Plus de 20% des étudiants ne mangent pas à leur faim. Le chiffre est saisissant. Il est surtout inacceptable, pour Théia Matera, étudiante en troisième année de pharmacie à Lyon. Face à cette situation catastrophique, elle laisse éclater sa colère en posant cette question : « Est-il normal qu’un étudiant sur cinq ait dû sauter un repas en raison de difficultés financières insurmontables ? ».
Selon les chiffres de La Fage (Fédération des Associations Générales Étudiantes), « le renoncement aux soins concernerait même un étudiant sur trois », ajoute cette ancienne vice-présidente de l’Anepf (Association nationale des étudiants en pharmacie de France). Un comble, à l’heure où la prévention et le dépistage précoce sont présentés comme l’alpha et l’oméga d’un bon système de santé.
L’une des causes de cette faillite sociale serait à rechercher dans les aides proposées par l’État. Selon Ilan Rakotondrainy, nouveau président de l’Anepf, « outre le décalage entre les montants alloués au titre de l’allocation spécifique annuelle ou de l’aide spécifique ponctuelle, ce sont les modes d’attribution de ces prestations qui seraient à revoir ».
Car pour en bénéficier, les étudiants doivent être « fiscalement indépendants ». en clair apporter la preuve que leurs parents ne sont pas en mesure de les aider financièrement, puisque c’est encore et toujours le revenu de ceux-ci qui est pris en compte… comme pour l’attribution d’une bourse. « Une règle que l’Anepf conteste et dont elle essaye, depuis deux ans, d’obtenir la modification… en vain », déplore l’étudiant en sixième année de pharmacie à Bordeaux.
Face à cette situation inextricable, l’association étudiante s’était mobilisée dès 2017. Soit quasiment deux ans avant que la crise de la COVID ne mette en lumière la précarité étudiante. Avec l’aide du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (Cnop), un fonds de dotation avait été créé avec 100000€. Résultat : Quelque mille bourses de 100€, 200€ ou 300€ ont été distribuées. « Un effort louable mais insuffisant au regard de la situation.
« Notre dernière campagne, en juin 2024, n’a permis d’accorder qu’une quarantaine de bourses sur les quelque 200 candidatures reçues » regrette avec amertume la présidente de ce fonds, Théia Matera. Avec l’aide de la nouvelle équipe de l’Anepf, ce fonds a donc été réorganisé. L’objectif ? En étendre les moyens d’actions afin de venir en aide à plus d’étudiants. Car les montants jusqu’alors versé sont sont dérisoires au regard des besoins réels des étudiants.
Et Valentin Masseron, porte parole de l'Anepf d’expliquer : « la dernière enquête de l’Anepf a révélé qu’au moment de la rentrée, en moyenne, un étudiant en pharmacie devra trouver 3095€20 pour régler ses frais d’inscription et ses abonnements annuels aux transports en commun et autres sociétés d’assurance ». En clair, il leur faudra encore payer a minima 1200€ tous les mois pour financer leur loyer, les repas aux restaurants universitaires (RU)… Soit, au total, plus de quinze mille euros sur une année.
Pour la présidente du fond de dotation seule une mobilisation générale de la profession permettra de venir en aide, de façon pérenne, aux étudiants en pharmacie en situation de précarité. Avec comme objectif deux millions d'euros. En clair, « il faudrait que chacune des consœurs et chacun des confrères accepte de donner pour alimenter le fonds de dotation », ajoute Laëtitia Hénin, officinale installée à Saint Aubin du Cormier (Ille-et-Vilaine). Une ambition d’autant plus réaliste que ce fond d’attribution est reconnu d’utilité publique et que les dons qu’y sont consentis sont défiscalisables à hauteur de 66%.
Et la présidente de Pharma Système Qualité (PHSQ) d’ajouter : « Outre les dons personnels de chaque pharmacien, chacune de nos instances devrait aussi pouvoir alimenter le fonds de dotation pour que nos futurs consœurs et confrères puissent en bénéficier s’ils en ont besoin ». Une perspective partagée par l’Anepf qui espère bien que d’autres associations professionnelles actives dans l’univers officinal suivront l’exemple de PHSQ et viendront alimenter ce fonds de dotation pour permettre aux plus démunis des 29000 étudiants en pharmacie de poursuivre leur cursus… Et d’assurer la relève. Un objectif pragmatique, à l’heure où le réseau officinal peine à recruter et que les bancs des facultés de pharmacies n’affichent toujours pas complet.