Malgré l'impact important du confinement sur le cours de l'épidémie de Covid-19, la circulation du virus persiste sur le territoire français, même parmi les régions les moins touchées. À la date du 11 mai, fixée pour la sortie du confinement, une modélisation de l'Institut Pasteur estimait que l'infection aurait touché 5,7% de la population, avec d'importantes variations régionales, de moins de 2% en Bretagne, Nouvelle-Aquitaine et Pays de Loire jusqu'à 10-13% en Grand-Est et Île-de-France.
Le niveau d'immunité de la population française vis-à-vis du Sars-CoV-2 semble donc très faible, loin du seuil théorique de 60% qui permettrait d'escompter un niveau de protection collective. Cette situation rend nécessaire la mise en Â?uvre d'enquêtes séro-épidémiologiques itératives en population, représentatives de chaque région, de chaque tranche d'âge et de chaque catégorie socioprofessionnelle pour évaluer l'extension de l'épidémie dans la population. Par ailleurs, une forte demande de tests sérologiques est exprimée par les travailleurs professionnellement exposés et, plus largement, par de nombreuses personnes inquiètes, soucieuses de connaître leur statut immunitaire.
De nombreux tests sérologiques ont été développés pour la détection des anticorps IgG et IgM contre le SARS-Cov-2 dans un échantillon de sang veineux ou capillaire. Ce sont des tests ELISA utilisables en grandes séries sur automates et des tests unitaires (TDR ou TROD) réalisables à l'unité sur une goutte de sang capillaire obtenue par piqure au bout du doigt . Leur évaluation par les Centres Nationaux de Référence (CNR) des virus d'infections respiratoires a permis de sélectionner des tests répondant aux performances exigées par la Haute Autorité de Santé (sensibilité ≥ 90% et spécificité ≥ 98%), mais ces tests n'ayant pas encore été validés par les autorités de santé n'ouvrent pas droit au remboursement. Il faut noter toutefois que, même en utilisant un test ayant une spécificité de 98%, la valeur prédictive positive d'une séropositivité ne sera que de 50% dans toutes les régions du territoire épargnées par l'épidémie où la séroprévalence est estimée en moyenne à 2% .
De plus, si une sérologie positive témoigne d'une immunité contre le virus, elle ne permet pas de prévoir avec certitude que la personne sera protégée en cas de réinfection.
Dans le contexte actuel, face à la forte augmentation des demandes individuelles de tests sérologiques sans prescription médicale, l'accès aux tests doit rester contrôlé afin d'éviter toute dérive comportementale que pourrait induire une mauvaise interprétation des résultats.
Les Académie nationales de Médecine et de Pharmacie recommandent :
Â? que seuls les tests qui seront recommandés par les CNR et validés par le Ministère de la santé et des solidarités soient utilisés, qu'il s'agisse de tests unitaires ou de tests ELISA ;
Â? que les enquêtes séro-épidémiologiques en population soient coordonnées par les ARS et que chaque personne recrutée soit informée personnellement et confidentiellement de son statut sérologique ;
Â? que les tests sérologiques Covid-19 ne soient effectués ni sur simple demande individuelle, ni sur l'injonction d'employeurs ;
Â? que les tests sérologiques soient effectués uniquement sur prescription médicale, le médecin généraliste devant juger de leur nécessité après consultation ou téléconsultation ;
Â? que les médecins prescripteurs aient accès à des algorithmes d'interprétation les aidant à commenter les résultats de leurs patients, à demander si nécessaire des examens virologiques complémentaires et à en tirer les conséquences éventuelles ;
Â? que le rendu d'un résultat positif ne donne pas lieu à l'établissement d'un « certificat de séropositivité » ou d'un « passeport immunologique » ;
Â? que le secret médical soit scrupuleusement préservé.
[1] https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-02548181
[2] Communiqué de l'Académie nationale de médecine « Tests Covid-19 : applications collectives et individuelles » 10 avril 2020.