Ve journées du GREPI : Philippe Fraisse et Thomas Maitre dressent un bilan des priorités à considérer pour faire face à la tuberculose

Appel à la mobilisation contre la tuberculose

Par Rédaction -  Théragora

Théragora - www.theragora.fr - Année 2018 - Page 0

Quels sont les risques  de résurgence de la tuberculose en France ? A quelles barrières doivent faire face les acteurs de la Lutte antituberculeuse (LAT) et quels signaux d’alerte tirent-ils? Le Docteur Philippe Fraisse, responsable Santé Publique du GREPI (groupes de travail/recherche et enseignement en pneumo infectiologie) de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et coordinateur du réseau national des centres de lutte antituberculeuse (CLAT) et le Docteur Thomas Maitre, Chef de clinique en maladies infectieuses à l’APHP (Hôpital Tenon) ont fait un point d’actualité lors des Ve journées du GREPI sur les priorités à considérer  pour faire face à la situation.

La tuberculose menace à nouveau l’Europe alors qu’elle avait été maîtrisée pendant des décennies. Les premiers touchés par cette maladie hautement contagieuse sont  les migrants. En Allemagne de 2013 à 2016, le flux migratoire s’est accompagné d’une augmentation de 30% de l’incidence de la tuberculose [1].

Les objectifs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont de réduire l’incidence de la tuberculose de 50% et sa mortalité de 75% en 2025 ; puis respectivement de 90% et de 95% en 2035 [2]. Serait-ce possible en France ? « L’incidence de la tuberculose maladie en France a diminué de 6700 cas à 4700 entre 2000 et 2015, mais il n’en n’est pas de même pour les formes multirésistantes», explique Thomas Maitre. Et d'ajouter : « Alors qu’il y avait peu de cas dans les années 2000-2010, l’incidence a doublé en 2012 et semble se stabiliser autour de 100 cas par an. »

 

 

Conditions sanitaires défectueuses

Cette augmentation serait essentiellement liée à des mouvements de populations imprévisibles, en particulier le flux migratoire de primo-arrivants d’Europe de L’Est. « 91% des patients détectés avec une tuberculose multirésistante en France sont nés à l’étranger, en particulier dans les pays de l’Europe de l’Est comme la Géorgie, la Russie ou l’Ukraine» souligne encore Thomas Maitre.

Par ailleurs, les conditions sanitaires défectueuses des réfugiés favorisent la non détection de la tuberculose et la transmission des bacilles. Propices à la diffusion de la tuberculose, les « jungles » exposent non seulement les migrants accueillis mais aussi les employés des ONG qui s’en occupent. Leur démantèlement et leur transfert dans les zones rurales demande, en outre, une réorganisation des priorités géographiques des Centres de lutte antituberculeuse donc de leurs ARS. Aujourd’hui, 46% des cas sont diagnostiqués hors Ile-de-France.

 

 

Politique de prévention altérée

A ces facteurs s’ajoute une incohérence législative en France concernant le dépistage de la tuberculose chez les étudiants migrants primo arrivants. Alors que l’Office Français d’Intégration et d’Immigration [3] (OFII) est chargé du dépistage de tous les migrants primo arrivants à leur accueil, depuis début 2016 la médecine préventive universitaire est chargée des étudiants. Ce chevauchement incite l’OFII à se décharger sur les établissements d’enseignement supérieur, qui faute de moyens les renvoient sur certains CLAT. Or le milieu universitaire n’est pas à négliger selon Philippe Fraisse : « A l’université de Strasbourg dans mon propre département, il y a 10400  étudiants internationaux en file active, 1900 primo-arrivants en 2017 : comment les dépister ? »

Autre facteur alarmant : la politique de prévention est altérée depuis deux ans à cause d’une pénurie de BCG, le vaccin anti-tuberculose. La pénurie menace par ailleurs certains traitements de la tuberculose, remettant en cause l’amélioration du succès du traitement en France, et l’atteinte de l’objectif de 85% fixé par l’OMS [4].

 

 

Nombreuses interrogations

Dans un contexte de pénurie de  BCG, il est nécessaire de définir des recommandations de vaccination optimisées ciblée sur les populations les plus à risque telles que les enfants des migrants primo-arrivants. « A la demande du Haut conseil de santé publique et de la Haute autorité de santé (HAS), nous sommes en train de redéfinir les pays à forte incidence » annonce le Dr. Fraisse.

Par ailleurs, le regroupement de migrants dans des zones rurales, qui prend au dépourvu non seulement les Centres de Lutte Antituberculeuse (CLAT) peu armés face à une telle affluence mais aussi les Centres hospitaliers universitaires (CHU), soulève de nombreuses interrogations : Où vont les migrants suite à un démantèlement de camp? Comment les dépister? Comment les suivre? Quelle protection de leurs travailleurs sociaux et encadrants? Le Réseau national des CLAT de la SPLF a réalisé une enquête nationale en accord avec la DGS et Santé Publique France pour apporter des réponses à ces questions.

Mais d'autres demeurent. Comment mieux valoriser les séjours pour tuberculose dans les hôpitaux? Comment prendre en charge les patients atteints de bacilles multirésistants en province, alors que le Sanatorium de Bligny est le seul centre de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) actif dans la prise en charge des patients multi-résistants et extra-résistants? « Il est critique de développer cette filière de soins pour décharger les CHU et il n’est pas normal qu’un CHU doive refuser des patients en état d’urgence, parce que ses lits sont occupés pendant 4  à 5 mois par un patient en attente ou en cours de traitement antituberculeux » met en garde Philippe Fraisse.

Une chose est certaine : toutes ces initiatives ne pourront pas être mises en place dans le contexte actuel de coupe budgétaire affectant la LAT. Il est plus que nécessaire de dédier des moyens conséquents, notamment la prise en charge des nouveaux tests de dépistage de l’infection tuberculeuse [5], la généralisation du diagnostic bactériologique rapide de la tuberculose et de la résistance à la rifampicine et la considération des déterminants sociaux, pour lutter activement et efficacement contre la tuberculose.

Pour tous renseignements complémentaires, contacter :
Professeur Anne Bergeron-Lafaurie, pneumologue Service de Pneumologie à l’APHP (Hôpital Saint Louis) et coordinatrice du GREPI anne.bergeron-lafaurie@aphp.fr 01.42.49.41.66
Docteur Philippe Fraisse, pneumologue Service de Pneumologie du CHRU et du CLAT de Strasbourg, et responsable Santé Publique du GREPI de la SPLF philippe.fraisse@chru-strasbourg.fr
Docteur Claire Andrejak, pneumologue Service de Pneumologie et Réanimation Respiratoire du CHU Amiens-Picardie, et coordinatrice du sous-groupe Mycobactéries du GREPI clandrejak@gmail.com
Docteur Thomas Maitre, chef de clinique en maladies infectieuses à l’APHP (Hôpital Tenon) thomas.maitre@aphp.fr
[1] http://databank.Banquemondiale.Org/data/reports.Aspx?Source=2&series=sh.Tbs.Incd&country=.
[2] http://www.who.int/tb/strategy/End_TB_Strategy.pdf?ua=1
[3] l’OFII est chargé du contrôle médical des migrants primo-arrivants s’ils séjournent plus de trois mois en France (art. L5223-1 du Code du travail) ; Les établissements d’enseignement supérieur sont rendus responsables du suivi sanitaire préventif des étudiants étrangers, qui n’y sont pas obligés (art. Rmr170181 R1 L313-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)
[4] http://www.who.int/tb/strategy/End_TB_Strategy.pdf?ua=1 page 6
[5] Le remboursement de certains nouveaux tests de dépistage de la tuberculose n’est pas assuré par l’Assurance Maladie dans le cas du suivi des sujets contact ou en médecine du travail : Décision du 24 mai 2017 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l’assurance maladie, Journal Officiel de la République Française du 22 juin 2017
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