Les tests oncogénétiques

Par Dr Sophie Duméry -  Journaliste médecin

Théragora - www.theragora.fr - Année 2021 - Votre pharmacien vous conseille N° 165 - Page 0

Ces tests sont proposés aux patients et aux membres d’une famille où des cancers se manifestent trop fréquemment pour être le fait du hasard. Le dispositif officiel n’est pas toujours suivi par les personnes concernées, de peur des résultats.

 

 

Qu’est-ce qu’un cancer héréditaire ?

 

Les cancers se transmettent de manière héréditaire quand une mutation ou une anomalie génétique cellulaire ne sont pas assez nocives pour interrompre une lignée familiale mais assez dangereuse pour en gâcher la santé. Les spécialistes parlent de « prédisposition génétique » provoquée par une « altération génétique constitutionnelle » ; on en connaît plus de 80 à ce jour pour les cancers. Elles représentent entre 5 et 10% des cas de cancers en l’état des connaissances. Les plus connues sont les altérations des gènes BRCA 1 et 2 (voir encadré).

Une mutation présente dès la naissance impose, du point de vue médical et de l’agence nationale dédiée à la lutte contre au cancer (Institut national du cancer - INCa), une surveillance à long terme, puisque la cancérisation des cellules est plus fréquente et précoce que dans la population générale.

 

Quand soupçonne-t'on un cancer héréditaire ?

Le type de tumeur, sa précocité (enfance/adolescence) sont des indices forts d’une altération génétique constitutionnelle transmissible à la descendance, avec cancérisation probable dans un délai court. Il est donc logique de vérifier si les autres membres de la famille en sont atteints.

La personne chez qui l’on diagnostique ce type de cancer est appelé « cas index », c’est-à-dire la personne à partir de laquelle s’organisent l’exploration et la traque généalogiques : comme lors d’un foyer infectieux pour remonter à la source de l’épidémie. Le principe reste le même : éviter que le cancer ou l’infection se reproduisent.

 

À qui propose-t-on des tests génétiques du cancer ?

Les tests de dépistage d’une prédisposition génétique à un ou des cancers sont appelés « oncogénétiques ». Ils font partie du bilan d’un cancer soupçonné héréditaire, et sont prescrits par un médecin spécialiste au cours une consultation d’oncogénétique. Celle-ci concerne le patient à titre personnel, car il y a un surrisque de récidive et de cancérisation d’autres organes. Elle lui est aussi proposée en tant que cas index dans une transmission familiale. Elle est donc proposée aux proches apparentés génétiquement (fratrie, père/mère, enfants). Les conjoints et partenaires non apparentées génétiquement, les personnes adoptées, ne sont pas concernés. En revanche, les mariages entre cousins sont à haut risque de concentration d’altérations génétiques familiales dans leur descendance. Toute personne appartenant à la lignée familiale du cas index peut demander une consultation d’oncogénétique, même en l’absence de cancer déclaré chez elle.

 

Comment se passe la consultation d’oncogénétique du patient ?

Le médecin reconstitue l’histoire personnelle et familiale, et construit son arbre généalogique avec les cas de cancers dont le patient à connaissance. Avec ces informations, il évalue le risque statistique d’un cancer héréditaire et prescrit un test génétique ciblé si nécessaire. Le patient peut refuser le test génétique, bénéficier d’un délai de réflexion avant de s’y engager, et être accompagner psychologiquement. Le test est fait par prise de sang ou prélèvement buccal, très peu invasifs, et envoyé à un laboratoire du dispositif national d'oncogénétique.

 

Que veut dire un test positif pour un patient ?

L’altération génétique constitutionnelle entraînant un surrisque du cancer diagnostiqué est identifiée. Elle nécessite un suivi spécifique pour le patient puisque les récidives de son cancer et émergences dans d’autres organes sont plus fréquentes. Parfois, l’altération génétique détectée n’a pas de lien connu avec le cancer diagnostiqué ; le médecin spécialiste engage alors d’autres explorations pour comprendre ce que cela implique.

Dans ces deux cas, du fait du risque héréditaire (anomalie constitutionnelle), le patient doit informer sa famille du résultat. C’est une obligation légale, que le patient peut déléguer à un médecin référent. Il peut d’ailleurs refuser de connaître son diagnostic et laisser le médecin faire le travail. La famille peut ainsi bénéficier d’une consultation d’oncogénétique et de tests appropriés, si elle le souhaite.

En l’absence de réaction du patient ou s’il refuse de prévenir sa famille, le médecin désigné référent (traitant ou spécialiste) est tenu par la loi d’inviter les apparentés à une consultation d’oncogénétique. L’invitation, qui ne mentionne pas le nom du cas index ni la maladie recherchée, est une recommandation ; elle permet élargir la prévention et les connaissances sur la maladie. Les personnes contactées gardent le droit d’ignorer cette invitation dans tous les cas. Le seul devoir est l’information, la décision est libre et individuelle.

 

Et si le test est négatif ?

Un test négatif n’exclut pas une prédisposition génétique. L’altération génétique constitutionnelle peut ne pas être détectable avec les techniques en cours ; ou qu'elle ne soit pas connue comme prédisposant au cancer concerné. Si le risque statistique à la première consultation d’oncogénétique est faible, le bilan est rassurant. En revanche, si les antécédents personnels et familiaux sont nombreux, une surveillance est conseillée. Surtout, de nouvelles recherches sont proposées à d’autres membres de la famille pour éclaircir l’affaire, à condition que ceux-ci soient d’accord.

 

Comment interpréter un test chez un apparenté ?

Si le test est positif, la personne détectée doit informer ses enfants s’ils sont majeurs et les inciter à se faire tester. Le test se discute avec le médecin généticien pour les enfants mineurs en fonction des risques encourus avant la majorité. Si le test des parents est négatif, les risques de la maladie pour la descendance sont ceux de la population générale. Les parents ne la transmettent pas.

Attention ! Porter une anomalie génétique constitutionnelle n’est pas un diagnostic de cancer. La transformation cancéreuse associée à la mutation peut très bien ne pas survenir avant le décès par une autre cause, et/ou être évitée par des mesures préventives (hygiène de vie, surveillance ciblée, interventions réduisant le risque).

 

 

Où trouve-t-on des consultations d’oncogénétique ?

Le dispositif national d’oncogénétique comporte 149 consultations dans 103 villes en France métropolitaine et départements d’outre-mer. Il est complété par 26 laboratoires d’oncogénétique réalisant les tests prescrits en consultation. Ces informations se trouve sur le site de l’INCa (www.e-cancer.fr) à la rubrique « dispositif national d’oncogénétique »). En 2018, il y a eu presque 80.000 consultations d’oncogénétique pour environ 30.500 cas index. Elles ont révélé 4008 porteurs d’altérations génétiques. Le délai d’attente était de 11 semaines. Pour les apparentés, environ 12.100 consultations obtenues en 6 semaines ont révélé 5108 porteurs d’altérations génétiques.

 



Le syndrome cancéreux « seins-ovaires »

Connue grâce à l’actrice Angélina Jolie qui en est atteinte, la mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 est transmise sur le mode autosomique dominant (mutation non sexuée toujours exprimée). Ces gènes réparent l’ADN cellulaire. S’ils sont dégradés, le risque de cancer précoce (avant 40 ans) des seins et/ou des ovaires (avant 60 ans) est élevé. Quinze à 20 % des cancers de l’ovaire « isolés » surviennent en fait chez des femmes avec une mutation héréditaire BRCA. Les hommes mutés BRCA risquent un cancer du sein précoce, d’autant plus dangereux qu’il est négligé donc dépisté tard.

 



Références

La consultation d'oncogénétique. INCa, février 2021

Oncogénétique en 2018 / consultations, laboratoires et suivi (2017 et 2018). INCa, juin 2020

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