Organisation Mondiale de la Santé (OMS

La poliomyélite, toujours d’actualité

Par Dr Sophie Duméry -  Journaliste médecin

Théragora - www.theragora.fr - Année 2020 - Votre pharmacien vous conseille N° 158 - Page 0

Un grand plan d’éradication a été lancé en 1988 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Malgré un réel succès il n’est toujours pas achevé, et des souches vaccinales rebelles défient ceux qui pensaient régler l’affaire avec des moyens financiers conséquents.

 

 

 

Les poliovirus affectant l’Homme font partie des entérovirus, dont le réservoir mondial est strictement humain : ORL et digestif. Moins de 10% des infections sont visibles sous forme d’un syndrome grippal dont le seul élément inhabituel est l’intensité des douleurs musculaires et une éventuelle réaction méningée. L’incubation va de 3 à 21 jours ; la contagiosité est maximale une semaine avant et une semaine après le début des signes quand ils existent. La guérison est spontanée en une dizaine de jours, sauf quand survient la paralysie flasque aiguë caractéristique de la maladie (voir encadré). La poliomyélite est une maladie à déclaration obligatoire, déclarée urgence de santé publique par l’OMS en 2014 pour des multiples raisons.

Très résistants dans le milieu extérieur, les poliovirus se transmettent facilement quand l’hygiène est insuffisante : par contact direct entre individus (gouttelettes de salive, contamination féco-orale, mains sales), et faute d’infrastructures sanitaires correctes (réseau d’eau potable, assainissement des eaux usées) favorisant l’absorption d’eau et d’aliments souillés.

 

Les limites de l’éradication mondiale

En 1988, la poliomyélite était endémique dans 125 pays à cause des trois souches du poliovirus sauvage (WPV 1, 2 et 3) responsables de la maladie. La souche 2 a été déclarée éradiquée par l’OMS en 2015 et la souche 3 l’a été le 24 octobre 2019. Reste la souche WPV1 toujours active officiellement dans trois pays, dont l’instabilité politique et les cultures tribales rendent difficiles les campagnes de vaccination : le Nigéria, l’Afghanistan et le Pakistan. Ce bon résultat repose sur le vaccin oral, efficace et facile à administrer en programme vaccinal de masse, particulièrement dans les pays peu ou pas industrialisés. Dit de type Sabin, ce vaccin comporte le virus vivant mais atténué (voir encadré). De sorte que la souche vaccinale peut muter pour retourner à une virulence sauvage épidémique. Elle peut aussi facilement se combiner génétiquement avec d’autres entérovirus dans le tube digestif des malades, exactement comme le poliovirus sauvage.

Les nouveaux virus dérivés des souches vaccinales (Vaccine-Derived PolioVirus - VDPV) frappent les personnes non vaccinées, et même des personnes vaccinées. Les personnes immunodéprimées sont aussi à risque de poliomyélite à cause de ces souches vaccinales « relapses », retournées à la virulence sauvage.

Cet échappement ne peut pas se produire avec le vaccin injectable (sous-cutané) de type Salk car celui-là est inactivé. Il est prévu de passer progressivement à ce type de vaccin région par région pour ne plus voir reparaître des poliomyélites par souches vaccinales VDPV « relapses ». En effet, des foyers par poliovirus « relapses » surgissent régulièrement en Afrique (République du Congo, Nigéria, Niger, Somalie) et jusqu’en Papouasie Nouvelle Guinée (souche circulante de VCPV de type 1) où l’OMS a vacciné la population en masse en 2019.

 

Une lutte qui va durer

Quand surviennent des foyers épidémiques de paralysie flasque aiguë (voir encadré), il faut les explorer précisément, dénombrer les cas, remonter à la source infectante, typer génétiquement le ou les virus en cause pour établir leur filiation (souche vaccinale ou souche sauvage) et leur neurovirulence, portée par un gène en particulier. L’idéal reste d’assurer partout une parfaite gestion des eaux usées ainsi qu’un approvisionnement sûr en eau potable. Tous les pays n’en sont pas là, hélas, d’autant que les conflits armés ruinent en quelques semaines les efforts de plusieurs années…

L’hygiène générale est toujours indispensable : déféquer dans des toilettes et non dans la nature, se laver les mains avant/après avoir vidé sa vessie et son rectum, avant/après la préparation et la prise des repas. Cette discipline est négligée quand on n’en comprend pas la nécessité et/ou quand on ne dispose pas d’eau propre et de savon pour la satisfaire.

La vaccination orale évolue. Les protocoles de l’OMS selon les zones concernées sont de plus en plus complexes pour dépasser le seuil protecteur des 60% de la population vaccinées, avec un minimum d’interventions efficaces. Du fait de l’éradication ancienne du poliovirus 2 le vaccin oral n’est plus dirigé que contre les souches sauvages 1 et 3. Mais les souches vaccinales 2 « relapses » posent problème… Faut-il retourner au vaccin trivalent ?

 

Des risques de réintroduction permanents

Les migrations humaines sont toujours à risque de cas importés dans des zones désormais indemnes de cas autochtones. Le danger est que les médecins ne sont plus familiers de la maladie, en particulier de la paralysie flasque aiguë. Le temps qu’ils réagissent permet au poliovirus de diffuser dans l’entourage. La surveillance environnementale (eaux usées) reste donc impérative. Une autre raison la justifie, moins « officielle » : l’échappement d’un poliovirus sauvage à partir d’un laboratoire qui le conserve, même dans des pays occidentaux dits sérieux. Un foyer hollandais a surgi en 2017 dans un laboratoire de production vaccinale. Cet incident a été parfaitement tracé et contenu par les services sanitaires. Le personnel contaminé (par aérosol) était correctement vacciné. Il n’a présenté aucun signe mais a excrété le virus dans ses selles pendant 29 jours. Le même type d’incident sest produit en France en décembre 2018 avec une excrétion fécale jusqu’au 35e jour chez la seule personne effectivement contaminée mais asymptomatique. Abaisser la couverture vaccinale reste extrêmement risqué…

 

 

La vaccination contre les poliovirus

Les vaccins administrés contre la poliomyélite en France sont des virus inactivés injectés, moins efficaces que le vaccin oral à virus vivants atténués, mais sans risque de retour à leur virulence originelle. Les vaccins injectables (type Salk) sont soit uniques, ne contenant que les 3 valences de poliovirus, soit le plus souvent combinés à d’autres vaccins contre la diphtérie, le tétanos, l’hémophilus, etc. ils sont alors trivalents (dTP), tétravalenst (DTPCa, dTPca), pentavalents (DTPCa-Hib) ou hexavalents (DTPCa-Hib-HBV).

La couverture vaccinale française est excellente jusqu’à 15 ans (supérieure à 80% de la population de ces âges) mais médiocre chez les plus de 65 ans (44%) alors que le risque associé au poliovirus est plus grand. Toutefois, avec la surveillance sanitaire en vigueur, une telle couverture vaccinale rend infime le risque d’une réintroduction de la poliomyélite, par les migrants officiels et clandestins par exemple.

 

La paralysie flasque aiguë

L’infection à poliovirus sauvage est à 90% asymptomatique (sans signes). On estime à 1% les atteintes du système nerveux qui provoquent l’atteinte typique de la maladie entre le 6e et 8e jour de la maladie. La paralysie (ou myélite) flasque aiguë à poliovirus attaque en quelques heures les nerfs moteurs de la moelle épinière de façon asymétrique. Les membres sont mous (flasques), les muscles respiratoires peuvent se paralyser rendant la respiration impossible, provoquant le décès de 2 à 5% des enfants et jusqu’à 30% des adultes, car il n’y a pas de traitement en dehors de la réanimation palliative. Seule la vaccination prévient les complications neurologiques et le décès, mais n’empêche pas toujours l’infection donc l’excrétion virale digestive (salive, selles), rendant nécessaire la protection vaccinale permanente de la population.
Ce tableau de paralysie flasque aiguë est typique des entérovirus, dont les différentes espèces épidémiques se multiplient actuellement dans le monde (entérovirus D68 et A71), faisant craindre un réassort des poliovirus vaccinaux avec ces entérovirus cousins. Les institutions de santé publique les surveillent de près ; mais des lacunes du repérage et de déclaration persistent, même dans les pays les mieux organisés sanitairement.

 



Références

Haut Conseil de la santé publique - Avis relatif à la conduite à tenir autour d’un cas de poliomyélite ou en cas de détection environnementale de poliovirus. 18 octobre 2019.

OMS - poliomyélite - 22 juillet 2019 - https://www.who.int/fr

Duizer E, Ruijs WL, van der Weijden CP, Timen A. Response to a wild poliovirus type 2 (WPV2)-shedding event following accidental exposure to WPV2, the Netherlands, April 2017. EuroSurveillance 25 mai 2017.

 

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