Alors que la crise sanitaire due à la COVID-19 se fait moins prégnante, les multinationales Kronenbourg SAS et Pernod Ricard proposent d'en aggraver une autre, chronique et meurtrière, en arrosant les campagnes de ses produits alcooliques. Dans un tweet daté du 8 juillet 2020 (1), l'initiative "1000 cafés" du Groupe SOS remercie ses partenaires, dont les deux entreprises. Celles-ci avaient effectivement annoncé le 2 juin (2, 3) un partenariat pour soutenir l'opération ayant pour objectif de créer des cafés dans les zones rurales en voie de désertification.
Une ré-alcoolisation qui va dans le même sens que le projet du Gouvernement d'EdouardPhilippe qui proposait le 21 février dernier d'arroser le milieu rural de plusieurs milliers de Licence IV gratuites (4).
Le lancement de l'opération "1000 cafés" repose sur la reprise d'arguments éculés du lobby alcoolier selon lequel le seul fondement de la convivialité est l'alcool, ainsi que sur le postulat que les bars suffiront à remplacer une économie vacillante ou inexistante.
Cette opération est un véritable leurre sinon une tromperie pour les populations et villages concernés, et un risque certain pour la santé publique.
En effet, contrairement à l'appellation anodine de "cafés", il s'agit bien de bars (avec des autorisations Licence IV) délivrant toutes les boissons alcooliques. On n'y boira pas que du café ou du jus de pomme ! Or, toutes les études le prouvent : plus le nombre de bars et donc l'offre d'alcool sont importants, plus la consommation augmente, ainsi que les dégâts sanitaires et sociaux qui en sont la conséquence mécanique. Nous n'avons pas besoin d'accroître le nombre de morts dus à l'alcool (41 000 par an) ni d'encombrer davantage les urgences et les services hospitaliers du fait de la consommation d'alcool.
L'intervention des groupes Kronenbourg SAS et Pernod Ricard dans cette opération déjà contestable ne fait que dévoiler leur vraie nature et leurs objectifs purement commerciaux, derrière les éléments de langage lénifiants : "convivialité respectueuse et responsable", soutien à l'économie de proximité et souci écologique en recyclant les déchets (5). Les habitants de ces zones rurales méritent mieux que l'alcool pour oublier l'appauvrissement économique de leurs territoires. Ce ne sont pas quelques emplois de gérants de bars qui les feront revivre.
Le marketing des alcooliers ne peut que trouver son compte à s'associer à une entreprise du social. Rappelons que toutes les recommandations scientifiques, y compris celles émises par l'Organisation Mondiale de la Santé, préconisent de mener des programmes de prévention en dehors de tout lien avec les alcooliers. Kronenbourg SAS et Pernod Ricard ne pouvaient laisser passer une telle occasion de blanchir leur image, grâce au Groupe SOS. Les populations rurales seront les otages valorisants de cette opération commerciale en trompe-l'œil de deux multinationales de l'alcool.
La santé publique y perdra à coup sûr, mais c'est une constante depuis le début de ce quinquennat pour ce qui concerne la prévention du risque alcool.
Références
1 - https://twitter.com/1000_cafes/status/1280920725965221891
2 - https://twitter.com/Kronenbourg_SAS/status/1267812617726255108
3 - https://twitter.com/Pernod_Ricard/status/1267722864872079361
4 - https://www.lavoixdunord.fr/713739/article/2020-02-21/edouard-philippe-annonce-plus-de-10-000-nouveaux-bistrots- pour-les-campagnes
5 - https://www.pernod-ricard.com/fr/medias/communiques-de-presse/reouverture-des-bars-restaurants/