Vite le 15 !

AVC, le temps est compté

Par Dr Sophie Duméry -  Journaliste médecin

Théragora - www.theragora.fr - Année 2020 - Votre pharmacien vous conseille N° 156 - Page 0 - crédits iconographique Rino

Première cause de handicap acquis, l’accident vasculaire cérébral (AVC) est la première cause de décès féminin dans le monde. Lorsque la chaîne de soins fonctionne bien, elle permet de traiter en unité neuro-vasculaire hospitalière en moins de trois heures idéalement. Un compte à rebours pas facile à tenir…

Les signes neurologiques typiques de l’AVC sont une urgence, ils impliquent l’appel du numéro 15. Cependant, ils varient considérablement selon l’importance de l’AVC. Les situations dites « bruyantes » se remarquent tout de suite et déclenchent les secours… à condition que le patient ne soit pas seul : un AVC massif rend quasi impossible l’appel au 15 par soi-même.

Dans les cas extrêmes, le décès survient en quelques minutes. Dans les cas sévères, l’entourage constate une défaillance brutale d’une moitié du corps (hémiplégie droite ou gauche) ; si la personne était debout ou en équilibre sur un tabouret par exemple, elle chute. La paralysie d’une moitié du visage déforme la bouche et rend plus évidente l’aphasie, un trouble du langage rendant le discours incompréhensible. La soudaineté d’une faiblesse d’un bras et d’une jambe d’un même côté du corps est caractéristique ; les médecins parlent de « déficit focal ». Il n’est pas toujours évident. Pour ne pas l’ignorer, il faut demander à la personne de faire trois choses : 1) sourire (pour observer la déformation de la bouche), 2) lever les deux bras ensemble (pour constater la faiblesse de l’un d’eux), 3) répéter une phrase simple comme « la météo aujourd’hui est superbe » (pour vérifier l’atteinte des centres du langage).

 

Le défi des signes trompeurs

Un AVC peut ne pas être brutal mais s’aggraver en plusieurs heures, voire fluctuer. Il peut s’agir d’une perte de la sensibilité du corps pour laquelle de nombreux autres diagnostics sont possibles. Dans les cas bizarres, un diagnostic urgent est indispensable : chute et/ou interruption de la vigilance, dérobement des jambes, attention suspendue. Ce peut être un vertige, avec ou sans vomissement, comme une « ébriété » alors qu’on n’a bu aucun alcool ou très peu. De nombreux buveurs légers sont décédés d’un AVC parce qu’on les a crus un peu vite ivres.

Un mal de tête soudain et épouvantable (en coup de tonnerre) est typique d’une rupture d’anévrysme intracrânien.

Des difficultés inopinées à s’exprimer sont suspectes. La personne cherche ses mots, se trompe de terme, mais elle ou son entourage banalisent à tort. En général les troubles visuels inquiètent le patient suffisamment pour qu’il recherche vite un avis médical.

Signalons les accidents vasculaires qui touchent la moelle épinière, le plus souvent par un caillot venu du cœur (voir plus bas). Ils sont rares, excessivement traîtres : les déficits moteurs et sensitifs ne concernent que la moitié inférieure du corps, avec une limite supérieure variant avec le niveau de la moelle atteint.

 

Vite le 15 !

Face à une de ces anomalies l’appel au 15 est indispensable. Le médecin régulateur s’informe sur des facteurs de risque associés confortant la probabilité du diagnostic (voir encadré). Le SAMU se rend au chevet du patient au plus vite car chaque minute écoulée coûte deux millions de neurones détruits. Pour cette raison 75% des personnes survivant à leur AVC en conservent des séquelles, plus ou moins invalidantes. Le compte à rebours s’enclenche aux premiers signes observés par l’entourage ou ressentis par le patient.

Dans 20% des cas, les anomalies dues à l’AVC sont constatées au réveil après une sieste ou une nuit de sommeil. Le décompte commence alors au dernier moment indemne connu. Une nuit de sommeil est un délai bien supérieur aux 3 heures idéales de prise en charge, et aux 4 heures 30 généralement admises pour une intervention limitant significativement les séquelles. Cela dit, avec les progrès techniques, la prise en charge peut rester efficace jusqu’à 24 heures même si les bénéfices sont moins manifestes.

 

Les femmes laissées pour compte

Les AVC représentaient 140 500 décès en 2016 (22,2% de la mortalité totale) ; 10% de ceux-ci surviennent dans le mois qui suit l’accident. Les séquelles immédiates ou retardées touchent environ 500.000 personnes par an, telle la démence dont l’AVC est la deuxième cause reconnue. Mais la situation est déséquilibrée. Les femmes courent un risque plus élevé d’AVC lors de circonstances favorisantes telles que le diabète et l’hypertension. Une hypertension durant une grossesse augmente le risque ultérieur d’accident vasculaire au cours de la vie. La grossesse elle-même et les traitements hormonaux (contraception) élèvent ce risque.

C’est un processus en cascade. Le risque d’AVC double chez une femme en fibrillation auriculaire par rapport à un homme avec la même pathologie. La fibrillation auriculaire est un trouble du rythme cardiaque liée au vieillissement du cœur et à ses maladies antérieures comme un ou plusieurs infarctus du myocarde. Or ceux-ci sont mal dépistés et pris en charge chez les femmes ; leur risque est donc ignoré.

Moins vite diagnostiqué et pris en charge, un AVC féminin augure d’une mortalité et de séquelles plus sévères. De fait, si son incidence (nombre de nouveaux cas par an) est globalement de 30% inférieure chez les femmes par rapport aux hommes d’une même classe d’âge, sa mortalité est plus élevée.

 

Les UNV, services de pointe

Pris en charge par le SAMU, le patient est directement emmené dans une unité neurovasculaire (UNV), spécialisée dans la prise en charge des AVC. Il y en a 140 sur le territoire. Les médecins y disposent d’une imagerie (scanner et IRM) 24h/24 et de salles pour pratiquer des techniques dites interventionnelles, où l’on agit sur le cerveau par l’intérieur des vaisseaux sanguins. Il est aussi possible de faire un diagnostic dans des services hospitaliers moins spécialisés par télémédecine, avec un neurologue expert (UNV) qui précise le diagnostic à distance. L’intelligence artificielle révolutionne celui-ci progressivement grâce à une exploitation logicielle poussée de l’imagerie de référence que sont le scanner et surtout l’IRM. Mais toutes les UNV n’ont pas encore équipées.

Le traitement dépend du mécanisme de l’AVC. Les causes ischémiques (interruption du flux sanguin dans une zone cérébrale par un caillot sanguin) sont les plus fréquentes (80% des cas) ; les autres causes sont hémorragiques (20%) par rupture ou fuite d’un vaisseau sanguin.

Les occlusions artérielles par un caillot se traitent conventionnellement par l’injection de substances qui le dissolvent, des « thrombolytiques ». Des techniques intra-artérielles permettent de libérer ces traitements au plus près du caillot. La plus récente consiste à retirer mécaniquement un « gros » caillot en allant le chercher où il se trouve dans l’artère cérébrale concernée. Cette « thrombectomie » s’adresse à des situations précises et reste limitée à quelques centres experts.

Cela dit, les performances thérapeutiques des UNV nécessitent des soins de suite et de rééducation pour les meilleurs bénéfices, mais ils sont insuffisamment prescrits : 44% seulement des patients séjournent dans ces centres neuro-locomoteurs (chiffres 2014), alors que la moitié d’entre eux y récupèrent de la mobilité.

 

 

 



Répartition des patients adultes victimes d’un premier épisode d’AVC constitué en 2012, selon l’âge et le sexe

 

Sources : SNDS (PMSI et DCIR). Exploitation Irdes. Cohorte primo-AVC 2012, adultes, AVC constitués.



Prévenir plutôt que guérir

À l’âge de 25 ans, le risque moyen d’AVC au cours d’une vie est de 25% dans le monde. Plus de 90% des cas mondiaux sont attribuables à des situations individuelles, le plus souvent liées au comportement. L’hygiène préventive reste le meilleur bouclier, ainsi que l’observance scrupuleuse du traitement des maladies favorisantes.

En France (IRDES, 2019) les premiers AVC chez l’adulte sont à 52 % liés à deux facteurs de risque et plus, à commencer par l’hypertension artérielle (51%), une dyslipidémie ou trouble des lipides sanguins (37%), un diabète (20 %). Les fibrillations auriculaires (trouble du rythme cardiaque) ne sont pas rares (16 %) ni la dépression (20 %) témoin du stress psychosocial. Les insuffisances rénales ferment la marche (14%).

 

 

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