Recommandations pour la pratique clinique de la Haute Autorité de Santé

Prise en charge de l’artériopathie chronique oblitérante athéroscléreuse des membres inférieurs (AOMI)

Par Dr Sophie Duméry -  Journaliste médecin

Théragora - www.theragora.fr - Année 2007 - Impact Médecine N° 185 - Page 0

Le meilleur témoin de l‘artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) est la chute de l’index de pression systolique (IPS) sous 0,90. L’IPS est le rapport de la pression systolique à la cheville sur la pression systolique humérale, mesurées par sonde Doppler.

 L’AOMI se présente sous deux formes :
- l’ischémie d’effort, avec ou sans signes cliniques, chronique ;
- l’ischémie permanente, chronique ou aiguë.

Dans le premier cas, le risque cardiovasculaire domine largement par rapport au risque local ; dans le second, le risque local est pour un temps prépondérant.

La cause dominante est l’athérothrombose : 95 % des AOMI s’accompagnent d’au moins un facteur de risque cardio-vasculaire. L’AOMI asymptomatique concernant 10 à 20 % des personnes au-delà de 55 ans, la mortalité cardio-vasculaire associée étant de 18 à 30 % à 5 ans, le dépistage individuel est donc souhaitable par évaluation clinique et mesure systématique de l'IPS chez tous les sujets à risque cardiovasculaire.

Le critère diagnostique retenu est un IPS < 0,90, qui témoigne d'un risque cardio-vasculaire proche de celui du claudicant de même IPS. Risque cardiovasculaire inversement corrélé à l’IPS, notamment en dessous de 1,10, sans effet de seuil. Attention, un IPS > 1,30 est en faveur d’une incompressibilité des artères, soit un marqueur indépendant de risque cardiovasculaire.

L’objectif thérapeutique est l’identification et la prise en charge active des facteurs de risque cardio-vasculaire contrôlables (prévention secondaire de l’athérosclérose), par des moyens médicamenteux et non médicamenteux.

Certains moyens thérapeutiques sont recommandés sur la seule constatation d’un IPS < 0,90 et d’autres en fonction des facteurs de risque cardiovasculaire associés.

La conduite à tenir en cas d’AOMI asymptomatique est résumée dans le schéma ci-contre. Il est raisonnable de les associer chez la majorité des patients symptomatiques. Le risque cardio-vasculaire étant, à IPS égal, comparable que l’AOMI soit symptomatique ou non, il est recommandé d’instaurer chez le patient asymptomatique un traitement médicamenteux au long cours sur la base de ce qui est recommandé pour le patient symptomatique claudicant : anti-agrégant plaquettaire, hypolipémiant par statine, maîtrise tensionnelle par IEC.

La synergie de leur association n’est pas expérimentalement évaluée, leur indication doit prendre en compte l’existence d’autres lésions athéromateuses, les facteurs de risque et l’IPS (notamment chez le patient asymptomatique).

Les stades symptomatiques sont parfois aiguës, elles relèvent alors d’une intervention spécialisée,  rapide pour l’ischémie persistante chronique, ou en urgence pour l’ischémie aiguë. Le sauvetage du membre est l’objectif prioritaire.

AOMI avec claudication intermittente

Le bilan initial comportant un écho-Doppler des membres inférieurs avec mesure de l’IPS suffit habituellement. Le test de marche avec pressions de cheville n’est pas systématique, il est utile au diagnostic différentiel, et au suivi. L’angiographie se justifie uniquement en cas d’échec du traitement médical, de lésions invalidantes ou menaçantes (iliaques, fémorales communes) dans l’objectif d’une revascularisation (angioplastie dans le même temps opératoire). L’angioscanner ou l’angio-RM sont a fortiori réservés aux atteintes complexes.

La thérapeutique engage en 1re intention une réadaptation vasculaire supervisée (≥ 1 heure 3 fois/semaine). La revascularisation (abord endovasculaire ou chirurgie ouverte) s’envisage en cas d’échec après 3 mois de traitement bien conduit, voire plus tôt en cas de lésion proximale invalidante ou menaçante. L’endoprothèse se pose uniquement si la recanalisation est insuffisante en fin d'angioplastie par ballonnet.

Dans l’AOMI avec ischémie persistante chronique, l’objectif est le sauvetage du membre et le contrôle de la douleur. L’hospitalisation en milieu spécialisé permet l’expertise multidisciplinaire. Le bilan comporte l’angiographie (conventionnelle ou angio-RM ou angioscanner) en complément de l’écho-Doppler.

On choisit le revascularisation, percutanée ou non, chaque fois qu'elle est possible, après évaluation de la balance bénéfice/risque. Un pontage sous-inguinal impose le traitement antiagrégant plaquettaire au long cours, une endoprothèse un double traitement antiagrégant plaquettaire (aspirine 75-160 mg/j et clopidogrel) au début (hors AMM), puis simple.

L’ischémie aiguë sur AOMI est un diagnostic clinique ; aucune exploration ne doit retarder l’intervention. La prise en charge thérapeutique est immédiate dès le diagnostic, avant le transferte en milieu spécialisé par héparine à doses hypocoagulantes. La désobstruction en urgence se fait par thrombectomie chirurgicale, thrombolyse in situ ou thromboaspiration... L’amputation est inéluctable dans les lésions tissulaires irréversibles, dans les ischémies permanentes chroniques sans revascularisation possible échappant au traitement médical, quand le pronostic vital est menacé.

Les recommandations HAS

 

L'avis de Pr Patrick Carpentier, président du groupe de travail, médecine vasculaire, CHU Grenoble
La mise à jour est prévue des recommandations sur l’artériopathie des membres inférieurs est prévue dans trois ans : pourquoi trois ans ?
Le groupe de travail a estimé que d’ici trois ans, un certain nombre de modifications importantes seraient sans doute nécessaires du fait des travaux en cours et des progrès attendus, notamment dans la prévention secondaire de l’athérosclérose et la stratégie d’exploration des ischémies sévères, et dans d’autres domaines également…
La sortie de l’ACBUS sur les antiagrégants plaquettaires n’en est-il pas déjà un exemple ?
Non, les recommandations sont fondées sur les données scientifiques expérimentales ou observationnelles. L’ACBUS est un accord professionnel qui est censé s’inspirer des recommandations, et non l’inverse. Les données concernant les antiplaquettaires prises en compte dans les recommandations sont déjà assez anciennes. Depuis leur rédaction, les résultats de l’étude Charisma auraient pu amener du nouveau s’ils avaient été positifs, mais ce n’est pas le cas, comme vous le savez.
Quels sont donc les principales avancées de ces recommandations sur l’artériopathie ?
Les points les plus importants sont :
- La reconnaissance des patients souffrant d’artériopathie comme des patients à très haut risque cardiovasculaire, justifiant une prise en charge analogue à celle des coronariens ou des patients ayant subi un accident vasculaire cérébral.
- La prise en compte, au même titre, des artériopathies asysmptomatiques, à partir du moment où elles sont hémodynamiquement significatives, c'est-à-dire où elles ont un index de pression systolique mesuré au doppler inférieur à 0.90, d’où l’intérêt de leur dépistage systématique.
- L’importance de la prise en charge des patients les plus sévères, ceux qui sont au stade d’ischémie permanente, en hospitalisation dans des centres spécialisés.
- Et la place cruciale de la rééducation et de l’éducation thérapeutique pour les patients vasculaires.
En somme, nous attendons que les patients atteints d’artériopathie reçoivent désormais autant d’attention que les autres patients athéromateux de la part du corps médical et des pouvoirs publics.

 

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