Olivier Véran lance le débat à quelques mois de la présidentielle

« Super sécu », le 100% pour tous : le ministre de la santé s’attaque aux assurances et aux mutuelles

Par Jacques Degain -  Journaliste

Théragora - www.theragora.fr - Page 0 - crédits iconographique Phovoir

Le ministre de la Santé Olivier Véran vient de saisir le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance maladie  (HCCAM) pour réfléchir à une nouvelle organisation du système de soins français, et à une profonde réforme de prise en charge des dépenses des assurés ;  mission dont les conclusions doivent être divulguées dans les tout prochains jours. Objectif annoncé par le ministre : le remboursement par l’assurance maladie de toutes les dépenses à tous les patients, au détriment des mutuelles, qui sont « vent debout ». C’est le projet de Grande Sécu. Est-ce bien réaliste et cohérent à quelques mois de l’élection présidentielle ?

 

 

 

L’idée d’une « Super Sécu »  - qui rembourserait l’ensemble des soins,  ne laissant que quelques miettes aux assurances complémentaires, mettant ainsi en danger leur existence - n’est pas récente. Elle avait déjà été évoquée lors du quinquennat Hollande, sans qu’elle ne franchisse les portes de l’hôtel Matignon, où elle avait été remisée dans les placards, jugée alors trop radicale et susceptible de soulever de trop vives réactions.  Le gouvernement déjà très contesté ne pouvait se permettre d’ouvrir un nouveau front.

 Le projet ressurgit donc aujourd’hui et le fait qu’il ait été rendu public par le Ministre de la santé,  reste dans la logique du pouvoir exécutif. Olivier Véran en défend l’idée depuis longtemps, avant même qu’il ne soit ministre, et il est envoyé au front pour tester les réactions alors que le projet reste encore flou et que le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance maladie, (HCAAM)  n’a pas encore rendu sa copie définitive.

 

 I- DE QUOI S’AGIT-IL

Quatre scénarios ont été évoqués par le HCAAM. Mais c’est le quatrième qui est le plus intéressant, le plus contesté aussi bien par les politiques que par les mutuelles. Dans ce cadre, la Sécurité sociale, au lieu de prendre en charge, comme aujourd’hui, 80% des soins, rembourserait la totalité des soins au tarif fixé par la Sécurité sociale. Plus de ticket modérateur, aujourd’hui remboursé par les mutuelles. En clair c’est le 100%  pour tous, et non réservé aux seuls malades en affection de longue durée(ALD). Ne resteraient à la charge des mutuelles que certains frais comme la chambre particulière à l’hôpital, des dépassements d’honoraires, des soins particuliers, des frais d’optiques, d’acoustiques, voire dentaires, et encore …Le champ d’activité des assurances complémentaires serait donc très réduit. C‘est leur existence même qui serait menacée.

 

II- QUELS AVANTAGES, QUELS INCONVENIENTS ?  

Les patients, dans leur majorité, n’auraient qu’un seul interlocuteur pour le financement de leurs soins et ne seraient donc plus obligés dans l’esprit de cette réforme de contracter une assurance complémentaire souvent très onéreuse, dit le gouvernement, notamment pour les personnes âgées. N’ayant donc pas l’obligation de s’assurer auprès d’une assurance complémentaire pour couvrir leurs frais non couverts par le régime obligatoire, ils verraient leur pouvoir d’achat augmenter, dit-on au gouvernement. Au moment où ce problème du pouvoir d’achat est l’un des thèmes privilégiés de la précampagne présidentielle, cet argument prend tout son sens.

Mais en filigrane se profile, disent les opposants au projet, le danger d’une nationalisation du système de santé ; et peut être la fin à court terme de la médecine libérale, du moins un risque de voir l’Etat imposer aux médecins ses tarifs, puisque désormais les médecins n’auraient qu’un  seul interlocuteur, alors que qu’ils en ont au moins deux aujourd’hui avec la sécurité sociale et les complémentaires. « Si la Sécurité sociale devait tout payer, les médecins, par exemple, n'auraient face à eux qu'un seul interlocuteur qui pourrait imposer de nouvelles règles de prise en charge ; donc ils deviendraient, in fine, salariés », s’insurge Xavier Bertrand dans une tribune libre du JDD. Le candidat à la candidature de la droite agite aussi le spectre d’une médecine à l’anglaise ou à l’américaine.

Dans ce cadre, le problème des déremboursements, décidés unilatéralement, doit être aussi évoqué. Même si de récentes actualités ont montré que les gouvernements, quelque soit leur couleur, n’hésitaient pas déjà en la matière.

 

III –QUELS  FINANCEMENTS

Très bien. Mais comment financer un 100% pour tous ? Alors que le système, dans sa configuration actuelle, accumule les déficits –plus de 30 milliards pour la seule assurance maladie en 2020, encore plus de 30 milliards en 2021 et près de 20 milliards prévus pour 2022, si toutefois l’épidémie Covid ne reprend pas de la vigueur. Une prévision que d’aucuns jugent d’ailleurs très optimiste.  Un équilibre des comptes ne pourra revenir avant au moins 2025, ou 2026. Et encore. Certes, le COVID et la politique du quoiqu’il en coûte, sont passés par là, mais reste que la lecture des comptes et des prévisions donne le tournis.

Des lors, quels financement pour le 100% pour tous…

Difficile d’augmenter les cotisations sociales et patronales qui ont déjà atteint un niveau inégalé en Europe, selon le dernier rapport de l’OCDE. Et taxer davantage le travail serait contre productif alors que la reprise économique doit être encouragée. Mais les français, argumentent les partisans de la réforme, n’ayant plus à payer une assurance complémentaire souvent onéreuse, pourraient accepter l’idée d’une taxe spécifique sécu. Pas gagné…On leur déjà « fait le coup » avec la CADES et la CSG…

Comment financer cette réforme sans augmenter les impôts, au risque de jeter dans la rue de nouveaux manifestants.

Comment y parvenir,  en se privant de la taxe de plusieurs milliards que les mutuelles versent chaque année à l’Etat. Des mutuelles, notons le en passant, qui ont quand même paradoxalement économisé plus de 2 milliards d’euros grâce à la crise du COVID, et qui ont échappé à la taxe COVID envisagée dans un premier temps par le gouvernement.

 Ce problème de financement est essentiel pour crédibiliser le projet annoncé par Olivier Véran qui devra aussi se pencher sur l’avenir des assurances complémentaires et surtout de leurs 100 000  salariés, en cas d’application de cette réforme.

 

IV QUEL AVENIR POUR CE PROJET

« Le gouvernement a lancé la balle » commente un député de la majorité. Qui la ramassera. . Pour l’instant, peu de commentaires, peu de débats. Comme si, en fait, on ne croyait guère à cette grande réforme, surtout à quelques mois de la présidentielle ; Parmi les candidats à ce scrutin, seul Xavier Bertrand, qui s’est rappelé qu’il avait été ministre de la santé à deux reprises, s’est insurgé contre ce projet. Du coté de la gauche, on hausse les épaules, en dénonçant la provocation. Un peu juste..
 

Reste que le rapport et l’avis du HCAAM seront scrutés avec attention. « Si ça fait débat, si les media s’en emparent, si les français réagissent, ce sera un sujet important de la présidentielle. Sinon, on n’en parlera plus », explique un député LREM. Du moins jusqu’au lendemain du deuxième tour. C’est bien là, l’inquiétude des responsables mutualistes qui  craignent que le sujet ne revienne rapidement sur la table après l’élection d’Avril prochain. Olivier Veran tient à la réforme; Emmanuel Macron, regarde le dossier. Rien n’est joué. Mais une chose semble évidente ; on en reparlera.

 

 

Les entretiens de Théragora
Les robots s'imposent dans le bloc opératoire
Les robots assistants chirurgiens sont désormais très présents dans les salles d'opération des hôpitaux. Associés à l'intelligences artificielle et à la réalité virtuelle, ils ouvrent la voie à la chirurgie cognitive de quatrième génération.
Archives vidéos Carnet Le Kiosque Théragora Mots de la semaine Derniers articles en ligne
Contactez-nous

Théragora est le premier site d'information sur la santé au sens large, qui donne la parole à tout ceux qui sont concernés par l'environnement, la prévention, le soin et l'accompagnement des personnes âgées et autres patients chroniques.

contact@theragora.fr

www.theragora.fr

Suivez-nous et abonnez-vous sur nos 5 pages Facebook

Facebook Théragora
Facebook Théragora Prévenir
Facebook Théragora Soigner
Facebook Théragora Acteurs de ma santé
Facebook Théragora Soutenir

Linkedin Théragora