La pertinence des soins c'est : "la bonne intervention de santé, au bon moment, au bon endroit pour le bon patient". La dispersion des pratiques conduit aujourd'hui à un non-respect de ce principe et aboutit à un paradoxe : malgré 30 à 40% d'actes inutiles, tous les malades ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin.
Pour remédier à cette situation, la première évidence est de soulager les professionnels débordés et de redonner des marges de manÅ?uvre au système de santé pour s'adapter.
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La désorganisation de notre système de santé s'exprime aussi par une hétérogénéité des pratiques de soins : pour la même situation chez un même malade les réponses apportées par les soignants sont diverses et parfois inappropriées.
Cela aboutit à des conséquences plus que malheureuses :
+ malades qui ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin ;
+ malades que se retrouvent exposés à des traitements ou des actes inutiles et potentiellement dangereux;
+ malades qui reçoivent des soins différents et présentés comme équivalents par défaut de recommandations publiques ;
+ malades qui reçoivent des soins qui diffèrent des recommandations publiques tant celles-ci demeurent non-suivies�
La dispersion des pratiques des médecins interroge à tout le moins quant à la qualité et la sécurité des soins auxquels les malades ont droit et questionne sur la pertinence des soins : les malades doivent recevoir les soins dictés par leur état de santé, soit « la bonne intervention de santé, au bon moment, au bon endroit, pour le bon patient » [1] .
Ces soins nécessaires doivent aboutir à un bénéfice attendu supérieur aux éventuelles conséquences négatives.[2] En théorie donc, toutes les décisions diagnostiques et thérapeutiques devraient être commandées par le principe de la gradation des soins.
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Plusieurs éléments de réponse sont à prendre en compte pour comprendre les 30% à 40% d'actes inutiles - bilans systématiques et systématiquement renouvelés, prescriptions redondantes voire inutiles�
+ la facilité des soignants qui peuvent engager des actes et prescriptions sans contraintes ou garde-fous, en réponse d'une part aux nombreuses demandes des patients et d'autre part au discours dominant quant aux poursuites judiciaires possibles (ces poursuites sont pourtant peu nombreuses dans notre pays au regard des standards internationaux sauf pour certaines spécialités : obstétrique, anesthésie �) ;
+ Le défaut de recommandations pratiques pour aider les médecins, ou de mises à jour de ces recommandations tant les évolutions des pratiques sont rapides. Cette absence de cadres est amplifiée par le manque d'impact de la formation continue sur les pratiques quotidiennes. Jusqu'à 40 % d'actes inutiles s'expliquant par un défaut de recommandations et une désorganisation du système ;
+ La désorganisation de notre système de santé qui conduit chacun des acteurs à prendre en charge pour une part importante ou très importante de son activité, des malades qui ne relèvent pas de son champ d'intervention.
Bon nombre de consultations de médecins généralistes, de spécialistes et d'hospitalisations ne respectent pas le principe de la gradation des soins. Dans de nombreux cas, l'état de santé du malade ne nécessite pas une consultation médicale ou une hospitalisation pourtant il est pris en charge dans cette configuration.
Il est logique en ce cas pour le soignant de répondre avec ses pratiques habituelles à ces demandes de soins qui se présentent hors de la gradation des soins, ce qui aboutit à des bilans systématiques, des traitements, des reconvocations� On aboutit inéluctablement à des consultations ou hospitalisations qui auraient pu être évitées.
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Infléchir cette spirale néfaste aux malades comme au système est non seulement nécessaire mais possible. Les marges d'efficience sont considérables pour garantir aux malades les soins dont ils ont besoin, soulager les professionnels débordés et redonner des marges de manÅ?uvre au système de santé pour s'adapter :
+ Organiser l'accès aux soins en premier lieu vers les soins primaires,
+ Appliquer le principe de la gradation des soins pour l'accès aux soins de second et troisième recours,
+ Généraliser l'utilisation de recommandations de pratiques plus nombreuses et régulièrement réévaluées,
+ Mesurer la pratique réelle en mettant en place des critères d'évaluation,
+ Mieux utiliser le développement professionnel continu pour adapter les pratiques,
+ Mettre en place la recertification des médecins.
Une telle politique est possible, elle nécessite non pas des moyens supplémentaires mais des dialogues avec les acteurs prêts à évoluer et une volonté politique continue des pouvoirs publics. Les effets immédiats de cette politique viendront soulager les divers soignants actuellement surchargés et redonner une disponibilité des offres de soins pour les malades qui accèdent difficilement aux soins dont ils ont besoin.
[1]HAS, L'analyse et l'amélioration de la pertinence des interventions de santé, mai 2014
[2]idem