Freins règlementaires
La recherche est aussi très active dans le domaine du cancer de la prostate. L’apparition régulière de molécules innovantes permet d’instaurer de nouvelles lignes de traitement lorsqu’un cancer devient résistant. C’est ainsi que, grâce à ces progrès, le cancer de la prostate est devenu en quelques années une maladie chronique, y compris lorsqu’il atteint le stade métastatique. Mais l’accès à ces molécules innovantes reste, là encore, victime des lenteurs de l’administration française.
Pour les cancers hormono-sensibles, il est établi que l’association d’abiratérone aux traitements hormonaux classiques apporte un bénéfice majeur[5]. Dans bien des pays, la mise en œuvre de ces traitements a donc été particulièrement rapide. En France, le processus a été ralenti en raison des modalités des négociations tarifaires. L’abiratérone vient tout juste de tomber dans le domaine public, ce qui entraîne de facto, une chute drastique du prix du médicament, et facilite la négociation entre les autorités et le laboratoire. L’association traitements hormonaux/Abiratérone vient donc d’être validée (publication au JO du 5 mars 2019[6]).
Au-delà des questions de négociations tarifaires, particulièrement âpres dans notre pays, d’autres caractéristiques très françaises peuvent conduire à retarder l’accès à l’innovation. C’est le cas des contraintes règlementaires. Un bon exemple de l’impact de ces contraintes sur l’autorisation ou la diffusion de traitements innovants est illustré par les nouvelles approches de « théranostique » dans le cancer de la prostate[7]. En pratique, la théranostique se fonde sur l’association de marqueurs utilisés pour diagnostiquer le cancer et de molécules thérapeutiques. Le marqueur va se fixer sur la cellule malade, ce qui permet de délivrer le traitement au plus près de sa cible. Le gallium radioactif, couplé au PSMA[8](marqueur du cancer de la prostate), va ainsi délivrer sa radioactivité directement au cœur de la cellule tumorale. Cette méthode est très élégante et remarquablement efficace. « En Allemagne, où la réglementation en matière nucléaire est beaucoup plus souple qu’en France, ces traitements sont proposés en ambulatoire,constate Yann Neuzillet. En France, le patient doit demeurer 24 à 48 h dans une chambre plombée. Pendant tout ce temps, ses urines et ces fèces sont collectées et « retraitées » pour éviter une dissémination d’éléments radioactifs. » Une procédure longue et fastidieuse qui renchérit les coûts et limite beaucoup la diffusion de cette méthode pourtant très prometteuse.
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