rapide. Elle peut être, dans certains cas, réalisée en ambulatoire. Si la patiente est encore en activité, un arrêt de travail de 15 jours à un mois est requis (selon sa profession, son âge, ses antécédents…). L'opération se réalise principalement selon deux voies d'abord :

Par voie abdominale (coeliochirurgie) : le chirurgien fixe un filet au "promontoire", un ligament assez résistant situé dans l'abdomen. Cette "promontofixation" est une chirurgie développée depuis plusieurs décennies, les résultats sont excellents, les prothèses bien tolérées, les récidives rares.

Par voie vaginale. Le vagin est tolérant, résistant et cicatrise bien. Le chirurgien réduit la hernie en réalisant une simple "couture" des tissus. C'est une chirurgie efficace, mais son taux de récidive à 5 ou 6 ans est plus important. En cas de récidive, il est possible d'utiliser un matériel prothétique (filet) pour consolider la réparation.
Pour les femmes qui ne souhaitent pas être opérées ou qui veulent retarder l'intervention, l'urologue peut préconiser un pessaire : on insère ce dispositif au fond du vagin, pour "remonter" l'organe qui fait saillie. Il existe des pessaires de formes variées selon l'organe (cystocèle, rectocèle, hystérocèle) et en fonction des antécédents chirurgicaux (les pessaires ne sont pas les mêmes pour les femmes ayant subi une hystérectomie). 
 

 

Un bébé après une chirurgie du prolapsus ?
Pour les patientes jeunes, qui ont un désir d'enfant, la décision sera prise au cas par cas. Si les symptômes de la cystocèle sont modérés, le meilleur choix est en général l'abstention thérapeutique. Habituellement, pendant le temps de la gestation, l'agrandissement progressif de l'utérus maintient les autres organes en place. Il peut néanmoins arriver que la future maman ait besoin de porter un pessaire (sorte d'anneau, de cube, ou de disque en silicone, que l'on insère dans le vagin) pour corriger son prolapsus. Si la gêne est conséquente, au point d'altérer la sexualité et donc d'obérer les chances de la femme de tomber enceinte, il faudra proposer une chirurgie. La patiente sera informée d'un risque de récidive après la grossesse.

 

Une maladie, plusieurs spécialités

Quel que soit l'organe concerné, la prise en charge est sensiblement la même. L'étage antérieur et moyen (cystocèle et hystérocèle) est en général traité par les urologues et les gynécologues. Pour les rectocèles, on peut s'adresser à un chirurgien  coloproctologue. Lorsque les interventions touchent plusieurs organes, l'opération devrait idéalement être réalisée par un spécialiste du périnée capable de gérer les "trois étages". Et dans tous les cas de figure, l'évaluation des cas complexes devrait être faite par une équipe pluridisciplinaire. 

 

En chiffres
6 à 20 % des femmes seront victimes d'un prolapsus.
- Dans plus d'
un tiers des cas, c'est la vessie qui s'est déplacée (cystocèle).
Deux patientes sur mille subiront une chirurgie curative suite à un prolapsus.
65 ans, c'est l'âge moyen auquel les femmes sont opérées.
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