A l'origine de cette condamnation unanime, une étude présentée par Claude Le Pen, économiste de la santé, s'efforce de faire le point sur les logiques d'un ONDAM (Objectif national des dépenses d'assurance maladie) qui repose sur un taux annuel systématiquement dépassé dont les parlementaires ratifient le dépassement tous les ans !
On ne peut pas ne pas prendre en compte la logique de l'équilibre des finances sociales : 'les dépenses sont liées aux recettes et dépendent largement de la croissance économique? ; dès lors 'le taux d'évolution des dépenses de santé est proche de celui de l'évolution du PIB?. Cela étant, en cas de nouveaux besoins de santé (comme la création de la CMU ou l'apparition de nouvelles thérapies face à des nouvelles pathologies), il doit y avoir 'effort de la collectivité pour financer l'élargissement de la sphère médicale?. Il faut en effet admettre que 'la croissance des besoins médicaux ne se réalise pas au même rythme de celle des recettes de l'assurance maladie?.
Il apparaît en parallèle que 'la dépense de santé est un indicateur de développement économique et social?. Des organismes comme l'OMS, et l'OCDE en ont déjà souvent apporté la preuve.
En France, le CREDES (Centre de recherche, d'études et de documentation en économie de la santé) montre ainsi que le secteur santé a créé beaucoup d'emplois et de valeur ajoutée. 'Contrairement à une idée reçue, constate par ailleurs l'étude présentée par le SNIP, la France a une consommation de santé proche de la moyenne des pays comparables?, Etats-Unis mis à part.
On constate encore, et pas seulement en France, que 'lorsque la croissance économique reprend, certains secteurs disparaissent tandis que d'autres connaissent une croissance plus rapide?. Il en va ainsi pour la santé qui, 'en tant que bien dit supérieur, a vocation à croître plus vite que le revenu? : les économistes ont en fait calculé que si la richesse croît de 1%, les dépenses de santé progressent de 1,7%. Au dire de l'OCDE, cette variation a tendance à ralentir au cours des dernières années, à l'exception du? médicament. Dans tous les pays membres de cette organisation, les dépenses hospitalières croissent moins vite que les dépenses ambulatoires et les dépenses de médicaments croissent un peu plus vite que le reste, en vertu d'un 'phénomène de substitution macro-économique médicaments-hôpital? : lorsqu'on restreint la consommation médicamenteuse, les entrées hospitalières progressent.
Autre facteur incontournable, depuis 1970 la France vieillit et l'un des phénomènes majeurs de la croissance des dépenses de santé sur ces dernières décennies est la médicalisation des personnes âgées.
Reste le progrès technique. Et là, autre idée reçue : la part des produits nouveaux est modeste en pharmacie. A titre d'exemple, ceux lancés en 1994 ne représentaient trois ans plus tard que 6% de notre marché. De même, 'entre 1997 et 2000, tous les produits ayant obtenu une ASMR I, II ou III (amélioration du service médical rendu) représentaient 0,22% du marché en 1997, 1,50% en 1998, 3,22% en 1999 et environ 4,5% en moyenne mobile sur les 6 premiers mois de 2000?. Par ailleurs, il est faux de dire que les techniques nouvelles se substituent aux anciennes : '10% de croissance des produits nouveaux se répartissent en 5% économisés sur les produits anciens qui ont disparu et 5% de croissance nette ; l'innovation ne joue pas?, constate l'étude.
Face à ces constats, la politique de pression sur les prix pour restreindre les dépenses pharmaceutiques est ' une voie sans avenir ?. Il faut utiliser d'autres moyens, notamment le financement volontaire (éventuellement par les organismes complémentaires) de l'évolution des dépenses de santé par la population. Elle y est prête. Car si hier, comme l'énonçait en guise de conclusion Claude Le Pen, 'les pouvoirs publics géraient les prix du médicament, aujourd'hui ils gèrent les budgets, mais demain ils devront gérer la qualité et la demande. Tel est le fond d'une politique moderne en matière de santé?.