Les dépenses de médicaments, mesurées à partir d'un taux de change qui égalise le pouvoir d'achat des monnaies, varient fortement d'un pays à l'autre. Une récente étude de l'OCDE nous apprend par exemple qu'en 1997 au sein de l'Union européenne, ces dépenses allaient de 1160F pour un Danois à 2300F pour un Français, leader en la matière parmi les 12 premiers Etats membres. Entre Danemark et France venaient par ordre décroissant la Belgique (2100F par habitant), l'Italie (2050F), le Portugal (2000F), l'Allemagne (1900F), l'Autriche (1870F), l'Espagne (1600F), le Royaume-Uni (1530F), la Finlande (1480F), la Suède (1450F) et les Pays-Bas (1360F).
En considérant toutefois les autres pays occidentaux, on constatait que les Etats-Unis (2650F par habitant) présentaient un niveau de consommation d'environ 16% plus élevé que la France?
Le niveau de richesse constitue à l'évidence un facteur important dans ces dépenses, mais la relation se vérifie avant tout dans la comparaison de pays présentant de fortes différences de développement. Lorsque les pays connaissent des évolutions très proches -avec un niveau de richesse par habitant compris entre 130 000 et 160 000F- on peut observer des variations allant du simple au double !
Ces écarts peuvent alors résulter de caractéristiques propres à chaque pays ou de différences statistiques (en France on prend en compte 88% du marché contre 33% au Royaume-Uni?), mais les vraies causes sont ailleurs.
En décomposant l'évolution de la dépense pharmaceutique de cinq grands pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Italie et France), on constate que les premiers ont connu une progression relativement modérée des volumes consommés entre 1980 et 1995 : +50% pour les Etats-Unis, très modérée pour le Royaume-Uni et nulle pour l'Allemagne. La forte croissance des dépenses pharmaceutiques en valeur reflète donc avant tout dans ces pays une progression rapide des prix des médicaments. Il en va tout autrement en Italie et en France : dans le même temps, le taux de croissance des dépenses de médicaments en volume y a été important, alors que les prix ont augmenté beaucoup moins rapidement.
L'évolution de la part des dépenses liées aux médicaments dans les dépenses totales de santé a également fortement varié selon les pays, souligne le document gouvernemental, et durant ces 15 ans de profondes modifications sont intervenues : la part des dépenses de médicaments vendus en officine n'a pas cessé de diminuer en Allemagne et aux Etats-Unis, alors qu'elle a continûment augmenté en France et en Italie?
Cela étant, les différences importantes entre ces pays au cours des années 80 se sont quelque peu estompées dans les années 90. Tout semble se passer, conclut sur ce point le document, comme 'si les pays à croissance des prix rapides avaient réussi à modérer l'évolution des volumes, alors que ceux dans lesquels les prix ont peu augmenté ont connu des taux de croissance des volumes importants?.
Au-delà, la consommation par classe thérapeutique présente elle aussi des différences notables entre ces pays. La France se caractérise par une consommation très importante d'anti-hypertenseurs, de vasodilatateurs, d'antibiotiques, de psycholeptiques et psychoanaleptiques. En Allemagne, les consommations sont systématiquement plus faibles dans ces domaines, excepté pour les anti-hypertenseurs. Alors que le Royaume-Uni et l'Italie se distinguent par des consommations élevées d'anti-inflammatoires et de psycholeptiques. Cela étant, une comparaison plus agrégée laisse apparaître une hiérarchie identique entre ces pays : arrivent en tête les traitements cardio-vasculaires, ceux du SNC et les anti-inflammatoires.
On peut enfin expliquer les grandes différences de consommation par les modes de régulation en vigueur. En Allemagne et au Royaume-Uni, les politiques sur ce point visent à la fois le contrôle du système productif et de la formation des prix, la responsabilité des prescripteurs (enveloppes opposables pour l'industrie et les médecins, mais aussi baisses de prix autoritaires) et celle des patients (augmentation du taux de participation au financement). Inutile de revenir sur le cas français où la pression ne semble exister que sur le système productif. Avec les effets que l'on sait.
* La consommation de médicaments dans les principaux pays industrialisés?, Etudes et Résultats n°47, Drees, ministère de l'Emploi et de la Solidarité.